Ces derniers jours, les contrôles se sont multipliés pour tenter d'intercepter les pétards importés et vendus illégalement. Et les prises sont conséquentes : près de deux tonne d'artifices saisies dans le Bas-Rhin, dont 580 kg, mardi matin sur le parking d'un magasin à Schweighouse-sur-Moder.
Deux tonnes saisies dans le Bas-Rhin a indiqué Roland Ries
Conformément à une tradition germanique, les Alsaciens ont l'habitude de fêter la Nouvelle année dans un vacarme pyrotechnique: pendant une bonne partie de la nuit, pétards et feux d'artifice fusent de toutes parts, dans les rues, les jardins, voire sur les balcons. Et chaque année, les services d'urgences doivent prendre en charge de graves blessures, notamment aux mains et aux yeux. Deux hommes d'une vingtaine d'années avaient succombé l'an dernier à des blessures au visage.
Citant le cas des "gros pétards" à Strasbourg et Mulhouse, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a rappelé mardi que ces villes alsaciennes faisaient partie des territoires qui "font comme tous les ans l'objet d'une surveillance particulière". Face au danger, policiers et gendarmes y ont multiplié les contrôles cette année. Depuis quelques jours ils ont saisi quelque 470 kilos de pétards et autres explosifs, soit chez des vendeurs à la sauvette, soit sur des particuliers qui étaient allés les acheter en Allemagne voisine, où ils sont disponibles en abondance les jours précèdent la Saint-Sylvestre. Une trentaine de kilos ont encore été saisis par la police dans la nuit de lundi à mardi, lors de divers contrôles.
Car cette année, sur décision des deux préfets alsaciens, la réglementation est particulièrement stricte: seuls les plus petits pétards (de catégorie K1) sont désormais autorisés, et uniquement pour les plus de 12 ans. Les plus puissants, "Tigre", "Bison" et autres mortiers, cauchemars des services d'urgence, nécessitent des autorisations.
"On va encore en baver"
En outre, les particuliers n'ont pas le droit de s'approvisionner en Allemagne. Formellement, l'usage des pétards est même interdit "à moins de 50 mètres des immeubles d'habitation", ce qui revient à une interdiction de facto en ville... bien difficile à faire appliquer. La presse locale observait récemment que cette mesure donnerait cependant un outil juridique aux forces de l'ordre pour appréhender les individus dont le comportement serait jugé particulièrement dangereux. La communication en direction du jeune public a été particulièrement musclée, avec notamment des séances d'information organisées dans tous les collèges du Bas-Rhin, depuis le début du mois d'octobre et jusqu'aux vacances de Noël. Objectif: toucher les 12.000 élèves de 4e du département.Dans les deux services d'urgence "SOS Main" de l'agglomération strasbourgeoise, le personnel soignant se préparait mardi, une nouvelle fois, à une nuit difficile. "On sait qu'on va encore en baver", soupire le Dr Philippe Liverneaux, chirurgien. Pour la Saint-Sylvestre, l'équipe de "SOS Mains" qu'il dirige, à Illkirch en banlieue de Strasbourg, a doublé ses effectifs. "On ne guérit pas d'une main déchirée par un explosif", met en garde de son côté Patrick Laemmel, cadre infirmier dans un autre service spécialisé à Strasbourg. Pendant la nuit du réveillon, "à minuit et quart, notre salle d'attente évoque un état de guerre, avec des mains déchiquettées", a-t-il dit à France Bleu Alsace.
A Thannenkirch, petit village du Centre-Alsace endeuillé l'an dernier par un accident mortel, le maire, Hubert Bihl, a fait distribuer dans toutes les boîtes à lettres un tract où l'on pouvait lire: "l'équipe municipale vous demande de dire non à ces manifestations meurtrières". Mais l'édile a reconnu ne pas croire "qu'un arrêté du maire puisse faire en sorte qu'on ne +pète+ plus de pétards, il faut que ça reste une réaction spontanée des habitants", a-t-il dit dans un entretien à France 3 Alsace.
Les fabricants de pétards, ulcérés par le manque à gagner découlant de la réglementation locale, ont saisi la justice administrative pour dénoncer une "entrave à la liberté du commerce". "Ils sont dans leur rôle. Mais personnellement, je trouve que contester ainsi une réglementation visant à protéger la vie des gens, ce n'est pas très moral", a commenté le préfet Stéphane Bouillon à propos de cette procédure, toujours en cours.