Territoriales 2021 en Corse : Jean-Antoine Giacomi, la jeunesse souverainiste

Il est le plus jeune candidat à la présidence de l'exécutif de ces élections. Ancien militant du Rassemblement national, Jean-Antoine Giacomi promeut désormais un projet souverainiste visant à lutter contre le "délitement" de la Corse. Et entend bien faire son trou dans la vie politique insulaire. 

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Il aura fallu nous y prendre à plusieurs reprises avant d'enfin pouvoir interviewer - pour ce portrait - Jean-Antoine Giacomi, chef de file de la liste d'extrême droite et souverainiste "Corsica Fiera" pour les élections territoriales à venir. La faute à son emploi du temps "très chargé" depuis le début de la campagne, s'excuse-t-il : "On se lève très tôt le matin, on fait beaucoup de route, beaucoup de déplacements, pour rencontrer le plus de gens possible et pouvoir discuter avec eux, tout en essayant d'honorer les invitations dans les médias."

Un programme qui ne lui laisse ni vraiment le temps de souffler ni celui d'honorer ses responsabilités annexes. Co-gérant d'une entreprise de nettoyage à Folelli, il a été contraint de prendre quelques semaines de congé, ainsi que de mettre en pause ses révisions pour ses examens en troisième année de droit à la Sorbonne, à Paris. Pas de gloire sans sacrifices.

Plus jeune tête de liste insulaire

À 24 ans, il est la plus jeune tête de liste pour ce scrutin territorial. Une caractéristique qu'il estime être un avantage plutôt qu'un inconvénient face à ses concurrents. "On parle beaucoup de renouvellement en politique. Elire des personnalités plus jeunes en fait partie".

Et pas question que sa jeunesse soit synonyme d'un déficit de crédibilité ou d'un manque d'expérience pour prendre place au sein de l'Assemblée. "Trouvez-moi quelqu'un aujourd'hui en Corse qui, à son âge, gère une entreprise de plus de 100 salariés en même temps qu'il passe ses examens à la Sorbonne, et est un crack sur le plan juridique, administratif et législatif, tranche son directeur de campagne et président du parti Forza Nova Filippo de Carlo. Parler d'âge, ça n'a pas de sens. Ce qu'il nous faut, ce qu'il faut pour faire avancer les choses, c'est apporter de la modernité, pas une vision passéiste qui nous bloque."

"Je me sens globalement plus légitime pour répondre aux aspirations de la jeunesse que certaines autres personnes qui sont, pourrait-on dire, pas très loin de la date de péremption", abonde, moqueur, Jean-Antoine Giacomi.

Je me sens globalement plus légitime pour répondre aux aspirations de la jeunesse que certaines autres personnes qui sont, pourrait-on dire, pas très loin de la date de péremption.

Jean-Antoine Giacomi, tête de liste "Corsica Fiera"

Cela même s'il accuse un certain déficit de notoriété comparé à ses concurrents. Selon un récent sondage Ispos Sopra-Steria réalisé sur un échantillon de 808 électeurs, 65% des personnes interrogées ont déclaré ne pas connaître le chef de file de "Corsica Fiera", contre 9% pour Gilles Simeoni ("Fà Populu Inseme"), ou 22% pour Laurent Marcangeli ("Un Soffiu Novu - Un Nouveau Souffle").

"C'est normal qu'une nouvelle tête qui se présente aux élections ne soit pas aussi connue que des personnages plus anciens. Mais je ne pense pas que l'âge y soit pour quelque chose. Regardez Michel Stefani ("Campà megliu in Corsica - Vivre Mieux en Corse"), il n'a pas tout à fait la vingtaine, et 64% des sondés ignorent qui il est."

"Bien sûr, Jean-Antoine n'est pas une rockstar, raille Filippo de Carlo, il doit encore développer son image, mais je pense que beaucoup plus de monde le connait que ne laisse entendre le sondage." Preuve en est, assure-t-il, que les passants sont nombreux à s'enquérir de la famille Giacomi quand il fait la tournée des villages. "C'est un homme loyal et entièrement dévoué à la Corse, et les gens que nous rencontrons ne peuvent pas l'ignorer."

Bien sûr, Jean-Antoine n'est pas une rockstar. Il doit encore développer son image.

Filippo de Carlo, président de Forza Nova

Tombé dans la marmite politique quand il était petit

La vie politique, Jean-Antoine Giacomi ne s'y est pas immiscé par hasard. "La politique représente énormément pour moi sur le plan personnel."

Fils du maire de Pruno, Charles Giacomi, il raconte être tombé dedans quand il était petit, et se souvient des périodes "pleines d'émotions" des élections municipales. Un scrutin "assez différent" des autres élections, qui lui aura néanmois permis de se familiariser avec le déroulé d'une campagne électorale, et lui donner l'envie, lui aussi, de s'engager "pour défendre [ses] idées et le bien commun".

Un engagement vécu aujourd'hui presque comme une évidence pour l'étudiant, et qu'il pousse à voir s'étendre auprès des plus jeunes franges de la population. "Je sais qu'il y a aujourd'hui un certain dégoût de la politique et des politiques. Mais moi je pense vraiment qu'il faut s'engager, parce que la vie démocratique passe nécessairement par la politique."

L'adieu au Front

Lui-même s'est engagé très tôt, en rejoignant dès 18 ans les rangs du Rassemblement National. "J'avais à l'époque constaté le délitement que connaissait la France, et le véritable choc des civilisations qui apparaissait, même au niveau européen. Le Rassemblement national [Front national jusqu'en 2018, ndlr] ne me paraissait pas contraire à l'identité de la Corse, on y parlait de peuple corse et on souhaitait même que l'île obtienne l'autonomie."

