Transports, restaurants, logements, loisirs… Passer ses vacances en Corse a un prix. Mais est-il trop élevé ? Nous avons posé la question à quelques touristes de septembre.
Souvent présentée comme une destination de plus en plus onéreuse, la Corse ne semble finalement pas avoir été boudée par les touristes cet été. En témoignent les récents chiffres des ports et aéroports insulaires : le fléchissement de juillet (-5%) a en effet été comblé par une hausse des passagers en août (+5%) par rapport à l'été 2023 (soit près de 20 000 passagers en plus sur les deux mois).
Après les aoûtiens, ce sont donc les vacanciers de septembre qui ont visité une île où, selon l’Insee, le niveau général des prix à la consommation des ménages est supérieur de 7% à celui du continent.
"Ici, sur le marché d’Ajaccio, les prix sont kif-kif avec ceux de Marseille", observe Claire, en pointant les différents étals en cette matinée nuageuse de fin septembre.
Les deux mains sur les sangles de son sac à dos bien rempli, la vacancière s’apprête à prendre le ferry pour regagner la cité phocéenne où elle réside :
"Je suis venue en bateau et les prix, en septembre, étaient corrects, précise-t-elle. Pour moi, venir en plein été aurait été inabordable. Là, un aller-retour en bateau m’a coûté le prix d’un aller simple en avion."
Pour se loger, la Marseillaise a opté pour un appartement, "réservé via une plateforme de location".
"J’ai payé 500 euros pour six nuits en plein centre-ville d’Ajaccio. J’ai aussi fait une sortie en mer pendant une journée à Bonifacio pour 70 euros. Je m’attendais à ces prix-là que j’ai trouvés corrects. Idem pour les restaurants où j’ai pu manger un menu pour 20 euros. La seule chose que j’ai trouvée à peine plus cher, ce sont les petits supermarchés du centre-ville. Mais sinon, pour une ville comme Ajaccio qui est le chef-lieu de la région, je n’ai pas trouvé pas que c’était si cher que ça ou alors je me suis très bien débrouillée."
"J'ai réservé début août..."
Tout comme Claire, Jérôme et Méline ont eux aussi opté pour la destination Corse en septembre pour des raisons économiques. Mais pas seulement.
"Il y a certes un choix lié aux prix mais aussi à la météo et aux températures moins élevées, ainsi qu’à la fréquentation touristique moins forte qu’en plein été", explique Méline, en tenant la poussette dans laquelle se trouve sa fillette en bas âge. La jeune femme de 28 ans, son compagnon de 35 ans et leur enfant arrivent de Suisse, où ils vivent à l’année.
"On a réservé le bateau en avril ; on l’a pris à Savone avec la voiture, indique le couple. Le prix par personne reste convenable."
En jetant un rapide coup d’œil sur la place du marché, la jeune mère de famille dit être "surprise" par le monde encore présent à cette période. "Je pensais que la fréquentation aurait été moins importante pour une fin septembre. Du coup, j’ai réservé les hôtels début août et je pensais trouver davantage de disponibilités."
Ce que l’on trouve le plus onéreux, ce sont les tarifs des chambres.
Pour ce couple, "globalement, le rapport qualité-prix est correct". Et Méline de faire remarquer que les prix pratiqués dans les hôtels sont encore "proches de ceux de la haute saison".
"Ce que l’on trouve le plus onéreux, ce sont les tarifs des chambres, mais cela n’est pas non plus exagéré, tempère Jérôme. En Suisse, là où l’on vit, le coût de la vie est un peu plus élevé qu'ici. De plus, par rapport au franc suisse, nous sommes un tout petit peu gagnants."
Pour leur première fois dans l’île, les deux touristes helvètes ont "établi un budget avant d’arriver". "Maintenant qu’on est sur place, on en profite, ce son nos seules vacances de l’année", ajoute Jérôme. Lui et Méline avouent ne pas trop avoir regardé à la dépense, sauf une fois. Et Jérôme de livrer cette anecdote :
"On voulait faire une visite en bateau, ils étaient d’accord pour prendre notre petite fille mais cela coûtait 80 euros pour elle, soit le même prix que pour un adulte. Donc, on ne l’a pas fait car on s’est dit que le prix n’en valait pas la peine vu son âge. Dommage qu’il n’y ait pas eu un tarif enfant", regrette-t-il.
Évolution
Ce matin-là, dans le centre d’Ajaccio, l’inflation généralisée constatée depuis l’été 2021 et la période post-Covid ne semble pas préoccuper outre mesure les touristes rencontrés. Y compris ceux qui fréquentent l’île depuis plusieurs années.
