Sauvegarde de la sidérurgie : les choix opposés de la Sarre et de la Lorraine

A partir de deux photos de presse présentant l'implication de la Sarre dans la pérennisation de la main-d'oeuvre sidérurgique par le biais de l'apprentissage, notre journaliste Eric Molodtzoff a demandé  leur réaction à des syndicalistes de la sidérurgie française. Etat des lieux...

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Ce sont 2 photos  de presse reçues à la rédaction de France 3 Lorraine, envoyées par les entreprises sidérurgiques allemandes Saarstahl AG et les hauts-fourneaux de Dillingen. Elles mettent à l’honneur les apprentis. Deux groupes de jeunes gens habillés aux couleurs de l’entreprise et brandissant un panneau avec le mot Zukunft qui signifie "avenir" en allemand.

Vu de Lorraine, ces photos invitent à réfléchir…

Après le coup de massue de l’arrêt de la phase liquide à Florange par ArcelorMittal en septembre 2011 et la longue lutte sociale qui s’en est suivie ces 2 clichés ont une étrange pour ne pas dire une douloureuse résonance ici en Lorraine et en particulier à Florange.
100 Kms séparent la  vallée de la Fensch de la Sarre: Une heure d’autoroute mais des années-lumière en termes de politiques industrielles et sociales.

Nous avons souhaité faire réagir les représentants syndicaux du site lorrain à ces clichés.

Lionel Burriello, secrétaire général C.G.T., ArcelorMittal Florange

"Un commentaire assez évident et qui permet de montrer les choix politiques préconisés pour relancer la croissance, ici de l'acier en Europe.

Deux choix :

  • Chez nous l'austérité avec la réduction de la masse salariale et des aides publiques à outrance pour que nos entreprises ou groupes soit plus compétitifs ( soit disant).
  • Là-bas une politique de croissance basée sur la relance et la consommation avec une visibilité sur le long terme en passant par les embauches et les investissements.

Ces photos nous donnent  des éléments supplémentaires qui prouvent une fois de plus que la crise de la demande  d'acier en Europe est derrière nous . C'EST UN FAIT. Malheureusement, le texte qui accompagne les photos nous démontre aussi que cette crise a été et aujourd'hui est gérée de façon diamétralement opposé suivant les pays et les groupes producteurs.

L'Allemagne protectionniste mise sur l'avenir en embauchant ou formant de nouveaux jeunes, futurs professionnels dans la production d'acier. Elle  sera armée pour faire face à la demande ou à la qualité produite lorsque la conjoncture sera en croissance significative. Sans nul doute que face aux marchés elle sera, par cette méthode, compétitive et aura gérer au mieux sa transition économique et sociale.

La France qui mène une politique d'austérité préconise le choix d'aider les groupes comme Mittal avec des crédits d'impôts sur tout et des pactes de responsabilités sur rien aux pré-requis énormes qui n'engagent rien de concret sur l'avenir  avec toujours aucune garanties en contrepartie.
Les conséquences sont dramatiques puisque toutes ces aides Publiques ne favorisent en rien la relance, l 'embauche et les investissements.
Pire, ces aides servent uniquement à rincer plus les actionnaires et ou à réduire les budgets alloués à l'investissement ou la recherche.

La France fait figure de bonne poire. L'Allemagne montre que c'est elle qui à les rênes en main et conserve sa capacité à s'affirmer face aux géants de l'acier.
Dure réalité.
Surtout quand politiquement parlant nous avons en France un gouvernement dit de gauche et en Allemagne une chancelière de droite.
Va comprendre Charles !
"

Frédéric Weber, secrétaire-général adjoint F.O. Florange, ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (AMAL)

"Quoi de plus beau que de voir des jeunes reprendre le flambeau de nos si beaux métiers de l'Acier.
En allemagne comme en France l'apprentissage est une formidable aventure humaine pour le transfert des savoirs entre les génèrations.

Cependant il semble que les métiers de l'Acier attirent plus Outre-Rhin . Une question d'Image et d'avenir professionnel...
En France il faut améliorer l'image des métiers ou "la main" peut être un outil.

