Un jeune homme condamné à deux mois de prison avec sursis pour avoir verbalement agressé un professeur dans un lycée de Bastia

Un homme de 20 ans a été reconnu coupable d'outrages et menaces de mort envers un enseignant de Montesoro par le tribunal correctionnel de Bastia, ce jeudi 10 octobre. Aux prémices du conflit : l'interdiction avancée à cet ancien élève de l'établissement d'emprunter une porte annexe pour sortir, à défaut du portail principal.

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L’affaire remonte à la fin d’après-midi du 9 septembre dernier. Othmane Erraouji, 20 ans, pénètre dans l’enceinte de la cité scolaire de Montesoro. Anciennement scolarisé au lycée Fred Scamaroni, et désormais étudiant à Corte, le jeune homme explique avoir voulu rendre visite à son ex-professeur principal.

Mais au moment de quitter les lieux, plutôt que de retourner par la porte principale, il se dirige vers une autre sortie, qui n’est accessible ni aux élèves, ni au public. Un professeur l’interpelle pour lui indiquer qu’il n’a pas l’autorisation de l’emprunter, et c’est là que la situation dégénère. Deux versions s’opposent sur la suite des faits.

"Je vais t’égorger, je vais te planter"

Celle du professeur, d’abord. Absent de l’audience, représenté par son avocat, son audition face aux policiers est retracée par le président, Philippe Bergeron. Empêché verbalement de sortir, le jeune homme l’insulte, explique le plaignant, lui lançant notamment : "Espèce d’enculé, il ne me reste que 10 mètres à faire, c’est pas toi qui va m’empêcher de les faire."

L’enseignant ne se démonte pas. Othmane Erraouji s’approche, assure-t-il, "manifestement pour en découdre et dans un état de colère incroyable", et le menace à nouveau. "Je vais t’égorger, je vais te planter. Tu ne sais pas qui je suis moi, je suis de Venzolasca, il va y en avoir pour toi et pour toute ta famille", lit Philippe Bergeron.

Espèce d’enculé, il ne me reste que 10 mètres à faire, c’est pas toi qui va m’empêcher de les faire.

Le plaignant assure être allé chercher en renfort un autre enseignant. Interrogé, ce dernier confirme avoir trouvé un jeune homme "très énervé, violent verbalement", et proférant des menaces contre son collègue. Othmane Erraouji se met torse nu "pour tenter de les intimider", racontent les deux professeurs.

Le ton continue de monter, une foule se forme autour d’eux, avant que le jeune homme ne quitte finalement les lieux sans que le professeur ne s’aperçoive de son départ.

Ni violence ni menaces de morts, selon l’accusé

Othmane Erraouji fait lui état d’un tout autre déroulé des événements. Selon l’étudiant, lorsque le professeur lui prohibe la sortie, c’est calmement qu’il lui répond que celle-ci se trouve à 10 mètres, et qu'il entend l'emprunter.

S’il tenait à passer par là, se justifie-t-il devant le président, c’est pour arriver au plus près de son arrêt de bus, qu’il craignait de manquer. "Le professeur me répète les choses, commence à monter en pression", détaille le jeune homme. "À aucun moment je ne l’ai insulté. Je suis quelqu’un de très calme, affirme-t-il, je n’ai jamais eu de problèmes avec aucun de mes enseignants".

À aucun moment je ne l’ai insulté. Je suis quelqu’un de très calme, je n’ai jamais eu de problèmes avec aucun de mes enseignants.

Face à ses refus répétés d’emprunter une autre sortie, l’enseignant, assure-t-il, "perd son calme, [le] pousse, puis [le] saisit par le cou", ce qui le pousse à s’énerver à son tour et à l’insulter. "Mais à aucun moment je ne l’ai touché, et je n’ai jamais menacé de mort, ni lui, ni sa famille. Je ne suis pas du tout comme ça, insiste-t-il. Je n’ai jamais dit je vais t’égorger, ce n’est pas dans mon vocabulaire et mon éducation, et encore moins avec l’affaire Samuel Paty."

Lorsque l’enseignant s’écarte pour aller chercher un autre professeur, Othmane Erraouji indique avoir demandé à un élève de le filmer pour garder une "preuve" de la trace des marques de main sur son cou, puis avoir filmé à son tour deux élèves "pour avoir des témoins si l’affaire partait en justice". Il reconnaît avoir enlevé son t-shirt au retour des deux enseignants, puis explique être finalement parti, "comme [il avait] l’intention de le faire depuis le début".

