Alors que le pape arrive à Ajaccio ce dimanche matin, les commerçants se préparent à faire face à une affluence inédite. Reportage à proximité de la place Miot, où plusieurs milliers de personnes sont attendues dans la fan zone.
"Ah pour ça, on peut dire que l’on sera au cœur du réacteur papal", lance sur le ton de la macagna ce commerçant du quartier Trottel.
Ce dimanche 15 décembre, dans l'après-midi, ce secteur d’Ajaccio constituera l’épicentre de la visite du pape François. Avec une "fan zone" à la place Miot, où se rendra le Saint-Père, puis la messe au Casone qu’il célébrera dans la foulée, près de 20 000 personnes sont attendues sur les deux sites distants de quelque 700 mètres. De quoi quelque peu bousculer les habitudes de certains restaurateurs et autres patrons de bar des alentours.
"Habituellement, on ferme chaque week-end mais là, nous serons ouverts, confie Wilfried Desayes, gérant de la Brasserie Lantivy, située juste devant la place Miot. On s'organise un petit peu comme tout le monde. C’est un peu compliqué pour nous au niveau de la gestion des commandes car on n’a pas l'habitude d’accueillir un événement aussi énorme", indique-t-il en jetant un coup d'œil vers les nombreux cartons de bouteilles d’eau qu’il a empilés et entreposés contre un mur de la salle. "Il y en a aussi beaucoup d’autres à la cave", ajoute-t-il tout en précisant que, pour l'occasion, il proposera "deux formules sandwich à emporter" et prendra aussi "des renforts pour le service".
Même son de cloche chez Jean-Jacques Buresi, qui gère avec sa famille trois établissements sur le boulevard Albert 1er, dont la pizzeria du même nom. "Du monde, il y en aura sûrement beaucoup ; on a donc pris du personnel en plus. Cependant, vu les restrictions de circulation, on ne fera évidemment aucune livraison."
Une petite centaine de mètres plus loin, au bas du boulevard Madame Mère qui remonte vers le Casone, le restaurant U Pettirossu accueillera ses clients. Ce qui est exceptionnel, l'établissement étant d'ordinaire fermé le dimanche.
"On se sent obligés d'être présents car on pense que beaucoup de gens vont venir, notamment des villages, explique le propriétaire, Jean-Thomas Campinchi. Certains seront peut-être un peu perdus et auront besoin de manger un petit morceau ou de boire un café. Et puis, la prochaine venue du pape, ce sera dans dix siècles, plaisante le restaurateur qui ne se dit "pas trop inquiet" concernant les restrictions de circulation et de déplacement. "Notre inquiétude, elle est surtout pour les commerçants du centre-ville qui, je pense, seront plus impactés que nous. Les services de l’État doivent faire en sorte que tout se déroule bien."
Je vais essayer de me faire déposer très tôt en voiture car ça va certainement être difficile de trouver une place dans le coin ce dimanche matin.
Jean-Marc PietriPatron du bar Beau Soleil
Juste au-dessus, à l’épicerie fine Maison Ferrero, Sébastien Massoni a lui aussi pris ses dispositions : "Depuis que l’on a appris que le Boulevard Madame Mère serait fermé au stationnement à partir du milieu de semaine, on a davantage communiqué concernant notre système de drive et de livraisons".
Habituellement ouvert uniquement le dimanche matin, son commerce le restera cette fois toute la journée.
"Avec mon associé, on s’est posé la question de proposer de la nourriture en plus, des sandwichs, mais comme il devrait y avoir des food trucks et des stands un peu partout, on ne fera rien de tout ça finalement. Mais nous accueillerons les clients. Après, en termes de fréquentation à la boutique, on ne sait pas du tout à quoi s’attendre. On espère travailler au moins comme on aurait dû le faire un jour normal. Après, si c’est plus, tant mieux..."
Un peu plus bas sur le boulevard Albert 1er, l'épicerie U Cintu aura elle aussi son rideau levé.
