En Guyane, le candidat La France Insoumise à la présidentielle a clairement fait savoir qu'il était favorable à une évolution des institutions en faveur des régions, et fait plusieurs fois référence à la Corse. De quoi en faire un potentiel allié de poids du côté du cours Grandval.
Jean-Luc Mélenchon était en Guyane pour récolter des signatures en vue de sa candidature. Le leader de la France Insoumise n'en a pas fait mystère. Mais son déplacement, à plus de 7.000 kilomètres de Paris, avait également pour but de symboliser l'intérêt que prête le candidat d'extrême-gauche à l'autre France, celle qui existe loin des frontières de l'hexagone, et qui est, selon lui, trop souvent ignorée par le gouvernement.
Sans surprise, devant les élus de la majorité de la Collectivité de Guyane, présidée par Gabriel Serville, membre du parti Péyi Guyane, allié de LFI, la question des particularismes du territoire situé en Amérique du Sud, et celle de l'éventualité d'une plus grande autonomie de la région, ont été largement évoquées. Et Jean-Luc Mélenchon n'est pas défavorable à l'idée.
Jacobinisme et bonapartisme
En préambule, il a rappelé son "amour d'une patrie commune", mais, selon lui, les deux ne s'excluent pas : "je suis d'une vieille tradition jacobine. (...). Une interprétation rapide du jacobinisme fait que souvent, on le confond avec le bonapartisme. On imagine que le jacobinisme serait un régime rigide, nécessairement vertical, où l'on décide pour tous les autres, depuis un seul et même endroit. Mais le jacobinisme, c'est avant tout l'apologie de la citoyenneté".
Le peuple, ici comme ailleurs, veut contrôler ce qui lui arrive et les décisions qui sont prises.
Pour le leader de la France Insoumise, "le plus important, c'est de trouver un mode de fonctionnement harmonieux". Selon lui, il est impossible d'appliquer, "de manière aveugle", les mêmes normes "en Guyane ou dans le Poitou, la Picardie ou l'Ile de France". "N'importe qui de sensé est capable de comprendre ça. Donc, il faut changer".
Alors, devant les 35 élus de la majorité DVG, l'opposition ayant boudé la rencontre, Jean-Luc Mélenchon affirme : "il n'y a pas d'obstacle à penser avec décontraction à ce qu'il faut faire en Guyane. Le peuple, ici comme ailleurs, veut contrôler ce qui lui arrive et les décisions qui sont prises. Par conséquent, il faudra faire évoluer les institutions".
Ambassadeurs nationalistes
Nul doute que de tels propos se sont frayé un chemin jusqu'au bureau de Gilles Simeoni, le président de l'exécutif de l'assemblée de Corse, à Ajaccio. La majorité insulaire livre un bras de fer avec Paris, depuis son arrivée au pouvoir, pour obtenir plus d'autonomie. Et avant eux, depuis des décennies, tout le mouvement nationaliste. Alors un candidat à la présidentielle de 2022 qui tient un tel discours, c'est plutôt encourageant. D'autant que Jean-Luc Mélenchon ne s'est pas contenté d'aborder le cas de la Guyane.
Nous sommes tous Français, mais nous sommes dans une république qui a une forme nouvelle.
Il a évoqué la Corse à plusieurs reprises. Jusqu'à la rendre responsable de sa prise de conscience : "il se trouve que les députés de la Corse, dont trois sur quatre sont autonomistes, se sont comportés comme des amis, parlant avec les uns et avec les autres, au lieu de la froide confrontation à laquelle on aurait pu s'attendre. Ils m'ont montré, et permis de comprendre, ce que je savais sans vouloir me l'avouer. Que la France n'est plus un état unitaire".
Et Jean-Luc Mélenchon d'égrener les exemples : "la Nouvelle-Calédonie française a un gouvernement territorial, au titre de l'article 74, Wallis et Futuna a un autre statut. La Martinique n'a qu'une assemblée, alors que la Guadeloupe en a deux. La Guyane a une collectivité territoriale. Nous sommes tous Français, mais nous sommes dans une république qui a une forme nouvelle".
Je sais que le président Simeoni travaille à faire des propositions.
Concernant le fameux article 74, régulièrement évoqué par les nationalistes, le candidat a déclaré "n'avoir rien contre, à la condition que les populations en veuillent. Mais on pourrait imaginer autre chose. Et je sais que le président Simeoni travaille à faire des propositions".
Une porte entrouverte ?
Le rapprochement entre la France Insoumise et les nationalistes n'a rien de nouveau. Il y a quelques jours, à l'Assemblée nationale, Eric Coquerel, député de LFI, avait apporté son soutien, dans l'hémicycle, à l'amendement au projet de loi de finances porté par Jean-Félix Acquaviva et Michel Castellani.
Mais en 2017, déjà, Jean-Luc Mélenchon n'hésitait pas à féliciter Gilles Simeoni pour sa victoire au Territoriales :
En #Corse, le dégagisme c'est Simeoni. Bravo ! Macron sévèrement puni. Le FN ridiculisé. L'usurpation d'identité et la tambouille du PCF ont été durement sanctionnées. #territoriales2017
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) December 3, 2017
Dans la foulée, sur LCI, le bras droit de Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière, avait lui aussi salué, avec plus de prudence, la poussée nationaliste. "C'est un phénomène politique qu'il faut observer. (...) nous on interprète ça comme un des éléments de ce dégagisme qu'on a observé pendant la campagne présidentielle. Ca ne veut pas dire qu'on est totalement d'accord avec ça, mais il faut l'observer, pas avec condescendance ni arrogance ».
Les leaders nationalistes corses ont désormais, avec Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon, deux candidats aux présidentielles chez qui ils pourraient trouver une oreille plus attentive, si ce n'est bienveillante, qu'auprès de l'actuel locataire de l'Elysée...