Présence du frelon asiatique en Corse : "il est urgent de sensibiliser tous les apiculteurs"

Jeudi dernier, un nid de frelons asiatiques a été découvert à Bastelicaccia. C'est la première fois que la présence de cette espèce est attestée dans l'île. De quoi inquiéter la filière apicole, l'insecte volant étant un redoutable prédateur de l'abeille.

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Le frelon asiatique est en Corse. Sa présence a été officiellement détectée il y a quelques jours à Bastelicaccia.

Jeudi 29 août, les pompiers et les services de l'Office de l'environnement ont procédé à la destruction d'un nid sur la commune du Prunelli. C'est un apiculteur qui avait alerté les autorités après avoir découvert cette espèce invasive dans l'une de ses ruches.

Reconnaissable à ses pattes jaunes ainsi qu'à sa taille légèrement inférieure à celle de son "cousin" européen, le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax, son nom en latin) est connu pour s'attaquer aux abeilles dont il se nourrit. De quoi inquiéter certains apiculteurs.

Le reportage de Marc-Antoine Renucci et Yann Richard-Gallardo :

durée de la vidéo : 00h02mn10s
Intervenant : Pierre Torre (Apiculteur, responsable du groupement de défense sanitaire Corse Apicole) ©M.-A. Renucci - Yann Richard-Gallardo - S. Wislin

"Même si on a tué ce nid, le frelon va finir par revenir..."

Apiculteur à Cuttoli, Pierre Torre est responsable du Groupement de défense sanitaire apicole de Corse (GDSA). Il était présent lors de la découverte et la destruction du nid à Bastelicaccia. Pour lui, la présence dans l'île de cet insecte nuisible qui tue les abeilles représente "un danger pour les exploitations"

France 3 Corse : en fin de semaine dernière, un nid de frelon asiatique a été découvert à Bastelicaccia. Comment avez-vous procédé pour le détruire ?

Pierre Torre : Il y a 8 ou 10 jours, un apiculteur de Bastelicaccia qui allait voir ses ruches a détecté le frelon asiatique devant l'une d'elles. Il a ensuite tué le frelon, puis a fait des photos et les a envoyées au syndicat AOP miel de Corse. On a fait remonter jusqu'à l'Office de l'environnement, avec lequel on travaille, qui a pris attache avec le Muséum d'histoire naturelle. Malheureusement, celui-ci a validé que c’était bien un frelon asiatique.

Comment êtes-vous parvenu à remonter jusqu'au nid ?

L'Office de l'environnement avait anticipé avec un système de tracking radio. Jeudi dernier, nous avons réussi à attraper un frelon sur lequel on a posé un petit émetteur radio et on l’a suivi pendant une heure et demie avec une antenne qui nous a donné le signal. Jamais je n’aurais imaginé que le nid puisse être là, à quatre mètres de la route. On tire notre chapeau aux techniciens de l’Office de l’environnement qui sont vraiment à la pointe et très sensibilisés à ce problème-là. Ils ont été très réactifs.

On parle de colonie. Dans un nid comme celui qui a été découvert à Bastelicaccia, combien peut-il y avoir de frelons ?

On évoquait le chiffre d'environ 2000 frelons. J'ai lu que certaines colonies peuvent aller jusqu’à 15 000 frelons et peuvent avoir jusqu’à un mètre de diamètre. Celui que nous avons découvert ici se situait autour de 70 centimètres de diamètre.  

Si on ne sait pas exactement combien il peut y avoir de frelons dans un nid, on sait, en revanche, qu’il y a un nombre certain de fondatrices, c’est-à-dire les reines qui vont naître et passer l'hiver cachées quelque part et qui, au printemps, vont recommencer un nouveau nid. Donc, si vous avez 40 ou 50 fondatrices, l'année prochaine, vous avez 40 ou 50 nouveaux nids. C'est exponentiel. Aujourd’hui, le fait d’avoir tué ce nid, qui plus est avant le mois d’octobre, est essentiel. En espérant qu'il n'y ait pas d'autres nids ailleurs

Cette présence désormais attestée suscite l'inquiétude de la filière apicole car le frelon asiatique attaque les abeilles. Que peut-on faire pour éviter sa propagation ?

Aujourd’hui, il est urgent de sensibiliser tous les apiculteurs, qui sont les premiers impactés. Nous devons être vigilants, regarder dans notre rucher si on ne voit pas des frelons asiatiques et, en même temps, organiser un piégeage sur toute la Corse. En effet, si on a la chance d’avoir un seul nid, tout va bien. On l'a tué. On repart à zéro. Mais s'il y a un autre nid ailleurs que l’on laisse avec 50 fondatrices à l’intérieur, l’année prochaine, on aura 50 nids. Après, ce sera le dérapage complet... Même si on a tué ce nid-là et qu'il n'y en a pas ailleurs, on sait très bien que l’an prochain, dans 2 ou 3 ans, le frelon va finir par revenir car il est partout.

La chance que l’on a, c’est que nous sommes sur une île : il est obligé d'arriver par le bateau. Il va donc arriver par un endroit. Si on le repère, on pourra toujours grâce à ce système de tracking tuer le nid souche. De ce côté-là, ça me donne un peu d'espoir, à condition d'être très vigilant.

Si l'espèce venait à se propager dans l'île, la production de miel pourrait donc être fortement impactée...

Cela ne va pas fort dans la filière apicole…  Déjà, nous devons faire face au réchauffement climatique qui a divisé par trois notre production. Si, en plus, on a le frelon asiatique, ça va être encore une charge de travail supplémentaire. Il va y avoir un très gros affaiblissement de nos colonies. Je ne sais pas s'il y a beaucoup d'apiculteurs qui vont pouvoir tenir le coup face à cette nouvelle menace. Il y a donc un danger pour certaines exploitations. On voit ce qui se passe sur le continent, on a même fait des voyages d'étude, on a discuté avec des gens. On sait bien que c'est très, très compliqué.

Au-delà de la problématique des abeilles, la piqûre du frelon asiatique est-elle plus dangereuse que celle du frelon européen ou de la guêpe ?

D’après ce que j'ai lu, il serait plus agressif. De plus, son dard peut réussir à passer à travers les combinaisons habituelles. Des pompiers ont été obligés de changer leur tenue. Je ne l’ai pas vérifié, mais on dit que si un nid de frelons est proche d'un chemin, on peut se faire attaquer plus facilement qu'avec le frelon européen. La population d'un nid de frelons européens est dix fois inférieure à celle d'un nid de frelons asiatiques. L'espèce représente également un danger pour la biodiversité, pour tout un tas d'insectes, notamment les papillons, qui sont également attaqués...

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