Femu la Campà pointe du doigt les insuffisances des institutions, des médias, des communes. Il demande également des comptes à l'exécutif nationaliste, au pouvoir depuis de longues années, sans que rien ne change vraiment, selon le collectif.
Le collectif Femu la campà réunit des personnalités et des profils très différents qui, tous, s'inquiètent de l'état de la langue corse et du peu de choses faites pour améliorer les choses, particulièrement du côté de la majorité nationaliste en place.
Ce "collectif de défense de la langue, citoyen", explique Pascal Ottavi, l'un de ses fondateurs, "est destiné à accompagner l'action du politique" en matière linguistique. Nous avons voulu en savoir plus sur les reproches émis par Femu la campà, mais également les solutions que le collectif propose.
Entretien
Pour le collectif, le problème des noms en corse sur les panneaux routiers est symptomatique d'un problème plus large ?
Déjà deux ans que dure le gâchis concernant l'affichage des panneaux routiers, où les erreurs se multiplient. Mais ce n'est effectivement pas le seul problème. Il y a un problème d'orthographe dans les médias, il y a des problèmes sur le respect de la toponymie, et d'innombrables autres relâchements coupables.
Vous tirez donc la sonnette d'alarme ?
Nous redoutons que, si les erreurs deviennent systématiques, elles finissent par faire système. Pour les noms en corse, les erreurs passent comme une lettre à la poste. Mais si l'on appliquait aux panneaux en langue française le traitement appliqué à ceux en langue corse, ça hurlerait de tous les côtés. nous considérons que nous sommes dans un système de minoration linguistique ou une langue est valorisée, et l'autre, de fait, est défavorisée par ce que l'on constate de visu.
Vous pointez du doigt la responsabilité de la Collectivité de Corse
Elle n'est pas la seule responsable, il y a les institutions, les communes... Mais si une majorité nationaliste en place depuis 10 ans n'obtient que ce genre de résultats, on se dit qu'il y a un problème de politique linguistique plus général. On était en droit d'attendre mieux que ce qui a été réalisé jusqu'à présent.
Quelles sont les raisons de ces résultats que vous estimez insuffisants ?
On peut se demander pourquoi il n'y a plus de conseiller exécutif dédié à la compétence de la langue, par exemple, alors que les majorités précédentes, de droite comme de gauche, et la première mandature nationaliste, avaient un conseiller exécutif en charge de la question.
Ça changerait quoi ?
Aujourd'hui, c'est le président de l'exécutif qui en a la charge. Mais Gilles Simeoni, de toute façon, est accablé de dossiers, et n'a peut-être pas le temps de s'occuper de cette question-là. Quoi qu'il en soit, le fait d'avoir un conseiller exécutif permet d'avoir un interlocuteur qui a des comptes à rendre. Là, vous n'avez personne, et vous ne savez plus à qui vous adresser. Il y a un vide politique.
Il y a certes des choses qui se font, mais toujours en désordre, sans aucun réelle définition d'objectifs
Pascal Ottavi
Vous soulignez également un manque de direction de la part des élus...
Prenons la question des contrats de plan Etat/Région. C’est un contrat de plan quinquennal qui définit la politique linguistique en matière d'enseignement. C'est signé tous les cinq ans, et le dernier a pris fin en 2020. On est en 2024, et on attend toujours la signature du contrat 2021 - 2026, et elle n'a pas encore eu lieu.
On peut également se pencher sur la question de la co-officialité. Plus personne ne s'en occupe. Il y a certes des choses qui se font, mais toujours en désordre, sans aucune réelle définition d'objectifs. Enfin, le Conseil de la langue, qui avait été mis en place sous la majorité de gauche, il semble qu'il a disparu corps et biens.
Que demande le collectif Femu la Campà ?
En urgence, nous souhaiterions que des décisions fortes soient prises au moins au sein de la CdC, pour que l'on mette un terme à la multiplication des erreurs sur les panneaux. Mais nous posons plus largement la question de fond de la politique linguistique.
Quels sont les grands objectifs définis ? Il y a eu une session de l'assemblée de Corse en novembre 2022, et depuis, on n'a plus entendu parler de rien. On a certes évoqué la langue corse à de multiples reprises, mais aucune décision factuelle n'a été actée à la suite de cette session.
On est en droit d'attendre des résultats, particulièrement venant d'une majorité qui revendique Lingua corsa, lingua naziunale. Pour notre part, nous laissons le "naziunale" de côté. Ce qui nous intéresse, c'est qu'est-ce qu'on fait de concret pour la langue ? Il suffit de se poser une question : quelles différences constate-t-on entre ce qui se faisait avant et ce qui se fait maintenant ? Pour l'heure, on peine à en trouver...