Les négociations entre Paris et la Corse étaient au programme de la session de l’Assemblée de Corse, ce jeudi 9 mars. Le président de l’Exécutif Gilles Simeoni a, à cette occasion, appelé l’ensemble de la famille nationaliste à s’unir autour d’un projet. Les oppositions ont, quant à elles, émis des critiques tant sur la méthode que sur le fond.
Le 24 février dernier, les négociations entre Paris et la Corse reprenaient enfin, à Beauvau. Deux semaines plus tard, au tour de l’hémicycle de l’Assemblée de Corse de se saisir du sujet, premier point inscrit à l’ordre du jour après les questions orales.
"Le président a dit des choses importantes et puissantes"
Et c’est Gilles Simeoni qui s’y attèle. Le président de l’Exécutif rappelle d’abord les points actés lors de cette réunion de travail, qui s’est tenue en présence du président de la République Emmanuel Macron. Ce dernier a "dit des choses importantes et puissantes", selon Gilles Simeoni.
Notamment, la volonté d’accéder à une forme de reconnaissance "d’une langue, d’une identité, d’une histoire", et l’inscription de la Corse "dans son destin méditerranéen". Concrètement, la délégation insulaire a obtenu la confirmation d’une révision de la Constitution en 2024, révision dans laquelle la Corse, comme la Nouvelle-Calédonie, seront intégrées. Et le président de l'Exécutif propose que le statut de l'île soit prévu par la création d'"un titre consacré à la Corse".
Mais avant d’y parvenir, le chemin s’annonce ardu. "Il faudra que nous nous entendions avec l’État et le gouvernement sur un projet de révision constitutionnelle", pose d’abord Gilles Simeoni. Autre préalable, parvenir à une majorité des 3/5 des députés et sénateurs. "Ce sont deux conditions difficiles à remplir", avoue le président de l’Exécutif.
Invitation
Mais avant même de convaincre les parlementaires ou de s’entendre avec l’État, il s’agit pour Gilles Simeoni de fédérer au sein même de sa famille politique. Pour ce faire, il lance "une invitation à l’ensemble des élus nationalistes à travailler ensemble sur un projet d’autonomie".
Invitation qui a vocation à être élargie, par la suite, aux autres groupes politiques, puis à l'ensemble des forces vives de l'île. "Avec le groupe de droite, nous chercherons l’accord chaque fois qu’il est possible", précise le président de l’Exécutif.
S’il a conscience que "le chemin reste incertain et complexe", Gilles Simeoni veut y croire. "Malgré les difficultés, les obstacles, je reste fondamentalement optimiste car c’est le sens de l’histoire et nous n’avons pas d’autre alternative", estime-t-il.
"Est-ce qu’on est prêts pour la discussion ? Je dis non", répond Paul Quastana
Optimiste, tout le monde ne l’est pas. À commencer par Paul Quastana. Le conseiller Core in Fronte doute de la possibilité matérielle de mener à bien les discussions. En cause, un timing trop resserré. "Ça fait plus d’un an que ça dure, est ce qu’on est prêts pour la discussion ? Je dis non", affirme-t-il.
"On n’a eu aucune réunion structurelle pour mettre en place un projet cohérent, se désole l’élu indépendantiste. Il reste quatre mois, on a perdu beaucoup de temps"
"On ne négocie pas quand on va à Paris, on va regarder des PowerPoint", critique Josepha Giacometti-Piredda
Autre critique, celle de Josepha-Giacometti Piredda. Si le scepticisme de la représentante de Corsica Libera quant au processus de négociations n’est pas nouveau, il se confirme. "Au sortir de la réunion du 24 février, je n’ai pas partagé l’enthousiasme unanime, rappelle-t-elle, jugeant qu’il ne s’agissait, de la part du président de la République, que d’un "exercice de communication comme il sait les réussir".
La conseillère fustige un discours "plus ouvert sur la forme mais qui sur le fond n’a pas beaucoup varié", avec des "lignes rouges", qui n’est évidemment pas de nature à satisfaire l’élue indépendantiste.
Au-delà, Josepha Giacometti-Piredda ne se prive pas pour égratigner un processus qui n’aurait de discussions, que le nom. "On ne négocie pas aujourd’hui quand on va à Paris, on va regarder des PowerPoint", tacle-t-elle.
"Nous ne sommes pas en ordre de bataille", pour Jean-Martin Mondoloni
"Je serais presque en harmonie avec Josepha", glisse avec malice le co-président du groupe de droite, Jean-Martin Mondoloni. En harmonie, parce qu’il estime lui aussi que les déclarations du président de la République sont sujettes à interprétation.
Et, comme Paul Quastana, il estime que les élus de la Corse ne sont pas prêts. "Au mois de mars, nous ne sommes pas en ordre de bataille pour dire le projet d’autonomie que nous voulons […] et accessoirement, il faut peut-être convaincre les Corses", indique-t-il.
"Nous, on sait on veut aller", répond la majorité territoriale
Du côté de la majorité territoriale, on fait valoir au contraire sa détermination. "Nous, on sait on veut aller, le mouvement national sait où il veut aller", affirme Hyacinthe Vanni.
"Les choses se construisent. Oui, il y a un peuple corse, il va falloir le réaffirmer, oui, il y a une langue corse, il va falloir le marteler et le faire comprendre, oui, il y a une culture et une appartenance, oui, il y a des problèmes de foncier, c’est la réalité […] S’il n’y a pas ça, pas de peuple, pas de langue, pas de problème pour se loger, pas de spéculation immobilière et foncière, cela pose un problème mais ce n’est pas ce que j’ai entendu à Beauvau", appuie l’élu Fà Populu Inseme.
"Nous ne sommes pas là pour répondre à la requête d’Emmanuel Macron, nous sommes là pour répondre à la requête du peuple corse", précise son collègue Romain Colonna.
"Si vous lancez un appel à débattre nous répondrons présent", assure Jean-Christophe Angelini
Pour expliciter sa position, le maire de Porto-Vecchio use de la métaphore cinématographique. "Il y a des réalisateurs qui travaillent sur la vie et d’autres sur le cinéma. J’ai un peu l’impression qu’on mène un processus sur le processus", raille-t-il.
Or, pour Jean-Christophe Angelini, "le processus, c’est un moyen, ce n’est pas une finalité, la finalité, c’est qu’on change la vie des gens".
Sur la méthode, et notamment l’appel à l’union des nationalistes autour d’un projet, le président du groupe Avanzemu prévient. "Si vous lancez un appel à débattre, nous répondrons présent, même si le désaccord est profond et la difficulté majeure. J’y mets quand même une condition de principe, que ce ne soit pas contre les autres élus", indique-t-il.
"Tout faire pour réussir" pour Gilles Simeoni
Malgré ces critiques et interrogations, le président de l’Exécutif veut convaincre. "Sans rien taire des difficultés et des incertitudes, il faut tout faire pour réussir […] Aujourd’hui, ce processus repart et nous, nous souhaitons qu’il aboutisse", indique-t-il, en guise de réponse à l’ensemble des groupes politiques.
Et de proposer, comme première étape, le vote d'une délibération.
"J’ai confiance", conclut-il.
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