L’entretien des églises coûte cher, et certaines ne sont plus fréquentées par les fidèles. Elles peuvent alors être désacralisées, pour être détruites ou reconverties : c’est le cas de l’église Sainte Elisabeth à Fribourg en Brisgau et de la Klingentalkirche à Bâle.
Dans le quartier populaire de Zähringen à Fribourg en Brisgau, un chantier pas comme les autres a démarré il y a quelques semaines. L’église du quartier, un bâtiment en béton des années soixante, témoin de l’essor de Zähringen après la deuxième guerre mondiale, devient un lieu d’habitation. Sainte Elisabeth était un lieu de culte contemporain, construit en 1965 et entouré d’immeubles. L’église, qui n’accueillait guère plus de fidèles, était un casse tête pour l’évêché : difficile à chauffer, vieillissante, un vestige de l’architecture «brutaliste» des années 60.
Alors elle a été désacralisée en 2006, vouée à la démolition. Jusqu’à ce qu’un promoteur entende parler d’elle : il souhaite la racheter pour lui donner une seconde vie, comme immeuble d’habitation. « Bien sûr, il a fallu négocier avec l’évêché, on ne peut pas faire n’importe quoi avec ces murs, aui portent les traces de ce proche passé religieux. Ici, les habitants du quartier ont été baptisés, ils se mariés dans cette église, et nous les avons évidemment fait participer au projet, en les informant régulièrement », explique Jörg Gisinger, le promoteur à l’origine du projet. « Voyez ces décorations à même les murs de béton, des croix, des traces de pas, du corps du Christ, dans un style contemporain », précise Christian Engelhard, son collaborateur. « Il a fallu discuter à la fois avec l’artiste, l’architecte et l’évêché pour déterminer quels éléments devaient être conservés, lesquels doivent être conservés mais à l’abri des utilisations profanes, les confessionnaux par exemple. »
L’église sera toujours visible après sa transformation, son clocher subsistera, et l’architecte a intégré le passé du bâtiment dans son projet. « Nous nous sommes inspiré de l’idée du concepteur du bâtiment dans les années 60 », raconte Klaus Schäfer, l’architecte en charge de ce chantier. « Des matières brutes, un cube, et puis des éléments religieux à conserver, le tabernacle, les vitraux, l’entrée avec ses grandes portes ». La structure du bâtiment subsiste, des ouvertures ont été découpées dans le béton des murs, et c’est dans ce cube que seront insérés les appartements, « une maison dans la maison », comme aime à dire Klaus Schäfer.
Du grain, des soldats, des artistes
Sainte Elisabeth à Zähringen a son avenir comme immeuble d’habitation devant elle, à Bâle, la Klingentalkirche a tourné le dos à son passé religieux depuis plusieurs siècles déjà. A la réforme au XVI ième siècle, l’église et son couvent ont été désacralisés, abritant tour à tous des greniers à grain, une caserne, et, depuis 50 ans, des ateliers d’artistes.
« Au fil des siècles, l’église a été transformée et adaptée pour remplir de nouvelles fonctions », explique Thomas Lutz, conservateur du patrimoine au canton de Bâle Ville.
« Des planchers sur trois niveaux ont été construits, les murs recouverts de plâtre, des ouvertures ont été percées ». Malgré les transformations, à l’intérieur du bâtiment, les traces du passé de l’église restent visibles : des statues oubliées derrière des cloisons resurgissent au gré des travaux, des éléments de voûte rythment les couloirs, des fenêtres en ogive laissent entrer la lumière, la charpente d’origine, en forme de navire renversé, a traversé les siècles. Des visites guidées sont organisées ici, comme dans d'autres bâtiments désacralisés de Bâle, pour raconter cette histoire. A la Klingentalkirche, que les bâlois connaissent mieux sous le nom de "Kasernen Areal" (le passé de caserne du site aura plus marqué les esprits que l'origine religieuse des bâtiments!), les artistes, qui ont investi les lieux, travaillent dans cette atmosphère chargée d’histoire. « La religion, ce n’est pas ma tasse de thé », nous dit Marius Rappo, dont l’atelier est installé ici depuis les années 60. « un jour, j’ai abattu une cloison dans mon atelier, et derrière, il y avait une statue de la vierge. Alors j’ai remis en place la cloison, je ne tiens pas à travailler sous le regard de la Marie ! ».
Une expérience nouvelle