Alsace-Moselle. 52% des habitants opposés au Concordat selon un sondage

Un sondage de l'Ifop commandé par le Grand Orient de France, partisan de la laïcité, indique que 52% des habitants d'Alsace-Moselle sont favorables à l'abrogation du Concordat. Un résultat en partie faussé par l'affaire du financement de la mosquée Eyyub Sultan à Strasbourg, d'après un spécialiste.

78% de sondés contre le Concordat à l'échelle nationale: une donnée qui n'a rien étonnant. Ce qui interpelle davantage en revanche, c'est que 52% des Alsaciens-Mosellans, directement concernés, seraient également favorables à l'abrogation de ce régime, régissant les rapports entre l'Etat et les religions, hérité de Napoléon. 

C'est le principal enseignement de l'enquête d'opinion réalisée par l'Ifop et publiée ce mardi 6 avril à la demande du Grand Orient de France, chantre historique de la laïcité. Le sondage a été commandé à la suite de "la récente attribution d’une subvention publique de 2,5 millions d'euros pour le financement de la mosquée Eyyub Sultan à Strasbourg", peut-on lire sur le site de l'institut de sondage.

La dimension patrimoniale des édifices pas prise en compte

Pour Francis Messner, spécialiste strasbourgeois du droit des religions et directeur de recherches au CNRS, la proximité de cette actualité ne permet pas d'analyser ce résultat avec le recul et l'objectivité nécessaires.

Pour rappel, cette affaire de la mosquée a défrayé la chronique jusqu'au sommet de l'Etat. Le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin a condamné la mairie de Strasbourg, prête à financer "une mosquée soutenue par une fédération qui a refusé de signer la charte des principes de l'islam de France."

"Il est clair que cet épisode très polémique ne peut que biaiser, au moins en partie, les chiffres. Dans la manière d'aborder le Concordat, cela me paraît problématique car le sujet est complexe", explique Francis Messner.

Les sondés se sont ainsi vu poser la question de la participation financière de l'Etat et des collectivités à la construction d'édifices religieux et au salaire des ministres des cultes. "C'est précisément à cela que se montrent défavorables les gens. Nulle part ne sont évoqués l'entretien des bâtiments, l'enseignement religieux à l'école ou les aumôneries. Or, le Concordat c'est aussi cela, explique le spécialiste. Si on avait intégré ces éléments, les résultats auraient sans doute étaient différents car il y aurait eu une dimension patrimoniale qui n'apparait pas dans le présent sondage."

Des jeunes détachés et moins critiques à l'égard des religions

Preuve selon Francis Messner que le débat est hystérisé par la récente affaire autour de la mosquée située dans le quartier de la Meinau, 81% des 801 personnes interrogées en Alsace-Moselle sont opposées à "la décision de la mairie de Strasbourg d’octroyer cette subvention", peut-on encore lire sur le site de l'Ifop.

A noter que les partisans d'une application stricte de la loi de séparation de Église et de l'Etat de 1905 et non appliquée en Alsace-Moselle appartiennent davantage à une "frange aisée de la population". "C'est la preuve que la sécularisation de la société gagne du terrain."  Les athées, à 69%, sont aussi sans surprise plus favorables à une suppression du Concordat que les croyants, qui ne le sont qu'à 43%.

Paradoxe pourtant, les 18-24 ans sont ouverts à un financement public des cultes à 53%, 46% des 25-34 ans, 33% des 35-49 ans ou 21% des 50-64 ans. "A mes yeux, cela signifie simplement que les jeunes sont détachés du religieux, analyse Francis Messner. Que l'on finance un culte ou non leur est égal, il n'y pas d'attitude critique parce que, contrairement à des générations plus anciennes, l'éducation s'est faite loin du champ religieux, des paroisses, des traditions."

Ne pas confondre Concordat et droit local

En clair, si le sondage reflète bien l'état d'esprit d'une population échaudée par les polémiques récentes, il est important de pas tirer de "conclusions hâtives". Le professeur strasbourgeois rappelle également qu'il faut bien distinguer le Concordat du droit local également encore en vigueur en Alsace-Moselle.

Cette spécificité juridique encadre une série de lois votées sous l'annexion allemande. Les plus célèbres concernent le régime complémentaire de l'assurance-maladie et les jours fériés du Vendredi saint et de la Saint-Etienne, le 26 décembre. Autant d'exceptions auxquelles sont très attachés les habitants des trois département concernés.

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