Le sociologue ménéhildien Michel Crozier est décédé

Le père de la sociologie des organisations en France est mort vendredi à l'âge de 90 ans, a annoncé la revue Sciences Humaines sur son site internet. 

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Considéré comme un "réformateur", il regrettait l'influence gagnée par Pierre Bourdieu et d'autres sociologues "contestataires" auprès du grand public et des médias.

Né en 1922 dans la Marne, à Sainte-Ménehould diplômé de HEC et en droit, Michel Crozier a commencé par étudier le fonctionnement de la bureaucratie et les rouages des organisations (syndicats, administrations, entreprises privées, etc.) auxquels il a consacré de nombreux livres.

En 1964, deux ans après avoir fondé au CNRS le Centre de sociologie des organisations (CSO, qui existe toujours), il publie "Le Phénomène bureaucratique", qui décrypte les relations de pouvoir et autres mécanismes à l'oeuvre au sein de deux organisations publiques, l'Agence parisienne des chèques postaux et la Seita.

Mai 68, "analyse stratégique", l'Etat et l'administration

En 1971 paraît "La Société bloquée", où Michel Crozier explore les origines de la crise de Mai 68 (il était enseignant à l'université de Nanterre à l'époque) liée selon lui aux rigidités non pas tant de la société française mais de l'Etat et de son système bureaucratique. Une analyse qu'il poursuit dans "On ne change pas la société par décret", paru en 1979.

Mais son livre le plus célèbre internationalement reste "L'Acteur et le Système" (1977), livre écrit avec Erhard Friedberg. Michel Crozier y donne un fondement théorique à ses premières analyses des rapports entre les organisations et les individus qui les composent, et les stratégies de décisions qui en découlent. Classique de la littérature sociologique, c'est l'ouvrage fondateur de l'école de "l'analyse stratégique" auquel le nom de Michel Crozier reste attaché. Le sociologue poursuivra sa critique du conservatisme et de l'immobilisme de l'administration française dans "État moderne, État modeste" (1986) puis dans "La Crise de l'intelligence" (1995), où il dénonce le rôle de la technocratie et des élites.

Dans les années 2000, Michel Crozier s'était consacré à l'écriture de ses mémoires ("Ma belle époque" paru en 2002 et "A contre-courant" paru en 2004) où il évoquait sa trajectoire intellectuelle et professionnelle, jusqu'à son entrée à l'Académie des sciences morales et politiques en 1999. Michel Crozier avait également enseigné aux Etats-Unis, où il avait fait ses premiers pas dans la sociologie (discipline qui n'existait pas en tant que telle en France à l'époque) en étudiant les syndicats américains.
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