Le cornichon fait son retour en Alsace. Pierre Maurer, agriculteur à Dorlisheim (Bas-Rhin), est en pleine récole de ses condiments bios depuis fin juin. Avec l'entreprise Alélor, il espère reconstruire une filière régionale, alors que plus de 90 % des cornichons consommés en France viennent d'Inde.
Après une vingtaine d'années sans champ de cornichons en Alsace, Pierre Maurer vient de réintroduire la culture, à Dorlisheim (Bas-Rhin), sur cinq hectares de terres. L'agriculteur l'avait abandonnée au milieu des années 1990, incapable de concurrencer les prix allemands. "Mais l'instauration d'un salaire minimum en Allemagne nous permet d'être à nouveau compétitifs", assure-t-il.
Pour se démarquer, il a fait d'entrée le choix de la qualité et opté pour des cornichons bios. La récolte a démarré fin juin, à l'aide de deux machines ultramodernes uniques en France dans lesquelles il a investi plusieurs centaines de milliers d'euros. 150 tonnes sont espérées à l'issue de cette première année. Les ouvriers cueillent le condiment, couchés à plat ventre sur un large tapis surélevé (voir post Facebook ci-dessous). "Grâce à cette machine, on ne piétine pas les feuilles, explique-t-il. Le rythme est régulier, les cornichons sont directement déposés sur un tapis roulant, les employés n’ont pas besoin de soulever et vider des seaux en multipliant les aller-retours. C’est beaucoup mieux ainsi."
Les cornichons sont pour l'heure envoyés dans le Loir-et-Cher pour être mis en bocaux sous les trois jours. Le groupe Reitzel qui s'en occupe travaille déjà avec un réseau d'agriculteurs du Pays-de-la-Loire et du Centre-Val-de-Loire.
En 2016, ils ont décidé de reconstruire la filière française alors que plus de 90 % des cornichons consommés en France proviennent d’Inde. Le reste de Turquie, d'Europe de l'Est et d'Allemagne. Sur les 30.000 tonnes dévorées par les Français, seules 400 sont produites dans le pays.
Un projet de conserverie en Alsace
Pierre Maurer veut faire pareil dans la région et même aller plus loin, en construisant sa propre conserverie pour des cornichons 100 % alsaciens : "Nous voulons assurer nous-mêmes la transformation pour que nos clients voient ce qu'on fait, qu'ils comprennent notre travail, qu'ils aient envie d'acheter chez nous. Aujourd'hui, ils ont besoin de voir. Sur le bâtiment que nous avons déjà construit, nous avons ainsi installé des baies vitrées...".
Il porte son projet avec Alain Trautmann et l'entreprise Alélor, basée à Mietesheim (Bas-Rhin), qui vendra la grande partie de sa production. Alain Trautmann espère écouler 50.000 bocaux de cornichons bios alsaciens cette année, soit 10 % de ses ventes totales de cornichons, jusqu'à présent essentiellement cultivés en Allemagne. S'orienter vers le local est pour lui aussi un moyen de répondre aux attentes de ses clients.
Alélor veut ainsi reproduire sa stratégie développée pour la moutarde. En 2008, Alain Trautmann a décidé de relancer la filière en Alsace, en mobilisant des agriculteurs autour de lui. D'abord un, puis trois, puis cinq, et quinze aujourd'hui. Si bien que les trois quarts de sa moutarde sont aujourd'hui fabriqués à partir de graines récoltées dans la région.