Procès de l’assassinat de Lucien Ansidei : la défense de Christophe Pruneta plaide l'acquittement

Le procès de Christophe Pruneta s’est ouvert vendredi dernier devant les assises de Haute-Corse. Il est accusé d’avoir assassiné Lucien Ansidei, conseiller municipal de Cagnano, alors qu’il était en cavale et habitait au-dessus de chez lui. L'homme nie son implication. Le verdict est attendu dans la journée.

Les avocats de la défense partagent le même point de vue : la réclusion criminelle à perpétuité – avec 18 années de sûreté -, requise, ce jeudi matin, par l’avocat général à l’encontre de Christophe Pruneta, semble démesurée.

Demesurée, dans un procès où la personnalité "dangereuse" de l’accusé a souvent été avancée, tant par les avocats des parties civiles que par le représentant du ministère public, note Me Eve Mori-Cerro, qui invite dans ce cadre les jurés à se souvenir, comparativement, au moment de partir en salle des délibérations, des propos de l’enquêteur de personnalité, "qui a dit que Christophe Pruneta est un travailleur, qu’il a obtenu un BEP paysagiste".

"C'est un homme qui a eu la lucidité de dire : "Aujourd’hui, j’ai raté ma vie, et ce n’est pas la faute de mes fréquentations, c’est ma faute à moi"

"Gardez à l’esprit, les encourage-t-elle, que c’est un homme qui a eu des addictions", qui a pu faire preuve "d’un amour véritable et de générosité", notamment envers les enfants de connaissance citées pendant le procès. Un homme, aussi, "qui a eu la lucidité de dire : "Aujourd’hui, j’ai raté ma vie, et ce n’est pas la faute de mes fréquentations, c’est ma faute à moi"", insiste-t-elle.

Dans un dossier qu’elle regrette trop peu fourni, avec des investigations qu’elle juge parfois défaillantes, l’avocate estime que les réquisitions de l’avocat général "n’ont pas lieu d’être". "Je me pose aussi la question du quantum de cette peine que vous avez requise dans ce dossier aussi maigre, dans ce dossier ou des questions restent en suspens, dans ce dossier où les interrogations me laissent encore dubitatives."

"Un homme relégué au rang des criminels qui ont secoué l'actualité judiciaire de notre pays, les Tommy Recco ou Michel Fourniret"

Me Frédéric Monneret, second conseil de Christophe Pruenta, lui succède à la barre. "Je dois vous concéder que c’est avec une certaine émotion que j’interviens ce matin, puisqu’il a été requis une peine d’élimination à l’encontre de cet accusé, c’est-à-dire la réclusion criminelle à perpétuité", entame l’avocat. "C’est-à-dire que du côté de l’accusation, on n’a trouvé aucune once d’humanité chez cet homme, un individu dangereux, relégué au rang des criminels qui ont secoué l’actualité judiciaire de notre pays, les Tommy Recco ou Michel Fourniret."

Cette affaire, reconnaît Me Frédéric Monneret, "elle n’est pas facile à plaider, et elle n’est pas facile à juger. Elle n’est pas facile parce qu’il y a la personnalité de l’accusé, pas facile parce qu’elle est douloureuse pour les parties civiles."

Dans un dossier de cette nature, "il ne sert à rien de rajouter du rouge au sang qui est suffisamment rouge, il ne sert à rien de rajouter du malheur au drame que vivent les parties civiles, les faits sont intrinsèquement dramatiques. Il ne sert à rien non plus d’en rajouter sur les traits de caractère de l’accusé, cela ne fait en rien avancer la justice", argumente l’avocat.

Me Frédéric Monneret invite les jurés à réfléchir sur le témoignage apporté par la compagne de la victime, qui n’a pas vu le moment du tir, et rapporte avoir entendu des propos, mais n’est pas en capacité d’identifier l’auteur de la voix, quand celle, "rocailleuse" de Christophe Pruneta paraît reconnaissable.

"On était tellement convaincus que l’auteur des faits, c’était Monsieur Pruneta, qu’on a peut-être été un peu vite en besogne"

De même, estime-t-il, cette dernière n’a été en capacité de désigner formellement le nom de l’accusé comme étant celui qu’elle a vu rentrer dans l’habitation qu’une fois que son nom lui a été soufflé de l’extérieur.

"On ne m’enlèvera pas de l’esprit qu’à la suite de la discussion qu’elle a eu [avec une tierce personne, meilleur ami de la victime], elle a forgé sa conviction". "Ce qu’elle déclare, mais elle a l’honnêteté intellectuelle de le préciser, c’est que quand elle donne son intime conviction, c’est sûr une intime déduction de sa part. Elle dit au juge d’instruction qu’elle n’a pas assisté à la scène de tir et ne peut pas dire qui a tiré."

Dans ce dossier, glisse l’avocat, "on était tellement convaincus que l’auteur des faits, c’était Monsieur Pruneta, qu’on a peut-être été un peu vite en besogne". Il note, notamment, que les techniciens d’investigations n’ont pas identifié, en premier lieu, un impact de balle dans la porte.

Plus encore, il rappelle les propos de Christophe Pruneta, qui rapporte que le soir des faits, il était venu pour arroser sa plantation de cannabis en compagnie d’une connaissance, conditions qui peuvent interroger quant à la préméditation réelle d’un tel crime.

Dans un tel procès, indique-t-il aux jurés, "juger, c'est aussi douter", et douter d'un coupable peut-être trop facilement désigné. Dans ces conditions, Me Frédéric Monneret demande l'acquittement de son client.

Le verdict attendu en fin de journée

Pour rappel, Christophe Pruneta, 45 ans, est accusé d’avoir tué par balle Lucien Ansidei, un conseiller municipal de Cagnano, le soir du 3 février 2017.

L’accusé, qui avait été condamné en 2011 à une peine de 10 ans de prison au centre pénitentiaire de Borgo, était en cavale depuis mai 2016, après avoir profité d’une hospitalisation dans l’établissement psychiatrique de San Ornello pour s’évader. En février 2017, il occupait – ou avait récemment occupé – un logement se trouvant au-dessus de celui de la victime, qui l’avait auparavant également hébergé.

Christophe Pruneta nie, depuis le début des investigations et depuis le début du procès, fermement les faits. Il désigne un troisième homme, Luigi Bestetti, comme le véritable tireur. Une version de la nuit du drame qu’il a régulièrement révisé, face aux enquêteurs comme face à la cour, et jugée, hier, "ni crédible, ni possible", par les avocates des parties civiles, comme par l'avocat général aujourd'hui.

Le verdict est attendu en fin de journée, ce jeudi 30 novembre.

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