En Champagne-Ardenne comme partout en France, les juridictions chargées d'examiner le droit des entreprises avaient leurs portes closes ce lundi 11 mai 2015. La discorde porte sur le projet de confier à des tribunaux spécialisés les contentieux concernant les grandes sociétés.
Plus de 98% des tribunaux ont suspendu leurs audiences aujourd'hui", soit "près de 130 tribunaux de commerce sur 135", a assuré à l'AFP
Yves Lelièvre, président de la Conférence générale des juges consulaires. Les juridictions de Sedan, Troyes, Reims ou encore Châlons-en-Champagne ont pris part à ce mouvement. Une manifestation nationale a réunie à Paris les juges, avocats, notaires, huissiers, ou encore les commissaires priseurs et les gréfiers de toute la France.
Les dossiers champardennais bientôt traités à Paris ?
Selon M. Lelièvre, la Conférence n'est pas hostile par principe à la délocalisation de certains dossiers importants, mais s'inquiète du seuil qui déclenchera le transfert automatique d'une affaire vers une autre juridiction. Ces seuils doivent être déterminés par décrets, mais le gouvernement envisage de les fixer à 150 employés et 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, des bornes que la Conférence juge trop basses.
Dans cette hypothèses, les contentieux touchant les grosses entreprises de la région ne seraient donc plus traités en Champagne-Ardenne, mais certainement dans l'enceinte de juridictions spéciales, très certainement hébergées en Ile de France.
"Que les grandes entreprises soient traitées par des tribunaux spécialisés, pourquoi pas, mais à condition qu'ils soient suffisamment nombreux sur le territoire et que les tribunaux de proximité continuent à s'occuper des entreprises de taille moyenne", estime M. Lelièvre.
Un seuil de 250 salariés ?
Selon lui, certains patrons devront faire "200 ou 300 kilomètres", à cause de la réforme, pour régler leur contentieux. Un coût important "en temps" et "en argent", surtout pour les entreprises en difficulté. La Conférence réclame ainsi l'insertion dans la loi Macron d'une référence à la classification des entreprises de la loi de modernisation de l'économie (LME) de 2008, soit un seuil de 250 salariés. Elle demande aussi que le nombre de tribunaux spécialisés soit fixé à 15 et non huit.
"A ce stade, aucun seuil n'a été décidé par le gouvernement. Ils seront déterminés ultérieurement par voie de décret", assure de son côté le ministère de l'Economie, qui conteste également le chiffre de huit tribunaux avancé par la Conférence des juges consulaires.
"La réforme consiste à spécialiser certains tribunaux de commerce existants pour gérer les dossiers de redressement judiciaire les plus complexes. On parle d'une petite centaine de dossiers par an sur les 63.000 redressements judiciaires opérés chaque année", ajoute Bercy.
Le Sénat a validé mercredi lors de l'examen du projet de loi la création des très controversés tribunaux de commerce spécialisés, mais en proposant, contre l'avis du gouvernement, que leur compétence ne soit automatique que pour les entreprises de plus de 250 salariés. Le texte doit être voté solennellement mardi avant de retourner devant l'Assemblée nationale.
(avec AFP)