C'est un témoignage poignant que Valérie Guillaume, la mère d'Anaïs, a livré à la barre de la cour d'assises de Reims ce mercredi.
Des pleurs, sur le banc des parties civiles et dans le public. Valérie Guillaume est la première à se présenter à la barre de la cour d'assises de Reims ce mercredi 14 avril. Il faut dire que ce deuxième procès est loin d'être facile pour la famille Guillaume. D'abord, il y a eu la première instance. Avec les affirmations de l'accusé, Philippe Gillet, qui assurait qu'Anaïs était partie, qu'elle avait refait sa vie. Le corps de la victime n'avait pas encore été découvert. Enfin, Philippe Gillet était reconnu coupable de meurtre, et non d'assassinat. Joie. Mais le parquet fait appel. La peine de 22 ans de réclusion criminelle qui vient d'être prononcée n'est pas reconnue par le code pénal.
Deux ans plus tard, quasiment huit ans jour pour jour après la disparition d'Anaïs, la famille Guillaume se tient sur les bancs des parties civiles. Pour la seconde fois. C'est Valérie qui prend la parole. Droite, le ton assuré, elle commence par dresser un portrait tendre de sa fille, qui possédait "une joie de vivre" et une "passion inconditionnelle pour les animaux".
Puis arrive le moment où Anaïs signe un contrat dans l'exploitation de Philippe Gillet, qui comparait à nouveau pour assassinat. Elle finit par apprendre que sa fille a une liaison avec son employeur. "Au début tout allait très bien, se souvient Valérie Guillaume. Mais j'étais farouchement en colère face à cette relation. Je lui ai dit cet homme est marié, il a deux enfants, ça ne mènera à rien."
Une plainte contre Philippe Gillet déposée en 2012
Elle revient sur les violences commises par Gillet sur Anaïs. La plainte déposée en 2012. Elle détaille longuement les nombreux harcèlements dont Anaïs est victime, quand elle essaie de s'éloigner de l'exploitant. Elle trouve un emploi dans une supérette. Philippe lui rend visite tous les jours. La gérante lui fait remarquer que "c'est pas un salon de thé ici". Il jette une pelle et une pioche sur la caisse. "Je suis client maintenant", affirme-t-il, dédaigneux. "Elle ne pouvait pas garder Anaïs dans ces conditions, elle a mis fin à son contrat", conclut Valérie.
Mère et fille ne s'entendent plus, mais ne rompent pas les liens pour autant. "Comme on se disputait beaucoup, monsieur Gillet a convaincu Anaïs de prendre un appartement en se portant garant, se souvient la mère de famille. C'est bon, il l'avait définitivement sous son emprise." Valérie et Fabrice Guillaume se rendent quand même dans l'appartement d'Anaïs. "On est venu voir dans quelles conditions elle vivait. Madame la juge, je vous le dis, elle n'avait même pas un lit pour dormir. Elle dormait sur un sommier en métal. C'est mon mari et moi qui sommes allés chez But pour lui acheter un lit", raconte-t-elle, un trémolo dans la voix.
Il l'a détruite, salie, humiliée, fait d'elle son objet sexuel.
"Il faut penser à mon mari"
Sur le banc, son mari glisse son visage dans sa main. Ce mercredi, Fabrice Guillaume ne fera qu'une brève déposition à la barre. "C'est très difficile pour lui", prévient son avocat. Avant lui, c'est son épouse qui tente de retranscrire son désarroi. "Il faut penser à mon mari, souligne Valérie. Quand Anaïs a disparu, il a été obligé de continuer à travailler. Il se lève tous les jours à 4 heures du matin pour se rendre sur son lieu de travail. Il roule pendant une heure à l'aller, seul dans son véhicule, et une heure au retour. Une heure aller, une heure retour durant lesquelles il ne pensait qu'à une chose : pourquoi ne suis-je pas en train de chercher ma fille ? C'était sa hantise."
Alors, quand les Guillaume ont vent que des fouilles ont lieu sur l'exploitation de Philippe Gillet, Fabrice accourt. "L'avocat nous appelle et nous dit qu'on a retrouvé le corps d'Anaïs. Dans des conditions que jamais, je n'aurais aimé connaître. Mon mari était sur les lieux. A l'écart, car il n'avait pas le droit d'être là. Même de là où il se trouvait, il était sûr que c'était notre fille, sous le tas de fumier."
Depuis le début de ce procès en appel, la salle est clairsemée. Mais souvent, ce sont les bancs qui se trouvent derrière la partie civile qui sont occupés. "Quand on l'a retrouvée, Anaïs était dans un état de... de putréfaction", poursuit Valérie Guillaume. Le débit s'accélère. La voix se tord. Des pleurs se font entendre dans la salle. "En plus avec le covid, il n'y avait pas de place pour elle. Pas de chambre funéraire. Quand nous sommes arrivés, elle était dans une petite salle, à l'écart." A l'évocation de ces derniers instants, les proches n'arrivent plus à se retenir. "La dernière image qu'on a vue de notre fille, ce sont des ossements !", s'écrit la mère de famille. "Je sais pas si vous pouvez vous imaginer que dans ce cercueil, je n'ai pas embrassé ma fille, j'ai embrassé un crâne !"
Elle marque une pause. La cour est suspendue à ses lèvres. "Alors aujourd'hui, si on peut rendre la dignité à ma fille... Pour qu'elle puisse reposer en paix, avec sa dignité." Après 45 minutes de déposition, la présidente du tribunal propose à Valérie Guillaume de suspendre l'audience. "Ça va aller, je veux continuer, assure-t-elle en relevant la tête. Si vous avez des questions, je suis prête." Les questions seront brèves. Désormais, la cour se focalise sur les circonstances du décès de Céline Gillet, l'épouse de l'accusé.