"En cinq ans, les prix des restaurants ont certes augmenté, mais ce n’est pas forcément plus cher qu’ailleurs, constatent Éric et Isabelle. Là où nous vivons, à Nancy, tout a également augmenté."
Un sentiment également partagé par Joachim et Marjorie. Ces deux touristes belges, qui résident à quelques kilomètres de la frontière française, sont également des habitués de la Corse. Ils l'ont ralliée par avion depuis l’aéroport de Lille pour "200 euros chacun".
"La Corse est-elle trop chère ? Je pense qu’il faut remettre les choses dans le contexte, expose Joachim. C’est une île unique, magnifique qui propose des endroits spectaculaires avec des gens qui se donnent beaucoup pour nous offrir des choses bon marché et nous servir. C’est vrai qu’on a vu une légère évolution des prix mais ça ne me choque pas du tout. Je considère qu’aller manger dans une paillote ou dans un restaurant avec une vue magnifique, ça se mérite. Les gens sont là pour nous offrir un service qu’on paie peut-être un peu plus cher que sur le continent, mais je trouve ça normal." Et le quinquagénaire d’ajouter :
"Là où on habite, on a l’habitude de faire des restaurants, des brasseries, et on est dans des prix similaires. La différence ici, c’est qu’on a le cadre. Le cadre, c’est la valeur ajoutée et, pour nous, ça n’a presque pas de prix."
Comparée à d’autres endroits touristiques dans le monde, la Corse reste, pour ce couple, "abordable" :
"Les États-Unis, en revanche, ça devient cher, oppose Joachim. Avant le Covid, ça allait. L’euro était fort. Mais maintenant, ça commence à être cher. La crise est passée par les États-Unis et le touriste la prend en pleine face."
Si tous les clients s’y retrouvent par rapport aux services qu’ils ont pris, ce n’est pas cher. Parce qu'ils sont en Corse, parce qu’ils sont venus voir un paysage particulier. En revanche, s’ils ne s’y retrouvent pas, ils diront que c’est trop cher.
Sébastien RistoriAnalyste financier
Eux aussi venus de Belgique, de la région flamande de Gand, Mattew et Kat, la vingtaine, partagent globalement le même avis, évoquant des "tarifs corrects". "Sauf le prix du billet d’avion, plus de 300 euros pour deux heures de vol", grimace Kat. Mattew acquiesce.
Cependant, une fois dans l’île, ils n’ont pas été "plus surpris que ça" par les prix pratiqués "similaires à ceux d’autres îles" qu’ils ont pu fréquenter. Pour eux aussi, "la Corse n’est pas une destination trop chère".
Un sentiment largement répandu ce matin-là chez les personnes que nous avons interviewées dans le centre-ville d’Ajaccio. Ce qui n’étonne pas l'analyste financier insulaire Sébastien Ristori :
"Les prix ont augmenté partout, fait remarquer celui qui est également enseignant à l'Université de Corse. Je ne pourrais pas dire que le panier moyen est spécifiquement plus cher en Corse qu’ailleurs. Si l’on compare à une autre île, peut-être que l’on sera aussi cher. Si l’on compare au centre du pays, peut-être pas, on le sera certainement moins. C'est donc le rapport qualité-prix qu'on doit prendre en compte à chaque fois. Si tous les clients s’y retrouvent par rapport aux services qu’ils ont pris, ce n’est pas cher. Parce qu'ils sont en Corse, parce qu’ils sont venus voir un paysage particulier. En revanche, s’ils ne s’y retrouvent pas, ils diront que c’est trop cher. La cherté, c’est en fonction de l’expérience client que l’on a derrière."
Pour Sébastien Ristori, il y a "trois grandes tendances à analyser" :
"La question est avant tout liée au pouvoir d’achat du touriste, à son profil et au climat. En plus de la justesse du prix, il faut donc s’interroger sur son pouvoir d’achat. Quel est son niveau ? Et, notamment concernant le climat, ne va-t-il pas falloir changer notre façon de considérer la saison ? Parce que, à terme, ça aura forcément un impact et également un coût."
Une manière de rappeler que le choix de venir en septembre ne serait pas uniquement lié à la question économique mais aussi climatique. "Il fait trop chaud en plein été", nous ont confié beaucoup de touristes rencontrés ce matin-là. Raison pour laquelle certains d'entre eux ont opté pour l'arrière-saison de septembre...