Il y a un an, l’Eglise catholique d’Alsace passait au sans contact avec une quête digitale. Plus moderne, plus rentable, ce déploiement numérique s’est opéré de manière décevante dans le diocèse. Petit tour d’horizon.

La quête numérique avait déjà fait ses preuves dans de nombreux diocèses quand celui d’Alsace décide de se lancer : c’était lors de la grande quête diocésaine des 6 et 7 février 2021. Une nouveauté, une révolution même dans une douzaine de paroisses partantes alors pour l’aventure : certains catholiques alsaciens se retrouvaient parfois perplexes de devoir sortir leur carte bleue pour payer une offrande.

Un an plus tard, seules 17 paroisses (sur les 767 que compte l’Alsace) se sont converties au numérique. Jacques Bourrier, économe du diocèse de Strasbourg, ne mâche pas ses mots : "Pour moi, c’est un échec". Mais il n’a pas dit son dernier mot.

Une difficulté structurelle

Elle était présentée comme une solution à de nombreux problèmes, dont les vols et la chute des dons depuis le début de la crise sanitaire : la transition numérique de la quête en Alsace fait donc pschitt. Pour Jacques Bourrier, "une des raisons principales de cet échec est lié au caractère particulier de l’état juridique et économique de l’Eglise catholique d’Alsace".

Selon le Concordat, chaque paroisse est indépendante, gérée par un conseil de fabrique qui dispose d’un budget propre. En clair, l’économe diocésain propose et les fabriques disposent. Or, les membres de ces conseils de fabrique sont en moyenne assez âgés. Il a été très difficile de les convaincre à prendre ce virage numérique.

A Marmoutier, le père Claude Drui a la charge de 11 villages et de 12 clochers. L’idée du panier de quête numérique a été abordée en réunion du conseil de fabrique lorsque l’expérimentation à Haguenau a été déployée l’an passé : "Sur le principe, c’est intéressant. Pour Marmoutier, cela pourrait se justifier car on accueille des touristes mais dans les autres villages, où nous avons entre 20 et 60 paroissiens selon les offices, je ne suis pas sûr que ce soit adapté".

Pierre Bardon est à la tête de ce conseil de fabrique et il confirme : "Dans les zones rurales, je pense que ce serait délicat. Les fidèles qui viennent à la messe ont toujours leurs petites pièces avec eux". Même s’il reconnait que "c’est l’opération pièces jaunes toute l’année chez nous", il estime que la quête numérique aurait peu de succès. En revanche, il serait beaucoup plus favorable à la borne-tronc, au moins pour l’abbatiale de Marmoutier, pour recueillir les dons des visiteurs. Il conclut en laissant la porte ouverte : "On ne dit pas non. On y réfléchit".

Cela coûte un peu mais cela peut rapporter plus

Les 17 paroisses qui sont passées au numérique paient une location de panier digital de 12 euros par mois. Elles reversent 5% des fruits de la quête au prestataire. Le don moyen numérique tourne autour des six ou sept euros, alors qu’un don en monnaie sonnante et trébuchante se situe plutôt autour de deux euros. "Globalement, on gagnerait 15% de plus avec le panier numérique", précise Jacques Bourrier, sachant que les paroisses ont majoritairement opté pour le panier.

La borne-tronc, celle apposée à côté des bougies dédiées aux intentions de prières, peut rapporter plus. "Vous savez bien souvent, ce qui reste de la Foi, c’est le cierge !", note Jacques Bourrier, "Même si on n’est pas un habitué des cultes, quand on rentre dans une église, on est attiré par la lumière et on allume une bougie".

La cathédrale : un modèle à part

La cathédrale de Strasbourg a bel et bien pris son tournant numérique. Les fidèles et les touristes ont à leur disposition 5 bornes-tronc, 3 machines à médailles et 2 paniers de quête numérique. "Le passage au paiement sans contact n’a posé aucun problème", explique Gérald Valette, l’intendant de Notre-Dame de Strasbourg.

Les modalités de déploiement du dispositif numérique sont différentes de celle envisagée par le diocèse. "La plupart des plateformes ponctionnent un pourcentage pour leur service. Pour nous, c’est inenvisageable. Ce qui est donné à la cathédrale doit servir intégralement à la cathédrale". Il rappelle qu’elle ne touche aucun argent public et que les dons sont essentiels à son fonctionnement.

L’intendant a opté pour une autre formule. Adossée à la Société générale, la cathédrale a retenu l’intégrateur tourangeau AIT37 pour développer une solution matérielle et logicielle sur-mesure. Dans ce cadre, l’achat des bornes et des paniers numériques a été préféré à la location.

Le modèle a été conçu pour répondre aux enjeux de la cathédrale, qui voit passer, en période hors Covid, deux millions de visiteurs et fidèles. "Pour le moment, le sans-contact n’a pas encore pris le pas sur les espèces", précise Gérald Valette, "mais j’ai bon espoir d’arriver à l’équilibre d’ici un an". Là aussi, le don moyen par carte est plus important que le don en espèces.

A propos du déploiement laborieux de la quête numérique dans les paroisses d’Alsace, Gérald Valette évoque plutôt un "retard à l’allumage". Et d’ajouter : "On n’a pas le choix. Il va falloir y aller. Il y a tout de même de nombreux avantages : fini les dons "de boutons de culotte", c’est beaucoup plus sécurisé au niveau du comptage et cela confirme la volonté de l’Eglise de rentrer dans l’ère du 2.0".

Une quête d’avenir

Même son de cloche du côté de l’économe du diocèse de Strasbourg. Jacques Bourrier est lui aussi persuadé que ce passage au numérique est une solution d’avenir. Il va sans doute falloir mieux communiquer auprès des paroisses : "La paroisse cœur de cible est citadine. Elle doit rassembler au moins 100 à 150 personnes chaque dimanche. Ses fidèles sont de jeunes actifs dynamiques. Ce sont eux qui feront avancer les choses".

Pour l’heure, il s’avoue un peu découragé mais ne perd pas espoir. Jacques Bourrier remonte au créneau dans quelques semaines avec, dans l’idée, la signature d’un contrat cadre élaboré avec le diocèse, le Crédit Mutuel et le prestataire. Ce contrat devrait permettre aux paroisses de s’y référer avant de franchir enfin le cap du numérique.

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