Le tribunal s'est attaché à comprendre comment le Dr Dieter Krombach a été enlevé en octobre 2009 pour être livré aux autorités françaises et surtout si André Bamberski était à l'origine de cet enlèvement.
Quel était le rôle de chacun des prévenus dans le rapt de Dieter Krombach ces 17 et 18 octobre 2009 ? Le tribunal a tenté de démêler les fils qui relient André Bamberski et les trois autres prévenus. Mr Bamberski a dit a plusieurs reprises au cours de l'audience qu'il « assumait la prise de décision de faire transporter Dieter Krombach en France » mais qu'il n'en était pas à l'origine (lire notre article d'hier). Cet enlèvement a eu lieu alors que toute poursuite avait été abandonnée en Allemagne à l'encontre Dieter Krombachsuite suite à la mort de la fille d'André Bamberski. La jeune fille de 14 ans, Kalinka, avait été retrouvée morte en 1982 au domicide du Dr Krombach.
Avec force détails et une mémoire très exacte des événements, des lieux et des horaires, André Bamberski a expliqué qu'il a été approché par Anton Krasniqi qui lui a proposé d'enlever et de transporter le Dr Krombach en France. Ces faits se seraient déroulés en octobre 2009 lors d'un séjour d'investigations personnelles menées par Mr Bamberski à Bregen, en Bavière où résidait alors le Dr Krombach.
Le Kosovar de 43 ans aurait dit à Mr Bamberski à quel point il était touché par son combat de père pour faire la justice après la mort de sa fille. Selon la déposition d'André Bamberski, Anton Krasniqi ne lui aurait pas demandé d'argent pour organiser le rapt mais « je lui dit que je souhaite participer aux frais de transport. C'est bien moi qui lui ai proposé de lui verser de l'argent. Je vous confirme que je lui ai donné mon accord [pour le transport de Dieter Krombach, NDLR]. » a expliqué Mr Bamberski. Cette dernière phrase doit justifier la somme de 19.000€ retrouvée dans la chambre d'hôtel de Mr Bamberski le jour où Dieter Krombach a été retrouvé enchaîné à un portail le 18 octobre 2009 à Mulhouse.
Le procureur de la république, visiblement agacé par les déclarations d'Anton Krasniqi a clairement dit qu'il ne croyait pas à cette version des faits et au fait que le kosovar ait proposé d'enlever le Dr Krombach par pure compassion pour André Bamberski. « Vous donnez des leçons de morale depuis ce matin et de bons sentiments, permettez-moi de vous dire que nous n'avons pas de leçons à reçevoir de quelqu'un qui a été condamné sept fois en Autriche pour vol. » a invectivé Hervé Robin.
Une journaliste comme intermédiaire ?
Une autre des prévenues est une journaliste autrichienne, Adelheid Rinke. La justice la soupçonne d'avoir joué les intermédiaires entre Anton Krasniqi et André Bamberski. Les relevés des conversations téléphoniques démontrent que cette femme a été appellée et a appelé les deux hommes dans des intervalles brefs la nuit du rapt. La journaliste nie avoir joué un tel rôle mais reconnaît avoir eu des conversations avec ses co-prévenus, notamment avec Anton Krasniqi « pour lui indiquer le chemin » vers Mulhouse après qu'il ait eu des problèmes d'itinéraires.
Les déclarations de Adelheid Rinke ont été jugées peu crédibles par le tribunal, qui a longuement tenté de faire dire à André Bamberski qu'il avait bel et bien organisé le rapt de l'homme qu'il a toujours tenu comme étant le meurtrier de sa fille Kalinka. A aucun moment, Mr Bamberski n'a accepté d'endosser la responsabilité de l'enlèvement ni de son exécution. Il a toutefois reconnu avoir contacté Anton Krasniqi pour lui transmettre une information qu'il avait eue selon laquelle le Dr Krombach avait rejoint son domicile de Bregen. Le rapt a eu lieu dans les heures qui ont suivi cette dernière conversation.
Le long récit du combat d'André Bamberski
En fin d'après-midi, la présidente du tribunal a laissé la parole à André Bamberski pour qu'il revienne sur les démarches qu'il a accomplies depuis la mort de sa fille. Sur un ton calme mais déterminé, toujours très précis dans ses termes et l'évocation des dates, il a relaté son combat. Il a expliqué qu'il avait forgé sa conviction que Dieter Krombach avait violé et tué sa fille après avoir lu le rapport d'autopsie. S'en est suivie une série de démarches pour faire éclater une vérité sur laquelle la justice allemande refusait de se pencher en classant toutes les procédures contre le Dr Krombach. Ce n'est que dix ans après la mort de sa fille qu'André Bamberski a obtenu en France l'ouverture d'une enquête qui aboutira à la condamnation par contumace du Dr Krombach.
Le combat d'André Bamberski ne s'est arrêté qu'après l'enlèvement du médecin allemand et son transport sur le sol français, ce qui a permis à la justice de faire son œuvre et de condamner Dieter Krombach à 15 ans de réclusion criminelle.