Alsace - "Avant les vinyles, c’était pour les punks, maintenant, c’est pour les riches" : les disquaires en colère

Au mois de mars, les trois principales majors françaises ont annoncé une augmentation des prix de vente des vinyles. Les disquaires alsaciens parlent de "suicide commercial" et tiennent le coup avec leurs stocks.

Warner, Sony et Universal, les trois grandes majors françaises ont fait vibrer le monde musical au printemps dernier. En cause : la flambée des prix des disques vinyles, un secteur de niche qui connaît depuis plusieurs années un regain de taille. Crise du coronavirus, hausse du prix des matières premières... autant de raisons invoquées par les majors, incompréhensibles pour les disquaires.

En Alsace, les indépendants ont tous fait leurs réserves avant l'entrée en vigueur des nouveaux tarifs le 5 juillet (quatre euros de plus sur un disque en moyenne). Ils craignent de perdre leurs nouveaux clients, surtout les plus jeunes.

"Nous, à l'époque, on pouvait se payer un 45 tours"

Dans les rayons de 33 and Co à Strasbourg, les secousses des grandes majors ne se font pas encore sentir. "On n'a pas eu d'explication, ils nous ont dit d'en profiter pour faire nos stocks avant. C'est tout ce qu'on déteste, tout ce contre quoi on se bat. Ils en profitent pour faire des marges, voilà tout", lance Jacques, exaspéré. Dans sa boutique, les vinyles affichent un prix moyen de 23 euros, mais bientôt, ils vont passer à 26 euros. Les disques doubles passeront quant à eux de 40 à 50 euros.

"Les prix ont vraiment explosé, on est entre 10 et 150% d'augmentation. Maintenant, on va voir si ça va durer. Je ne suis pas en panique, je suis surtout dégoûté pour les jeunes. Nous, à l'époque, on pouvait se payer un 45 tours." Les jeunes, c'est-à-dire sa nouvelle clientèle au petit pouvoir d'achat, celle qui s'intéresse de plus en plus au "vintage" et donc aux vinyles. Car pour les habitués, la hausse des prix ne changera pas grand chose selon lui. "Avant les vinyles c’était pour les punks, maintenant c’est pour les riches, les golfeurs", poursuit le gérant. 

"C'est un suicide commercial"

D'autant plus que les majors se sont attaquées aussi bien au fonds de catalogue qu'aux nouveautés. "Ce qui m'inquiète, c'est les vacances de Noël, c'est à ce moment qu'on vend les disques les plus connus", explique David Thiriet, gérant de la boutique Locked Grooves à Strasbourg depuis six ans. Pour se préparer à la hausse des prix, il a fait 2.000 euros de stock, soit l'équivalent de deux mois d'achat. Et pourtant, les disques de majors représentent seulement 20% des produits de sa boutique. Tout le reste vient de labels indépendants.

"Pour moi, ça ne vaut plus le coût d'en racheter. Une fois que je n'aurai plus de stock, ça sera fini, le disque sera seulement disponible sur commande. En vendant un disque à 25 euros au lieu de 12,50, je fais cinq euros de marge, ce n'est pas assez." David Thiriet parle même de "suicide commercial", alors qu'il a l'habitude d'acheter à l'étranger, la hausse des prix en France n'est pas justifiée. "Avec le Brexit, il y a la taxe d'importation, on comprend. Mais là, les majors ont vu que les vinyles fonctionnaient alors elles tuent le business, c’est ce qu’elles ont fait avec le CD." Chez les disquaires indépendants, les retours ne sont pas possibles, alors soit le disque se vend, soit l'argent est perdu.

Des prix en hausse, du neuf à l'occasion

De leur côté, ceux qui ne travaillent pas avec les majors françaises regardent le spectacle. Eric Barraud tient le magasin Les échos du rock depuis six ans à Guebwiller (Haut-Rhin), spécialisé dans les disques rock et hard rock, il importe de nombreux vinyles. "On a les mêmes disques achetés en Angleterre, aux Pays-Bas ou en Allemagne moins chers que ceux vendus en France. Avant, le prix moyen d'un disque c’était quelques centimes, il ne faut pas exagérer."

Et cette hausse entraîne même avec elle les vinyles vendus d'occasion. "C'est mécanique, parce que le neuf augmente, l'occasion suit le rythme", explique Jacques de 33 and Co. Mais selon lui, ce changement ne devrait pas se faire du jour au lendemain, les disquaires ayant encore tous du stock. 

Alors que le Gredin, le syndicat professionnel des disquaires indépendants français, annonçait un destin funeste dans son dernier communiqué de presse, Warner a déjà fait marche arrière sur la hausse des disques de certains artistes français.

 

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