"C'est comme si on avait voulu décimer ce cimetière, en faire un terrain vague" : la communauté juive locale affichait lundi son dégoût et sa consternation après la profanation de plusieurs centaines de tombes juives à Sarre-Union.
"Les pierres sont fracassées, les plaques de marbre sont brisées, les grès sont disloqués. Certaines ont roulé en contrebas", se désole Jacques Wolff, membre de l'une des "deux dernières familles juives" de Sarre-Union et qui a été parmi les premiers dimanche soir à venir constater les dégâts. Cette profanation est la plus importante dans un cimetière juif en France depuis près de 25 ans.
Aménagé vers 1780, un peu à l'écart de ce bourg situé à environ 80 km de Strasbourg, le cimetière juif de Sarre-Union s'étire le long d'une pente, entre une voie ferrée et la berge de la rivière Sarre. Lundi matin, les enquêteurs de la gendarmerie, affairés à relever d'éventuels indices, en avaient bloqué les accès, y compris aux familles venues se renseigner sur l'état des sépultures de leurs proches. Vers 1900, Sarre-Union comptait encore environ 500 résidents juifs, soit 20% de la population de l'époque. Mais depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la communauté juive dans ce bourg d'environ 3.000 habitants s'est réduite à seulement deux familles.
"La 6e fois depuis la guerre"
"C'est la 6e fois depuis la guerre" que ce cimetière est vandalisé, calcule M. Wolff. "Mais c'est la première fois qu'il y a autant de tombes déchiquetées, renversées, fracassées, avec autant de violence", commente le riverain, dont les proches sont enterrés ici. "Ca a été fait de manière systématique, avec beaucoup de méthode", déplore encore M. Wolff, observant que le ou les profanateurs ont en outre détruit un monument en mémoire des victimes de la Shoah. "L'émotion est palpable, tout le monde est attristé et dégoûté par ce qui est arrivé", souligne le maire, Marc Séné, devant l'une des entrées du site gardée par les gendarmes.Plusieurs familles, dont les proches sont enterrés à Sarre-Union, s'étaient déplacées lundi matin pour tenter de constater les dégâts. "Je suis dévastée, ma fille n'en a pas dormi", affirme Martine Lambert, qui vient régulièrement à Sarre-Union sur la tombe de ses parents. "On est dans un état second, on se demande jusqu'où ça ira. On ne peut plus faire un pas dans un lieu juif sans protection. C'est quand même triste, alors qu'on se sent français avant tout", ajoute cette dame qui réside à quelques kilomètres. "On a l'impression d'être des victimes permanentes", souligne Georges, son mari.
Le président François Hollande, appelant la communauté nationale au "sursaut" face à l'antisémitisme, a annoncé qu'il pourrait prendre part mardi à une cérémonie de recueillement sur place, "si les conditions sont réunies" sur le plan de l'enquête. Cette cérémonie devrait réunir des représentants de la communauté juive d'Alsace et des officiels de la région, a indiqué de son côté le Grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin, René Gutman.
Jusqu'à la Révolution, a expliqué M. Gutman, les communautés juives d'Alsace étaient "en grande partie rurales" car les juifs n'étaient pas autorisés à vivre dans les villes comme Strasbourg, ni à y enterrer leurs défunts. "Ce qui explique la présence de nombreuses communautés et cimetières dans les communes rurales" de la région, et ce qui explique "l'isolement" de ces cimetières et "malheureusement la grande facilité qu'il y a à y faire des saccages ou des destructions".