En Alsace comme ailleurs, les entreprises techniques du spectacle éclairent en rouge leurs bâtiments jusqu'au 18 septembre. Très impactées par les conséquences économiques de la pandémie de covid, elles appellent les pouvoirs publics au secours pour sauver leurs emplois et leur outil de travail.
Le rouge est mis, mais pas pour signaler que "ça tourne" comme dans un studio d'enregistrement. Au contraire, ça ne tourne plus du tout pour les professionnels du spectacle. La situation est si dramatique pour eux qu'ils en appellent aux pouvoirs publics et aux décideurs politiques avec une "alerte rouge". Leurs salles de spectacles et autres édifices culturels sont éclairés de cette couleur pendant cinq jours, du 14 au 18 septembre.
Parmi ces professionnels, les prestataires techniques qui font la sonorisation, l'éclairage, la vidéo, construisent et installent les structures, les décors, la régie etc. sont particulièrement touchés, puisqu'ils sont à l’arrêt total depuis le début du confinement. De surcroît, ils n'ont aucune perspective de réelle reprise à court terme.
Le spectacle vivant va-t-il mourir ?
En ce mois de septembre 2020, une entreprise sur deux serait menacée de fermeture dans les six mois, suite à l'effondrement de son chiffre d'affaires, selon le syndicat Synpase (Syndicat des prestataires de services de l’audiovisuel scénique et événementiel) : "D’après une enquête très récente, 60% des prestataires techniques envisagent de devoir licencier, quand 53% estiment le risque de dépôt de bilan élevé ou très élevé dans les mois à venir." Mais si on laisse disparaître ces entreprises, que deviendra le matériel ? Sera-t-il dispatché, vendu et à qui ?Que deviendra le personnel ? Quand viendra la reprise, qui sera en mesure d'assurer le son, la lumière, la déco etc? Beaucoup de questions et peu de réponses pour les professionnels du spectacle en pleine crise économique et sociale."Les gros qui ont l'argent vont tenir, mais les petits vont sombrer...A quoi ressemblera le monde d'après, s'il n'y a plus que des grosses structures?"
Julien Picard est le président de l'association strasbourgeoise dirty8-La maison bleue et gérant de la société de régie technique du spectacle D8K. Si l'association tourne grâce à des bénévoles, son entreprise est à l'arrêt complet et ses neuf employés au chômage technique. "Normalement en septembre, on devrait déjà pouvoir préparer les spectacles de mars, avril, mai de l'année prochaine, mais on ne sait pas s'il y aura des festivals et des spectacles en 2021. Le gouvernement fait son travail, mais nous on est coincé" se désole-t-il. "Si on ne commence pas à travailler, on n’aura rien pour 2021. J’ai un employé qui va quitter le métier. Il va changer de vie, car le chômage partiel ça va un temps, mais ne rien faire et ne pas savoir si l’on peut à nouveau exercer son métier et quand, c’est angoissant. »"Nous demandons solennellement au gouvernement la mise en place d’un plan de soutien spécifique aux très petites et moyennes entreprises de l’événementiel et du spectacle, afin de nous permettre de sauvegarder nos outils de travail et nos emplois."
Lâcher du lest pour accueillir à nouveau le public
La maison bleue est un club qui fonctionnait très bien avant le covid, selon son propriétaire. "Nous avons donc investi 300.000 euros en 2019. Aujourd'hui on a les traites à payer et pas d’argent qui rentre. Nous avons droit aux prêts garantis par l'Etat pour maintenir les emplois, mais du coup l'endettement de nos entreprises est énorme. Normalement notre secteur d'activité génère 1 milliard d'euros par an et là c'est toute une branche qui est en train de mourir. Il faut absolument lâcher du lest au niveau des réglements, car si je dois respecter les distanciations physiques, je dois jouer pour vingt-cinq personnes debout, en respectant quatre mètres entre deux.""La ville de Strasbourg et le département sont conscients de la situation et nous soutiennent, mais leur aide va nous faire tenir un temps seulement. Avec 5.000, 10.000 ou 15.000 euros, ça va nous faire durer un peu, mais pas longtemps. Il faut que nous puissions retravailler".