Dans la rue adjacente, Pugliesi Conti, Jean-Marc Pietri a quant à lui un peu hésité. "Avec les interdictions de circulation, j'étais indécis, explique-t-il derrière le comptoir de son bar, le Beau Soleil. J’ai rempli le formulaire de la Chambre de commerce et d’industrie pour moi et mon employée. Finalement, vu qu'il va falloir être là avant 6 heures, c'est moi qui vais venir faire l'ouverture. Je vais essayer de me faire déposer très tôt en voiture car ça va certainement être difficile de trouver une place dans le coin."
Place nette
En dehors des restaurants et des bars qui, pour la grande majorité, accueilleront leurs clients, d’autres commerces continueront de fonctionner "presque normalement". C’est le cas du tabac presse Concept Store, sur le Boulevard Albert 1er.
"C’est vrai que ça change un peu par rapport à d’habitude puisque le quartier sera bouclé", reconnaît le patron, Jean-François Pierotti, qui n’a "jamais envisagé" de baisser son rideau dès lors que l’annonce de la venue du Saint-Père a été officialisée.
Je n’aurai peut-être pas des clients des alentours mais certainement uniquement ceux du quartier.
Jean-François PierottiTabac-Presse Concept Store
"Forcément, développe-t-il, on va sûrement perdre un peu de chiffre d’affaires mais après, c’est un tel événement et nous sommes tellement contents qu’il soit organisé chez nous, qu’il faut bien faire des efforts. Et on les fera !"
Quant à la fréquentation, il estime qu’elle sera au rendez-vous. "Je n’aurai peut-être pas des clients des alentours mais certainement uniquement ceux du quartier. On les accueillera donc dimanche matin. Exceptionnellement, on restera ouvert jusqu’à 18 heures, notamment pour les gens qui redescendront de la messe du Casone."
D’autres, en revanche, ne pourront pas travailler comme ils le font quotidiennement. Les deux camions ambulants - Chez Chris et Chez Sté - qui se trouvent sur la place Miot, où 10 000 personnes sont attendues dans la "fan zone", ne pourront pas allumer leurs fourneaux. Pour des raisons de sécurité, les deux fourgons ont été contraints de quitter les lieux.
"On pensait pouvoir travailler comme on le fait chaque jour depuis 30 ans mais aucun véhicule ne peut rester stationné dans cette zone, explique Stéphane Ziller, qui a dû enlever son camion de pizza du parking attenant à la place. Il y avait un plan B, expose-t-il : l’Évêché (qui organise l'événement, ndlr) m’a appelé pour me proposer un stand sur la place, mais c’était un peu compliqué à mettre en place pour nous avec le four etc.. Nous sommes un petit peu déçus de ne pas pouvoir profiter de ce moment, mais c'est comme ça..."
De l'autre côté du parking, le Kiosque de la place Miot sera quant à lui "ouvert normalement" dixit la direction.
Pharmacies de garde
Afin de gérer l'affluence du public et de devoir remédier à d'éventuels besoins sanitaires, il a également été demandé à certains établissements spécifiques d'être sur le pont ce dimanche, notamment les pharmacies.
"À l’origine, on n’aurait pas dû être de garde ce week-end mais l’ARS nous a contactés fin novembre pour nous demander d’ouvrir en vue de la visite du pape, indique la responsable de la pharmacie du Parc Berthault. En tout, il y en aura sept pharmacies de garde entre le centre-ville et la région ajaccienne."
De l’autre côté du cours Lucien Bonaparte, les pompes de la station-service Total ne distribueront pas d'essence. Une exception dominicale qui découle de l'interdiction de circuler. "Il n’y aura aucune voiture qui pourra rouler dès 6 heures du matin, on a donc décidé de fermer", glisse le caissier.
Véhicules et motos pourront de nouveau rouler lorsque le dispositif sera progressivement levé après le départ du pape pour Rome vers 19 heures. Viendra alors le temps, pour les commerçants du quartier, de faire le bilan de cette journée pas comme les autres...