"Une école, c’est une enceinte sacrée"

Deux jours après le dépôt d’une plainte par le professeur, et par le proviseur, Jean-Martin Mondolini, au nom de l’établissement, Othmane Erraouji se dénonce auprès du commissariat de Bastia.

Auditionné par les enquêteurs, il reconnaît les outrages, mais pas les menaces de mort. Face au président, ce jeudi, il poursuit : "Je n'avais pas à me présenter dans un lycée où je ne suis pas inscrit, et je n’avais pas à réagir de la sorte face à quelqu’un qui m’a étranglé. J’aurais dû sortir de l’établissement et porter plainte."

"Est-ce que vous regrettez d’avoir proféré ces insultes ?", le questionne le président. Oui, assure le jeune homme. "Avez-vous une idée de l’impact que cela peut avoir sur l’enseignant ?", Oui, assure-t-il à nouveau. "Une école, c’est une enceinte sacrée, insiste Philippe Bergeron. C’est l’endroit où l’on doit normalement parler de toutes les valeurs. Et c’est un espace dans lequel il ne faut pas qu’il y ait d’actes de ce genre."

Une école, c’est une enceinte sacrée. C’est l’endroit où l’on doit normalement parler de toutes les valeurs.

L’expertise médicale menée sur le professeur fait état d’une absence de violences physiques, mais d’un "retentissement psychique important, avec un stress aigu" et la délivrance, après les faits, d’une interruption temporaire de travail d’un jour.

"Un mois après les faits, il est toujours hautement traumatisé, constate son avocat. Et on peut le comprendre. Cette affaire a été une onde de choc pour toute sa famille. Il est professeur depuis 20 ans, il est passionné par son travail. Et à un an de la retraite, voilà comment il est récompensé."

"Rien dans le dossier pour attester l’agression" dénoncée par l’accusé

Othmane Erraouji a-t-il été poussé puis saisi au cou par l’enseignant ? "Nous n’avons strictement rien de ce dossier pour attester cette agression, à part les déclarations de l’accusé lui-même, tranche le représentant du ministère public. Nous n’avons aucune constatation par les médecins, et des vidéos qui ne montrent pas grand-chose, mais semblent pourtant démontrer une sorte de construction pour tenter de justifier l’injustifiable.

Face à des comportements qui "n’ont rien à faire dans un établissement scolaire", il requiert la peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis. Condamnation à laquelle il demande l’ajout d’une interdiction de rentrer en contact avec l’enseignant et de s’approcher de l’établissement scolaire, ainsi qu’une obligation d’accomplir 140 heures d’intérêt général.

Parole contre parole

Regrettant à la fois l’absence à l’audience du plaignant, et "l’ampleur" qu’il juge imméritée donnée à cette affaire, Me Gilles Antomarchi, conseil d’Othmane Erraouji, le rappelle : dans ce dossier, c’est parole contre parole.

"Moi, je ne croirai jamais personne sur parole", pas plus l’enseignant que son client. "Je n’y étais pas, vous n’y étiez pas non plus. Je ne dis pas que c’est lui, fait-il en pointant le jeune, qui dit la vérité. Mais je dis que votre juridiction va devoir s’interroger s’il est coupable ou non, et si les preuves de sa culpabilité sont rapportées de manière certaine. Ce n’est pas faire offense [au professeur] que de dire que nous n’avons pas de preuves."

L’avocat s’arrête, brièvement, sur les analyses toxicologiques menées sur son client, et toutes revenues négatives, quoi qu’aient pu en penser les rumeurs nées au lendemain des faits. Avant de conclure :  "Pourquoi ce jeune homme serait-il allé agresser [cet enseignant] qu’il ne connaît pas ? […] Celui-ci a peut-être pété les plombs. Mais [le professeur] peut-être aussi."

Votre juridiction va devoir s’interroger s’il est coupable ou non, et si les preuves de sa culpabilité sont rapportées de manière certaine. Ce n’est pas faire offense [au professeur] que de dire que nous n’avons pas de preuves.

Après délibération, le tribunal a finalement déclaré Othmane Erraouji coupable, le condamne le jeune à deux mois d’emprisonnement avec sursis, et à effectuer un stade de citoyenneté sur les valeurs de la République et le devoir de citoyen, à ses frais et dans un délai de six mois.

L'étudiant est également interdit d'approcher le lycée Fred Scamaroni et d’entrer en contact avec l’enseignant pour une durée de deux ans.

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