En Alsace, des médiateurs pour aider les retraités face au fisc allemand

Quelque 50.000 retraités français, anciens travailleurs frontaliers en Allemagne, se voient réclamer par le fisc allemand des milliers d'euros en arriérés d'impôts. Certains "n'en dorment plus", au point qu'un service de médiation, piloté par les pouvoirs publics en Alsace, doit être renforcé.







A l'origine de cet imbroglio administratif, une réforme fiscale allemande de 2005, qui a inclus la plupart des pensions de retraite dans l'assiette de l'impôt sur le revenu, y compris celles versées aux bénéficiaires installés à l'étranger. Pendant plusieurs années, ces derniers n'ont pas été informés qu'ils devaient désormais s'acquitter de l'impôt. Ce n'est qu'à partir de 2010 que le fisc allemand leur a adressé de lourdes factures, parfois jusqu'à 4.000 euros, avec effet rétroactif sur plusieurs années.

C'est ce qui est arrivé à Nadia Neu: début 2012, la jeune femme découvre que sa grand-mère Anne-Marie Kibler, 82 ans et souffrant de la maladie d'Alzheimer, doit régler 2.400 euros au fisc allemand. La vieille dame ne touche pourtant que 400 euros par mois de retraite allemande, et une fois payée sa pension en maison médicalisée, elle n'a que 200 euros par mois pour vivre. "C'était une catastrophe pour nous, on était paniqué", raconte Mme Neu, qui, bien que maîtrisant l'allemand, avoue avoir été déroutée par des "documents incompréhensibles".

Depuis l'arrivée des premiers courriers du fisc allemand, les équipes des "Infobest", des structures franco-allemandes de conseil aux consommateurs, ont été saisies de ce problème par "au moins 7.000 personnes", témoigne Anette Fuhr, une des responsables de cet organisme, précisant que la plus âgée avait 102 ans. 

 "Les gens pleurent, hurlent"

Sur l'ensemble de la France, quelque 50.000 retraités sont concernés, dont 30.000 vivent en Alsace. "Les gens pleurent, hurlent, sont désemparés. Certains nous disent qu'ils n'en dorment pas de la nuit", raconte Mme Fuhr, dont les équipes évoquent les cas de contribuables handicapés ou de dossiers transmis par le personnel soignant des maisons de retraite. Alertés par des milliers de retraités affolés, les élus locaux alsaciens ont commencé à se mobiliser pour tenter de trouver une solution politique.

Sollicité par le député (UMP) du Haut-Rhin Eric Straumann, le gouvernement allemand a ainsi indiqué qu'une convention était en cours de négociation entre Paris et Berlin, qui permettrait au fisc français d'être l'interlocuteur unique des retraités concernés. Mais une telle solution pourrait se faire attendre encore "deux ou trois ans", selon le président (UMP) de la région Alsace, Philippe Richert. En attendant, les pouvoirs publics ont décidé de renforcer les équipes des centres Infobest: recrutées à partir du 1er juin, et pendant au moins un an, deux personnes à temps plein, rémunérées grâce à des fonds publics français et allemands, seront exclusivement chargées d'épauler les seniors sur ces dossiers.

Une aide qui peut s'avérer décisive: le retraité peut bénéficier d'abattements, si bien que "dans 80% des cas on arrive à réduire fortement la dette fiscale, voire à l'annuler", selon Mme Fuhr. Mais les formulaires sont complexes et les contribuables âgés déroutés par l'obstacle de la langue, d'autant qu'au centre des impôts compétent, près de Berlin, aucun fonctionnaire ne parle le français. "Nous avons des personnes totalement démunies face à ce problème, alors qu'il est possible de négocier avec le fisc allemand, pour obtenir au moins un rééchelonnement de la dette", souligne M. Richert. L'élu rêve d'une solution pérenne, car "à l'heure où le marché allemand de l'emploi constitue un débouché important pour nos jeunes, un problème comme ça n'encourage pas à aller travailler de l'autre côté!" 

Pour Nadia Neu, le casse-tête a fini par être résolu: elle a fait valoir que sa grand-mère pouvait bénéficier d'abattements, et sa dette fiscale a été annulée, quelques mois après son décès en août dernier. "Heureusement, sinon nous en aurions hérité"!
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