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80 ans du droit de vote des femmes : pourquoi l'Alsace se retrouve au cœur de cette célébration

Il aura fallu attendre le 21 avril 1944 pour que les femmes françaises obtiennent le droit de vote et d'éligibilité. Louise Weiss, a été l'une des premières à revendiquer ce droit. Le parcours étonnant de cette femme se découvre à Saverne dans le Bas-Rhin, ville dans laquelle elle n'a jamais vécu, mais à qui elle a tout légué.

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Elle est née le 25 janvier 1893 à Arras (Pas-de-Calais). Elle a vécu quasiment toute sa vie à Paris, lieu où elle décède en 1983 à l'âge de 90 ans. Et si sa famille a des origines juives alsaciennes, elle n'a jamais vécu dans la région.

Louise Weiss s'est battue toute sa vie pour la paix en Europe et pour l'obtention du droit de vote des femmes françaises. Droit que les Françaises furent parmi les dernières à obtenir en Europe, en 1944. Elles ont pu voter pour la première fois aux élections municipales du 29 avril 1945. Seulement 17 femmes sont devenues maire ; une seule d'une grande ville de France : Odette Roux, institutrice communiste aux Sables-d'Olonne (Vendée).

Louise Weiss, elle, n'a été élue qu'une seule fois, en 1979, au Parlement européen de Strasbourg (Bas-Rhin). Doyenne d'âge a 86 ans, elle a été "la présidente d'un jour", la "première présidente du Parlement européen", pour céder immédiatement sa place à une autre grande dame de l'histoire contemporaine : Simone Veil. Ce fut la consécration de son combat.

Une histoire de train

Nous sommes en 1980, dans le train depuis Paris qui la conduit à Strasbourg. Le député-maire de Saverne (Bas-Rhin) de l'époque, Adrien Zeller, la reconnaît et l'aborde : "Je suis un fan. Votre parcours est incroyable. J'étais présent lors de votre discours au Parlement européen, c'était formidable !". Plus de cinq heures de trajet, (la ligne TGV n'existait pas encore), ils ont le temps d'échanger et de discuter. Le courant passe bien entre eux. Ils s’apprécient.

Louise Weiss évoque alors le refus de la ville d'Arras et du conservateur du musée de sa ville naissance de recevoir son futur legs pour réaliser un musée sur sa vie et son œuvre. Le futur président de la Région Alsace sent alors un bon coup à jouer et prend l'initiative : "J'ai un immense et magnifique château dans ma ville, le château des Rohan. Ses salles sont immenses. Il est inoccupé. Je vous accueille !".

Le legs Louise Weiss

C'est ainsi, grâce à une simple discussion dans un train, que la ville de Saverne (Bas-Rhin) est devenue la légataire universelle, dès 1983, de l’une des premières suffragettes françaises : Louise Weiss.

Le legs Louise Weiss est donc abrité depuis 1996 par le musée du Château des Rohan de Saverne. Des milliers de pièces, documents, archives, objets d'arts décoratifs, collections ethnographiques, journaux qu'elle a dirigés, peintures, photographies et bien sûr les premiers bulletins de vote, affiches de campagne, films ou tracts réclamant le droit de vote pour les femmes.

La scénographie est très attrayante et particulièrement intéressante. "La collection est tellement importante que tout ne peut pas être exposé" explique Emmanuelle Thomann, la directrice du musée qui ajoute : "Louise Weiss a rencontré les plus grandes personnalités du monde de son époque, les témoignages qu'elle a laissés sont innombrables".

Son combat féministe commence avec son père. Contre son avis, peu favorable à l'éducation des filles, Louise Weiss étudie beaucoup. Elle devient en 1914 l'une des premières femmes agrégées de lettres et diplômée de l'Université d'Oxford. Elle n'a que 21 ans. Rejetant les convenances, elle refuse le mariage, les postes qu'on lui propose, et paie un loyer à ses parents : elle veut être indépendante. Elle se lance dans le journalisme.

L'une des premières femmes journalistes

Le parcours qui lui est consacré dans le musée débute par la présentation de sa famille d'origine alsacienne, puis il évoque la Première Guerre mondiale et les actions pour la paix de Louise Weiss, ses premiers articles sous pseudonymes masculins. "Il était inimaginable à l'époque qu’une femme soit journaliste, mais surtout qu'elle écrive mieux qu'un homme", indique Emmanuelle Thomann.

Dès 1918, elle participe puis dirige la revue hebdomadaire l'Europe nouvelle, participe au traité de paix de Versailles en 1919. En 1934, elle alerte des conséquences sur la paix en Europe de l'arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir. Personne ne l'écoute. Alors, face à la menace du nazisme naissant, elle démissionne de son magazine.

Ensuite, le parcours relate les problématiques d'identité des nations entre les deux guerres, le besoin d'indépendance des nouveaux pays face aux anciens empires ; les relations franco-allemandes ; les premiers projets d'Union européenne.

La femme nouvelle

Arrive la salle consacrée l'un des principaux combats de sa vie : l’émancipation des femmes. Elle fonde en 1934, l'association La femme nouvelle qui milite notamment pour l'égalité des droits civils et politiques de tous les "Françaises et Français". Ses actions peuvent être virulentes. Elles sont majoritairement drôles.

Avec ses camarades, elle distribue des chaussettes aux parlementaires parce que ceux-ci ont peur qu'en donnant le droit de vote aux femmes, leurs chaussettes ne soient pas reprisées. Elle organise de grands cours de cuisine devant les institutions de la République. Elle s'enchaîne aux grilles, organise une tournée dans toute la France et multiplie les happenings visant à faire parler chaque semaine du féminisme dans la presse.

J'ai lutté pour être élue, pas pour être nommée.

Louise Weiss

En mai 1935, elle se présente aux élections municipales, à Montmartre. Elle utilise de manière ironique des cartons à chapeaux en urnes et obtient 18 000 votes.

En 1936, après lui avoir interdit de se présenter, elle rejoint d’autres suffragettes pour faire campagne et édite des bulletins de vote à son nom sur lequel il est indiqué : "ce bulletin doit être utilisé par une femme". Elle se présente symboliquement aux élections législatives dans la circonscription "Sorbonne - Jardin des Plantes". Le Front populaire de Léon Blum lui propose d'intégrer son gouvernement. Elle refuse : "J'ai lutté pour être élue, pas pour être nommée".

C'est sur sa période d'écrivaine et de cinéaste que s'achève la présentation du leg Louise Weiss. Son élection au Parlement européen couronnant une vie de lutte et de drames : ses amoureux étant tous tombés au front des deux Guerres Mondiales.

En 1999, le Parlement européen de Strasbourg (Bas-Rhin) a rendu le plus bel hommage à Louise Weiss. Le magnifique bâtiment qui abrite l'hémicycle et les bureaux de députés porte désormais son nom.

Unique en France

Le musée de Saverne est le seul lieu en France à proposer une exposition permanente retraçant la vie et les engagements de Louise Weiss. Ils sont étrangement bouleversants d’actualité. Cette section Louise Weiss fait partie du "réseau du Parlement européen des maisons et fondations des grandes figures de la construction européenne".

L'entrée à 4 euros (3 euros en tarif réduit, gratuit pour les moins de 16 ans) au musée du Château des Rohan de Saverne donne accès gratuitement à la section Louise Weiss. Selon la curiosité et l'intérêt de chacun, il faut entre 45 minutes et 2 heures pour découvrir le legs.

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