Les parents de Corentin estiment que le Conseil de l'Ordre départemental était au courant des difficultés du médecin qui a mené l'opération. Ils demandent des comptes, sept ans après la mort de leur enfant au CHU de Nancy des suites d'une opération de l'appendicite débutée à Metz.
"Le Conseil de l'Ordre était au courant". Pour le père de Corentin, Pierre Jeras, le doute n'est pas possible. Vendredi 20 août 2021, il affirme que le conseil de l'Ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle ne pouvait pas ignorer les soucis que rencontrait le docteur Salah Benlahrir dans le cadre de son activité professionnelle.
Le chirurgien, qui a mené l'opération de l'appendicite fatale à Corentin, le 2 novembre 2014 à la clinique Claude-Bernard de Metz (Moselle), aurait indemnisé une dizaine de ses patients dans l'année qui a précédé l'événement. "J'ai appris, de la bouche d'un chirurgien viscéral de Nancy, qui avait apparemment réparé plusieurs conneries de son confrère [le docteur Benlahrir], qu'il y avait plusieurs cas", raconte Pierre Jeras.
Sanctions tardives
Pour le père, le conseil de l'Ordre n'a pas fait son travail et aurait du suspendre son médecin. "Lorsqu'un médecin est dangereux, il est du devoir de l'Ordre de prendre des mesures et, le cas échéant, de le suspendre", estime Pierre Jeras. Le docteur Benlahrir a été sanctionné par l'Ordre des médecins en 2016, et interdit d'exercer la médecine pendant trois ans. Le docteur Chipponi, qui a également participé à l'opération, a écopé de deux ans de suspension. Trop tard, pour les parents de Corentin. "Corentin serait encore là" si des sanctions avaient été prises plus tôt.
Le conseil de l'Ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle n'a pas encore répondu à nos sollicitations.
"On n'a pas grand-chose à gagner dans cette affaire. Ce qui est important, c'est qu'il n'y ait plus de petit Corentin", résume Pierre Jeras. Sept ans après le décès de son fils, il constate amèrement que l'affaire progresse lentement. "Cela fait des années qu'on mène une guerre médico-judiciaire où règne l'omerta, la loi du silence, où tout le monde se protège."
Pour les parents, le combat judiciaire continue. Ils souhaitent que le directeur de la clinique Claude-Bernard, ainsi que d'autres intervenants de l'opération, soient jugés pour homicide involontaire. En 2020, le Parquet de Reims avait déjà renvoyé les chirurgiens Salah Benlahrir et Pierre-Noël Chipponi devant la chambre correctionnelle pour homicide involontaire.