La bascule intervient finalement peu avant les élections municipales de 2020 : "Il y a eu un revirement d'idéologie en ce qui concerne la question corse, le parti est devenu ultra-jacobin [doctrine politique qui défend la souveraineté populaire et l'indivisibilité de la République française, ndlr]. Cela n'a plus rien à voir avec les idées qu'on prônait auparavant."

Désabusé, Jean-Antoine Giacomi quitte le parti et rejoint son ami Filippo de Carlo, alors engagé dans sa campagne municipale à Bastia, à la tête de sa nouvelle formation "Forza Nova". "On se connaissait déjà dans la sphère privée, mais notre amitié s'est consolidée durant ces élections municipales, raconte Filippo de Carlo. Je savais que c'était un garçon brillant et plein de compétences, et il m'a suivi en tant que vice-président de Forza Nova." Le parti obtient alors 201 voix au premier tour (2,07% des voix exprimées).

Quand on n'a pas les compétences pour faire quelque chose, il faut savoir laisser sa place. Je pense que beaucoup d'autres politiques auraient fort à apprendre de cela.

Filippo de Carlo, président de Forza Nova

Pour ce scrutin territorial, c'est Jean-Antoine Giacomi qui mènera la bataille en tête de liste, quand Filippo de Carlo, lui, ne fait même pas partie des colistiers.

Une décision concertée et délibérée, assurent-ils tous les deux. "D'un point de vue administratif, je ne pouvais pas me présenter, indique le fondateur de Forza Nova. Mais même si j'en avais eu la possibilité, je ne l'aurais pas fait. Je pense que Jean-Antoine a beaucoup plus de compétences que moi pour ce rôle-là. Dans la vie, il faut savoir être humble. Quand on n'a pas les compétences pour faire quelque chose, il faut savoir laisser sa place. Je pense que beaucoup d'autres politiques auraient fort à apprendre de cela."

Rassembler "parmi la droite et les nationalistes"

Autour de lui, l'étudiant a réuni des membres de Forza Nova, mais pas seulement. Le jeune homme se félicite ainsi d'avoir rallié à sa cause d'autres anciens camarades du RN, déçus, eux aussi, d'un mouvement politique dans lequel ils ne se retrouvent plus.

"La politique de François Filoni [tête de liste "Les nôtres avant les autres", soutenue par le RN, ndlr] est désastreuse. C'est le retour aux vieilles méthodes et à une vieille politique, lance Jean-Antoine Giacomi. C'est un bond de 40 ans en arrière vers le programme du Front National en 1984, et tout le monde l'a bien compris : regardez sa liste par rapport à celles des listes RN en 2015 et 2017. Il n'y a plus personne ou presque, et la plupart de ceux qui sont partis m'ont rejoint."

Parmi ceux-ci, Alexandra Maïnetti, première femme de la liste, qui figurait pour les élections européennes de 2019 en 40e position sur la liste de Jordan Bardella ; ou encore son père, Charles Giacomi, tête de liste soutenue par le RN aux territoriales de 2017.

Ce dernier occupe la 61ème position du mouvement "Corsica Fiera". "C'est un maire du rural, milieu que j'entends représenter, et qui a de l'expérience. Lui et moi, nous avons quasiment la même vision politique, à quelques différences près du fait que nous ne sommes pas de la même génération", glisse Jean-Antoine Giacomi.

Jean-Antoine a, du fait de son plus jeune âge, des méthodes politiques plus modernes, et est plus attentif aux mots qu'il prononce.

Filippo de Carlo

"Je retrouve beaucoup du père dans le fils, même s'ils ne sont pas tout à fait similaires, témoigne de son côté Filippo de Carlo. Jean-Antoine a, du fait de son plus jeune âge, des méthodes politiques plus modernes, et est plus attentif aux mots qu'il prononce, contrairement à son père qui est plus direct. Mais Charles est un puits de sciences politiques et un puits de savoir. C'est une chance de l'avoir avec nous."

La liste "Corsica Fiera" compte également l'ancien vice-président du comité central bonapartiste, Paul Zevaco (en 3ème position), et l'ex-Républicain Pierre-Ange Martini, 25 ans (en 4ème position). "Ce qu'on a voulu montrer et qu'on a réussi à faire, c'est qu'on pouvait rassembler parmi la droite et les nationalistes, affirme Jean-Antoine Giacomi. C'est quelque chose de très positif pour la suite."

Par(t)i d'avenir

Car au-delà de ces élections territoriales, Jean-Antoine Giacomi prévient : "Forza Nova a vocation à devenir un parti politique reconnu et implanté en Corse, même en dehors des périodes électorales, pour agir et réagir lorsque c'est nécessaire, comme lors de l'agression des pléaides, par exemple."

"Nous ne sommes pas un feu de paille, renchérit Filippo de Carlo, et nous travaillons déjà pour les prochaines élections législatives."

Les chances de Jean-Antoine Giacomi de remporter le siège de président du conseil exécutif sont certes minimes. Mais, d'après le fondateur de Forza Nova, il n'en reste pas moins un adversaire à prendre au sérieux. "Ce dont il faut bien se rendre compte, c'est que Jean-Antoine a encore 40 ans de carrière politique devant lui. Tous les autres, les Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, dans 40 ans, ils ne seront plus là, et ils n'auront personne pour les remplacer, tout simplement parce qu'ils n'ont pas préparé leur succession. Tandis que nous, nous préparons l'avenir, tout simplement."

 

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