L’avenir des langues régionales a été débattu hier soir à l’Assemblée nationale. La charte européennes des langues régionales à été signée par la France en 1999 mais jamais ratifiée. Un vote solennel aura lieu le 28 janvier prochain afin de savoir si la constitution peut être modifiée.
le reportage de Danielle Léonard, Aline Fontaine et IV3. Interviews de Armand Jung, député (PS) du Bas-Rhin, Patrick Hetzel, député (UMP) du Bas-Rhin, Claude Sturni, député (UMP) du Bas-Rhin et Jean-Jacques Urvoas, président (PS) de la Commission des Lois, rapporteur de la proposition de loi.
Devant un auditoire clairsemé les députés bretons, corses ou alsaciens, tous bancs confondus, ont défendu avec enthousiasme la ratification de la Charte européenne des langues régionales mercredi soir. Elle n'a guère été contestée que par un discours véhément de l'UMP Henri Guaino.
Cette charte, signée par la France en 1999 mais jamais ratifiée en raison de blocages constitutionnels qu'une proposition de loi socialiste se propose de lever, est destinée à protéger et à promouvoir l'emploi des langues "régionales ou minoritaires" (à l'exclusion des langues des migrants).
"Le temps du mépris est révolu",
Très mobilisés, députés bretons et corses, mais aussi béarnais, alsaciens ou d'outremer se sont succédé pour rappeler combien les langues régionales, plus de 75 en métropole et en outremer, ont été aux XIXème et XXème siècles malmenées par la République au nom de l'unité de la nation, conduisant à un déclin continu du nombre de locuteurs.
"Le temps du mépris est révolu", a espéré l'UMP Marc Le Fur (Côtes d'Armor).
Certains ont ponctué leurs déclarations d'interventions en gallo pour l'UDI Thierry Benoit (Ille-et-Vilaine), en occitan pour l'UMP Alain Marc (Aveyron) ou en breton pour l'écologiste Paul Molac (Morbihan), "bilingue de naissance breton-gallo, trilingue avec la République".
"Adopter la charte permettra de faire évoluer les mentalités et le droit. Ce sera un premier pas vers une loi cadre pour les langues régionales", a estimé M. Molac qui veut éviter "qu'un recteur puisse refuser comme encore en 2013 à un lycée le droit de proclamer la devise de la République en breton sur son fronton".
« Des certitudes d’un autre âge »
Tous ont pointé la contradiction à défendre le français à l'étranger au nom du plurilinguisme et à brandir "l'éventail du communautarisme" à l'intérieur, comme l'a fait l'UMP Henri Guaino.
"C'est un retour aux principautés et aux féodalités du Moyen-Age", s'est enflammé M. Guaino dans un long discours pour défendre "l'exception française".
Les députés alsaciens de l'opposition, regroupés derrière leur porte-parole Patrick Hetzel ne l'ont pas suivi.
Le député du Bas-Rhin est monté à la tribune : "Nous ne voulons pas perdre notre belle langue d'Alsace car elle fait partie du patrimoine de la France toute entière".
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Parmi les rares opposants présents, Marion Maréchal-Le Pen (FN) a vu un "risque majeur de balkanisation de la République" dans la charte qui pourrait "s'appliquer à des dialectes romani ou arabes", même si les langues des migrants sont exclues du texte.
Critiquant "les certitudes d'un autre âge" d'Henri Guaino, le rapporteur du texte, le socialiste breton Jean-Jacques Urvoas, a souligné "que la République ne s'est pas écrite en français". Beaucoup de Français ne le parlaient pas en 1789 et Jean-Jaurès "commençait ses discours en français et les finissait en occitan", a-t-il affirmé.
Vote le 28 janvier
Avant cet assaut de références historico-littéraires, M. Urvoas avait assuré que la charte n'avait provoqué "nul bouleversement linguistique" dans les 25 Etats membres du Conseil de l'Europe qui l'ont ratifiée.
En France, le processus lancé par le gouvernement Jospin a été gelé après une décision du Conseil constitutionnel de juin 1999 estimant la charte contraire à l'égalité devant la loi de tous les citoyens et au fait que "la langue de la République est le français" (article 2 de la Constitution).
La Charte est restée au placard jusqu'à ce que la crise bretonne n'incite en décembre Jean-Marc Ayrault à en relancer la ratification.
Les socialistes ont demandé un vote solennel, qui aura lieu le 28 janvier, pour vérifier si le texte pourra être approuvé par les trois cinquièmes des parlementaires (députés et sénateurs), seuil nécessaire pour modifier la Constitution par la voie du Congrès (réunion des deux chambres à Versailles).
Si le vote à l'Assemblée est massif, alors le gouvernement reprendra la procédure à zéro sous la forme d'un projet de loi constitutionnelle pour permettre son adoption par le Congrès alors qu'une proposition de loi doit être obligatoirement approuvée par référendum.
Avec l’AFP.