Echanges d'apprentis, coopération en matière d'emploi ou "Eurodistrict" franco-allemand : sur les bords du Rhin, les bonnes intentions foisonnent pour mieux coopérer mais se heurtent souvent à des obstacles tenaces.
A l'occasion du 50ème anniversaire du traité de l'Elysée les gouvernements des deux pays ont notamment prévu de se mettre d'accord sur une coopération plus étroite dans le domaine de l'apprentissage.
En Alsace et dans le Land allemand voisin du Bade-Wurtemberg, c'est déjà en partie une réalité puisque depuis deux ans, les apprentis peuvent faire leur stage pratique de l'autre côté du Rhin.
Mais seuls une douzaine ont à ce jour saisi cette chance, reconnaît un porte-parole de la Région Alsace. "Comme à chaque innovation, il faut du temps pour qu'une idée s'impose", philosophe le sénateur-maire (PS) de Strasbourg, Roland Ries.
Le Bade-Wurtemberg recrute
Selon la Commission européenne, le taux de chômage en France est presque deux fois plus élevé en France qu'en Allemagne (10,5% contre 5,4%).
Et chez les jeunes de moins de 24 ans le rapport est de plus de trois contre un (25,5% côté français contre 8,1% côté allemand).
Le Bade-Wurtemberg, à l'industrie en plein essor, essaie depuis longtemps d'attirer des travailleurs alsaciens.
La direction régionale pour l'emploi de Stuttgart recherche avant tout des ingénieurs, des ouvriers qualifiés dans la métallurgie, des employés dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration, des infirmières et des éducateurs, indique son porte-parole Olaf Bentlage.
Ses services travaillent déjà en collaboration avec l'agence française Pôle Emploi de Strasbourg. Ils échangent leurs offres, et organisent
régulièrement des "Jobdatings", pour permettre des rencontres entre demandeurs d'emploi et employeurs potentiels.
Des obstacles bureaucratiques perdurent
Quand par exemple un demandeur d'emploi de Strasbourg demande une formation dans la région de Stuttgart, à une centaine de kilomètres, Pôle emploi
ne peut lui rembourser ses frais de déplacement que jusqu'à la frontière. Alors que s'il choisit Toulouse, à près de mille kilomètres de la capitale alsacienne, il peut se faire rembourser intégralement. "C'est absurde", reconnaît Cyprien Fischer, de Pôle Emploi Strasbourg.
Un autre handicap vient de la méconnaissance linguistique. L'allemand est certes beaucoup plus largement enseigné dans les écoles de l'est de la France que dans le reste du pays, mais peu de jeunes l'étudient suffisamment longtemps pour véritablement le maîtriser.
A cela s'ajoute que "l'emploi en Allemagne a perdu en attractivité pour le Français" ces dernières années, remarque Olaf Bentlage: l'écart des salaires entre la France et l'Allemagne s'est nettement réduit.
L'Eurodistrict en panne
Lancé en grande-pompe il y a dix ans par les dirigeants français Jacques Chirac et allemand Gerhard Schröder, l'ambitieux "Eurodistrict" est un autre exemple de ces grandes idées qui se heurtent aux réalités bureaucratiques.
En réunissant les communes des agglomérations de Strasbourg et d'Offenbourg, sa voisine de l'autre côté du Rhin, il s'agissait d'étabir une
sorte de "laboratoire d'essai" d'intégration européenne dans cette région franco-allemande comptant près de 900.000 habitants.
"Nous étions un peu trop euphoriques", reconnaît aujourd'hui Günther Petry (SPD), le maire la petite ville de Kehl, séparée de Strasbourg
par le Pont de l'Europe au-dessus du Rhin.
Parmi les chantiers de l'eurodistrict, une harmonisation fiscale ou des tarifs de téléphonie mobile propres sont restés lettre morte. "Un statut juridique et fiscal spécial, sur le modèle de celui de Washington D.C." est toujours impossible, reconnaît Roland Ries.