Le pôle économique et financier de Bastia va-t-il changer avec la réforme de la justice. Pour l’instant, la réponse reste floue. Mais certains s’inquiètent de lui voir retirer certaines missions.
La réforme de la justice et la réorganisation qu’elle suppose des différents services sur le territoire continue de faire de vagues parmi les professionnels. Elle s'est invitée dans les tribunaux lors des rentrées solennelles. Les avocats et les magistrats s'inquiètent d'une concentration et une centralisation excessive des compétences. La réforme reste ainsi floue sur l'évolution du rôle du pôle économique et financier de Bastia. Si l'on sait que son existence n'est pas menacée les avocats, notamment, s'interrogent sur la poursuite de toutes ses missions et craignent un transfert des plus gros dossiers de délinquance économiques sur le continent. Les autorités se veulent rassurantes.
Seules quelques personnes autorisées peuvent accéder au pôle économique et financier de Bastia. Spécialisé dans les affaires financières, il agit dans la plus grande discrétion. Il comprend deux magistrats instructeurs, deux représentants du Parquet.
"Atteintes à la probité"
93 dossiers sont en cours. 31 concernent une catégorie particulière d’enquêtes : les atteintes à la probité.« Ca peut être des faits de prise illégale d’intérêts, de corruption, des infractions diverses qui relèvent de cette qualification générique, « atteinte à la probité » et qui justifient notamment l’existence du pôle économique et financier de Bastia, explique Caroline Tharot, procureure de la République de Bastia. Les partenaires principaux du pôle économique et financier sont les services de la section de recherche en ce qui concerne les gendarmes et de la police judiciaire, côté police. Ce sont là aussi des enquêteurs qui sont formés en matière économique et financière »
L’affaire la plus emblématique du pôle reste pour l’instant celle qui a conduit à la condamnation de Paul Giacobbi pour détournement de fonds publics. D’autres enquêtes le visent, au titre, cette fois, d’ancien Président du Conseil exécutif.
Actuellement le pôle examine également des délits supposés à l’Office des transports, à l’office des HLM de Haute-Corse au au Sporting-Club de Bastia.
Les avocats s’étaient méfiés de sa création. Ils revendiquent aujourd’hui sa pérennité dans l’île.
« Nous avons vu les affaires de banditisme quitter la Corse et in fine si nous voyons encore ce pôle de compétence s’écarter de la Corse, c’est le justiciable corse qui aura encore à en payer les pots cassés », estime Gilles Antomarchi, bâtonnier de Bastia.
Seul à rester en place avec Nanterre
Sous la houlette du Parquet national financier situé à Paris, le PNF de Bastia est le seul à rester en place avec celui de Nanterre. Pourrait-il être réduit dans ses attributions ? Non, si l’on regarde le renforcement de ses moyens. Deux postes vacants d’assistants spécialisés doivent être pourvus à Bastia. Un a été créé à Ajaccio.Franck Rastoul, procureur général près la cour d'appel de Bastia dément aussi, c’est la plus haute autorité judiciaire de l’île : « L’action continue et il est normal d’articuler les différentes institutions qui sont concernées au plan judiciaire, les différentes structures. Ça ne veut pas dire qu’on va vider une de ces structures au bénéfice d’une autre. Il n’y a aucun changement sur la ventilation des procédures qui sont réparties au mieux des compétences et de la capacité de traitement de ces différentes structures. »
En octobre 2018, la ministre, Nicole Belloubet, en visite en Corse, avait présidé une réunion de l’instance de coordination judiciaire dans l’île. Avec des magistrats de Paris, de Marseille et du pôle économique et financier. Certains y avaient vu un contrôle de l’action judiciaire du PNF bastiais. A l’inverse, la Garde des Sceaux évoquait une réactivation de la lutte contre la délinquance économique.