La Suisse commerce, échange, vit avec l’Europe, et les relations économiques sont florissantes depuis l’entrée en vigueur de la libéralisation des échanges entre la Confédération et l’Union. Une libéralisation remise en cause aujourd’hui.
Une évolution qui inquiète les milieux économiques dans la Confédération, qui avaient fait campagne contre le retour au contingentement de l’immigration. « Nous apprécions le libéralisme économique de la Suisse », explique l’Allemand Ulrich Spiesshofer, le directeur général d’ABB, l’un des leaders mondiaux dans les technologies d’énergie et d’automation, dont le siège est à Zurich. « et nous voulons être optimistes, espérant que cette votation ne changera pas cette conception libérale ». Même son de cloche de la part de son collègue des assurances Zurich Insurance Group, le suisse Martin Senn : « Il est trop tôt pour estimer les conséquences de ce OUI au contingentement, mais nous espérons que des solutions satisfaisantes seront trouvées pour régler les problèmes qui risquent de se poser ! ». Des patrons prudents, qui font passer le message : pour eux, un repli de la Suisse sur elle-même et un désengagement vis-à-vis de l’Europe seraient néfaste pour les affaires…
Une votation avec des conséquences.
Dans un pays où le taux de chômage est de 3%, tous les secteurs - l’industrie, l’agriculture, le commerce - craignent de manquer de main d’œuvre sans l’apport des étrangers : par exemple les quelques 160 000 frontaliers français, auxquels s’ajoutent 60.000 italiens, et autant d’allemands… Des frontaliers qui, le lendemain de la votation, étaient inquiets. Jens Eckstein est allemand et vit à Fribourg en Brisgau, tous les jours, il se rend à Bâle en train, pour y travailler comme médecin à l’hôpital universitaire : « Cette décision n’aura, je pense, pas de conséquence immédiate pour moi. Je travaille depuis longtemps en Suisse, dans un environnement très agréable… Mais aujourd’hui, je ressens une espèce d’amertume. ». D’autres frontaliers ne comprennent pas, comme cet Alsacien rencontré à la frontière le lundi matin : « nous travaillons, nous contribuons à la croissance économique de la Suisse. Alors pourquoi vouloir limiter le nombre d’immigrés en Suisse ? ».
Depuis la signature d’accords bilatéraux pour ouvrir les marchés dans 7 secteurs (les transports terrestres et aériens, la recherche scientifique, les échange de produits agricoles, l’accès aux marchés publics, le commerce et la libre circulation des personnes), les relations économiques entre la confédération et l’Europe étaient au beau fixe.
L’Europe, un marché de 500 millions de personnes
En 2012, la Confédération était le troisième destinataire des exportations européennes, et 56% de sa production était écoulée dans l’Union - un marché de 500 millions de personnes !
En Suisse, les responsables politiques comme Didier Burkhalter, le Président de la Confédération, s’interrogent : « Allons nous pouvoir continuer à discuter avec l’Union Européenne ? Nous ne le savons pas, et maintenant nous devons attendre : l’UE va-t-elle poursuivre les négociations qui étaient en cours sur un accord institutionnel avec la Suisse ? »
Trois ans pour renégocier
Le gouvernement suisse doit maintenant présenter un projet de loi, pour mettre en musique la décision des citoyens helvètes. Il a trois ans pour renégocier les accords internationaux concernés par l’immigration. « Nous allons, selon le vœux des citoyens, présenter un projet », déclare Simonetta Sommeruga, la vice-présidente de la confédération helvétique. « Mais le texte adopté est très vague, il ne précise pas comment organiser les contingents, qui les définis, quelles sont les limites. Il ne précise pas non plus comment organiser la préférence nationale. »
La votation de dimanche aura des conséquences dans tous les domaines, pas seulement pour l’économie. La recherche scientifique et les échanges universitaires seront également touchés par le contingentement, et la Suisse s’interroge : le contrôle de l’immigration aura-t-il aussi pour conséquence une baisse du recours à des personnels étrangers hautement qualifiés, ou encore à de travailleurs nécessaires à l’équilibre économique et social du pays ?
En Suisse, un médecin sur 5 est étranger, un infirmier sur 4 est allemand : aujourd’hui, le secteur de la santé en Suisse est dépendant de la main d’œuvre étrangère, des frontaliers pour la plupart.
Et puis, cette votation a aussi un impact sur les relations intra communautaires en Suisse : aux OUI à la maîtrise de l’immigration des cantons alémaniques et des campagnes, a répondu le NON des cantons francophones et des grandes villes…
Quelques chiffres :
Acceptation de l’initiative de l'UDC contre l’immigration de masse : 50,34 % des votants (19 516 voix d’avance pour le OUI)
Taux de participation : 56,5%