Ce jeudi, une délégation de parlementaires s’est rendue à la prison de Poissy pour rencontrer Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. Une démarche destinée à plaider en faveur de la levée du statut de DPS des prisonniers du "commando Erignac".
Le rendez-vous avait été donné ce jeudi matin à Paris, à l’Assemblée nationale. C’est depuis le Palais Bourbon que la délégation composée de neuf parlementaires corses et continentaux a mis le cap sur la centrale de Poissy (Yvelines), à une quarantaine de kilomètres de la capitale. Là où sont détenus Pierre Alessandri et Alain Ferrandi.
Objectif de la démarche : plaider en faveur de la levée du statut de DPS (Détenu particulièrement signalé) des trois derniers membres du commando Erignac toujours incarcérés sur le continent.
Arrivés à Poissy en tout début d’après-midi, huit députés et un sénateur (Paulu Santu Parigi) ont passé - sans la presse - la porte de la centrale vers 13h30. Ils en sont ressortis après une heure d'entretien avec Pierre Alessandri et Alain Ferrandi.
"La visite s’est bien passée, confie Bruno Questel, député LREM de l’Eure, au sortir de la prison. On a pu collectivement rencontrer Messieurs Ferrandi et Alessandri qui nous sont apparus épuisés nerveusement, psychologiquement et quelque part comme presque résignés comme s’il n’y avait pas pour eux de futur possible. Il va nous falloir collectivement travailler pour faire prendre conscience qu’il est nécessaire d’appréhender leur cas avec objectivité et surtout dans le respect du droit applicable à chaque personne détenue lorsqu’elle a accompli sa peine, notamment de sureté."
"C'était un échange long, avec un véritable discours à bâtons rompus d'un côté et de l'autre, indique Jean-Félix Acquaviva, député de la deuxième circonscription de Haute-Corse. Ce sont évidemment des personnes qui sont conscientes de leur situation. Elles sont mobilisées, déterminées avec en même temps une grande force en termes d'état d'esprit. Elles ont fait une démonstration technique très forte de ce pourquoi il y a une vengeance d’État et des lobbies qui empêchent l’application pleine et entière de la justice les concernant. Les députés présents ont pu prendre la pleine teneur de leur évolution en prison et constater de visu et humainement qu'elles méritaient d’être rapprochées et aussi d’avoir le droit à la réinsertion."
Conditionnables depuis mai 2017, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi se sont pour l’instant toujours heurtés à des refus de la justice concernant leur demande d’aménagement de peine.
Ce jeudi, juste avant cette rencontre à Poissy, le tribunal de l’application des peines examinait d’ailleurs une nouvelle demande de semi-liberté effectuée par Alain Ferrandi. La décision sera connue le 24 février prochain.
"Une période charnière"
Devant la centrale de Poissy, on note la présence des trois députés nationalistes corses. Sénateur de la Haute-Corse, Paulu Santu Parigi est le seul représentant de la "chambre haute" du parlement. Son homologue de droite du sud de l'île, Jean-Jacques Panunzi, n'a pu se rendre disponible "mais est solidaire" de cette visite.
La droite insulaire est représentée par Jean-Jacques Ferrara. "C’est une démarche à laquelle j’avais répondu favorablement en disant que j’étais pour l’application du droit pour ces détenus comme pour tous les autres, rappelle le député Les Républicains de la première circonscription de Corse-du-Sud. Aujourd’hui, on voit bien qu’on est à une période charnière et qu’il y a une hésitation de la part du pouvoir et de la pénitentiaire. Il y a des commissions qui devaient se dérouler avant la fin de l’année précédente et qui n’ont pas eu lieu."
Jean-Jacques Ferrara fait ici référence à la commission locale DPS qui ne s'est pas prononcée l'an dernier sur le renouvellement de Pierre Alessandri et d'Alain Ferrandi. Une première depuis 22 ans.
"Il me semble qu’il est nécessaire de maintenir une pression, si je peux me permettre, dans un cadre qui est évident, celui du droit, reprend le député LR de Corse-du-Sud. D’ailleurs, la meilleure preuve, c’est que la majorité des groupes parlementaires se joigne à nous. Au sein du mien, j’ai fait de mon mieux pour faire passer le message avec des échos favorables."
Une délégation à Arles ce vendredi
Si, parmi les parlementaires, la démarche s’effectue souvent à titre personnel, ce n’est pas le cas à La France insoumise (LFI) où tout le groupe est solidaire de cette action. "Ce n’est pas seulement un sujet sur les détenus corses, mais aussi un sujet sur le rapport avec la Corse et la France continentale, insiste Ugo Bernalicis, député LFI du Nord. Si on veut qu’il y ait de l’apaisement et que l’on tourne la page pour aller vers de nouveaux horizons tous ensemble, il faut savoir prendre les décisions qui s’imposent. A savoir, faire respecter le droit. Je vais même plus loin. Je suis pour leur libération conditionnelle. Au bout de 22 ans, les expertises ont révélé que leur dangerosité n’existe plus."
"Au-delà de mon appartenance à la majorité présidentielle que je revendique, je suis là aujourd’hui avec mes collègues pour une question d’humanité", souligne de son côté le député LREM Bruno Questel, qui s'était d'ailleurs vu confier une mission gouvernementale sur le fonctionnement de l’administration pénitentiaire.
"L’assassinat du préfet Erignac est odieux, et terrible de violence, poursuit le parlementaire aux origines corses. Il a traumatisé une île et un pays tout entier, mais ces personnes ont été condamnées définitivement. Elles ont assumé leur acte et accepté leur peine. Il n’y a aucune question disciplinaire d’incarcération pour les personnes qu’on a rencontrées aujourd’hui. C’est la même chose pour M. Colonna qui est emprisonné à Arles."
Dans le cadre de cette même démarche, une deuxième délégation de parlementaires se rendra ce vendredi à la maison centrale d'Arles, là où Yvan Colonna est incarcéré.