Un avertissement pour "celui-ci et tous les autres" : le parquet de Bastia a requis six à huit mois de prison avec sursis à l'encontre d'un jeune homme de 20 ans. Il avait été interpellé cagoulé et en possession d'un couteau le 6 mars, lors d'une manifestation à Corte en soutien à Yvan Colonna.
"Un concours de circonstances". C'est en ces termes que Théo L., 20 ans, caractérise son interpellation par les forces de l'ordre, survenue le 6 mars dernier, à Corte, en marge de la manifestation en soutien à Yvan Colonna. Il est aux alentours de 18h, ce jour-là, quand le jeune homme, étudiant en éco-gestion, tombe "nez à nez" avec des policiers, dans une rue proche des heurts qui ont éclaté.
Théo est alors vêtu de noir, porte une cagoule et capuche qui laissent penser aux forces de l'ordre qu'il souhaite dissimuler son identité, et a avec lui un sac dans lequel sont retrouvés un couteau et un aiguiseur à couteaux. Deux points sur lesquels le jeune homme s'est exprimé, lors de son audience au tribunal correctionnel de Bastia, ce 12 avril.
La posture droite et la voix basse, parfois difficilement audible dans la salle d'audience, Théo L. admet sans difficulté à la présidente Joëlle Lesparre avoir pris part au rassemblement, en compagnie d'amis. Lui se décrit comme désintéressé de la politique et peu habitué des manifestations.
Il l'assure : il n'aurait pas tenté de masquer son visage, mais de se protéger des gaz lacrymogènes, largement dispersés par les forces de l'ordre. Quant au couteau découvert dans sa bandoulière, ce jour-là, "ce n'était pas intentionnel". "Vous savez qu'on ne peut pas avoir un couteau sur soi ?", l'interpelle la présidente. "Ce n'était pas voulu", reprend-t-il simplement.
"Il n'est pas l'emblème des manifestations violentes"
Depuis un mois, et les nombreuses manifestations et rassemblements tenus en hommage à Yvan Colonna, "il n'y a eu que peu d'interpellations", précise le représentant du ministère public, Frédéric Metzger. Une consigne donnée aux CRS pour assurer le maintien d'un calme relatif, et "surtout pour ne pas provoquer de blessés chez les jeunes". L'interpellation de Théo L. s'est déroulée "parce qu'il n'y avait aucun risque".
Pour autant, argue le parquet, "c'est un jeune bien sous ton rapport. Les policiers ont mentionné qu'il n'est pas hostile, a accepté qu'on l'interpelle, et même de prendre part à une reconstitution. Il a collaboré, est poli, et j'ai envie de dire que malheureusement, cela tombe sur lui, parce qu'il y en a des plus malins, des plus anciens, qui ne commettent pas les mêmes erreurs et ne sont pas interpellés."
Théo L. "n'est pas l'emblème des manifestations violentes", reprend Frédéric Metzger, et dans cette situation, "on est presque à la limite du contraventionnel". Néanmoins, le représentant du ministère public pointe la possibilité d'action non pas d'un homme seul, mais de l'effet de groupe "qui est dangereux", preuve en est, estime-t-il, les violences recensées lors de diverses mobilisations ces dernières semaines, comme la manifestation le 13 mars à Bastia.
Une peine en avertissement "pour celui-ci et tous les autres"
Le parquet requiert en conséquence six à huit mois de prison avec sursis, et la confiscation du couteau et de l'aiguiseur saisis. "Il n'a pas été pris en train de jeter des cocktails molotov, d'attaquer les forces de l'ordre ou la main armée avec le couteau", mais sa peine doit servir d'avertissement, "pour celui-ci et pour tous les autres".
Une peine trop sévère pour l'avocate de Théo L., Me Anaïs Colombani. "Il a été interpellé avec deux autres personnes, pour lesquelles il n'y a eu aucune conséquence", rappelle-t-elle. "Est-ce-qu'on va faire l'exemple de quelqu'un qui quitte la manifestation au moment où les violences montent crescendo ? On demande une peine certes avec sursis, mais qui reste très haute et très handicapante pour la suite de sa vie professionnelle."
La décision est mise en délibéré au 10 mai prochain.
Important dispositif policier
Pour rappel, il s'agit du second procès d'un manifestant des suites des mobilisations tenues au cours des dernières semaines. Le 7 avril dernier, un jeune de 18 ans, proche du mouvement Ghjuventù Libera, est passé en comparution immédiate au palais de justice de Bastia pour "violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique", lors du rassemblement devant la caserne de Furiani, le 3 avril. Il a été condamné à 18 mois de prison dont 12 avec sursis.
Dans les deux cas, les audiences se sont tenues sans rassemblement devant les grilles du palais, mais avec une forte présence policière, alors que le contexte reste toujours tendu en Corse.