Mais si l'apprentissage est plus porteur en Allemagne c'est aussi que les embauches en fin de cursus de formation sont beaucoup plus importantes. En France trop d'entreprises utilisent l'apprentissage comme un moyen et non un but.
Se recentrer sur de vrais projets industriels, investir à long terme sur le capital humain doivent re-devenir, plus qu'aujourd'hui, la priorité des industriels.
Il en va de l'avenir de notre savoir faire "Made in France".
"




Jean-Marc Vécrin, délégué central CFDT, ArcelorMittal Atlantique-Lorraine (AMAL)

"Bien évidement que la Cfdt approuve et milite en ce sens, les apprentis c'est l'avenir, mais faut-il encore les embaucher au final.
Une première avancée a été actée au sein d'Atlantique et Lorraine (AMAL, NDLR) au travers de l'accord égalité professionnel  où la CFDT a exigé un minimum d'embauche d'apprentis a la fin de leur cursus.

Le problème est toujours le même : c'est que les autorisations d'embauches se font à Londres et aujourd'hui on n'a à Florange que l'autorisation d'embaucher des cdd. Contrairement à Dunkerque
."



Xavier Le  Coq, CFE-CGC ArcelorMittal

"C'est l'iIlustration de la différence avec laquelle est menée la politique d'apprentissage entre la France et l'Allemagne : perçue plutôt comme voie de garage en France alors que très développée et valorisée en Allemagne (et depuis longtemps), en particulier pour l'apprentissage au niveau ancien BEP et BAC pro (en France, c'est mieux pour BAC + 2 jusqu'à BAC + 5).

L'autre sujet, c'est l'image de marque de l'industrie en France (j'écris industrie pas sidérurgie volontairement) : nos adolescents sont beaucoup moins attirés par l'industrie que chez nos voisins allemands, mais faut dire que l'Allemagne a gardé une véritable industrie alors que la France la laisse partir depuis plus de 20 ans.

Exemple : nous n'avons pas réussi à trouver en cette rentrée 2014 suffisamment de jeunes pour remplir tous les postes proposés au CEFASIM à Yutz !

Et en France on voit plus sur les médias nationaux des pneus/palettes qui brulent devant les usines que des innovations hightech (mais ca commence à changer).
Effectivement l'industrie en France souffre de l'image de pneus brûlés et licenciement (alors qu'il n'y en a pas chez ArcelorMittal France par exemple) et c'est un réel mauvais point pour attirer des jeunes. En 1991 j'allais déjà dans les lycées pour expliquer que l'usine ce n'est pas que çà...

Mais peut être aussi que notre stratégie de recrutement n'est pas la bonne. L'Allemagne prend des apprentis pour en faire des techniciens alors que nous, on les destine à travailler en production (en tous cas ce sont ceux-là qui manquent à l'appel dans nos CFA). Il faudrait peut être embaucher en production des personnes de 35/45 ans (qui sont installées et ont besoin d'assumer leur charges, sachant qu'en travaillant, on évolue) et des jeunes apprentis dans les métiers plus "intéressants" à priori pour eux au départ tout au moins ... De plus, il existe très peu de classes de préparation à ces métiers de la production en industrie, ce qui alourdit la notion de métier bas de gamme ... A méditer !
"

Ironie de l’histoire

En 1993 Saarstahl AG était donnée pour moribonde par son actionnaire principal qui n’était autre que…. Usinor-Sacilor. Aujourd’hui elle se porte comme un charme.

Autre exemple éclairant.
Avec mon collègue Emmanuel Bouard nous avons rencontré en 2012 le sidérurgiste autrichien Voestalpine.
Son usine produit des aciers haut de gamme. Elle pourrait être la jumelle de celle de Florange
. Lorsque nous nous sommes étonnés de voir la réfection complète d’un haut-fourneau en pleine crise et la hauteur des investissements la réponse des dirigeants fût la suivante : "Il faudra que nous soyons prêts pour la reprise."

Il est légitime de s’interroger sur les raisons qui a poussé en France les gouvernements successifs et les industriels à sacrifier des pans entiers de l’outil industriel.

Voilà 35 ans à Longwy (Meurthe-et-Moselle), le carnage économique, social et culturel a été total… les responsabilités jamais pointées. A l’heure où sont rasés les derniers vestiges (voir photo ci-dessous) de la STUL (Société du Train Universel de Longwy), ne restent, dans ce qui fut un des plus puissants bastions industriels de France, que des friches avec au milieu un grand point d’interrogation...

 

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