Mobilisation contre la taxe poids lourds en Alsace : déçus, les transporteurs repartent de Colmar

Un collectif composé d'une quarantaine d'acteurs économiques, renforcé par la présence d'une centaine de camions, s'est mobilisé lundi 7 octobre à Colmar pour dénoncer une nouvelle taxe régionale sur les poids lourds. Transporteurs, Medef, CCI, agriculteurs ou encore viticulteurs étaient reçus par la Collectivité européenne d’Alsace, qui doit voter ce nouveau péage autoroutier le 21 octobre prochain. Mais ils sont repartis déçus, et promettent une nouvelle mobilisation.

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Elle avait annoncé une mobilisation "d'une grande ampleur". La Fédération nationale de transports routiers d'Alsace a débuté sa journée d'action vers 9 heures, lundi 7 octobre, avec une opération escargot sur l'A35 et l'A36, aux départs de l'est de Mulhouse (Burnhaupt-le-Haut) et de Strasbourg (Reichstett), en direction de Colmar. Une centaine de conducteurs de poids lourds ont ralenti la circulation pour montrer leur farouche opposition à la future taxe poids lourds (R-pass) prévue par la Collectivité européenne d'Alsace (CeA) pour 2027.

L'idée de ce nouveau péage est de lutter contre un bond important de la présence de poids lourds sur cette autoroute, en particulier sur son axe nord-sud. Cette voie est empruntée par des transporteurs français et alsaciens, mais aussi largement par les transporteurs étrangers en transit, qui représentent pas moins de 51% du trafic. Pour repousser ces derniers, qui préfèrent en effet nettement les routes alsaciennes aux routes allemandes, qui sont davantage taxées depuis quelques mois, la CeA veut demander une contribution financière qui s'appliquera à tous les poids lourds. C'est pourquoi les transporteurs locaux, qui s'estiment lésés, parlent d'une "taxe criminelle pour les entreprises alsaciennes".

Coup de pression des camionneurs

Ce matin, une cinquantaine de véhicules se sont donc élancés à environ 50 km/h depuis les deux villes, pour se donner rendez-vous devant le siège de la CeA, à Colmar. C'est là que la mesure pourrait être votée le 21 octobre. Lundi matin, un collectif composé d'une quarantaine de représentants économiques (Medef, CCI...), des transports, de l'agriculture, de l'élevage ou de la viticulture a pu exprimer son opposition au projet lors d'une réunion avec les élus. Il demandait surtout le report du vote, en vain.

Tous ces acteurs réclamaient en effet, sinon l'annulation de cette mesure prévue depuis longtemps, la mise en place d'un délai de discussion. Mais l'engorgement de l'autoroute qui traverse la région ne fait qu'empirer, avec 18% de poids lourds en plus depuis le début de l'année, et 30% en août et en septembre, selon les informations de la collectivité alsacienne. C'est pourquoi il y a urgence : "Il y a une véritable saturation du trafic des poids lourds", a affirmé le président de l'exécutif de la CeA, Frédéric Bierry, ce lundi dans l'émission Ici matin. Repousser le vote ajouterait un nouveau délai d'au moins six mois dans ces conditions, qui impactent "la sécurité, la santé, la fluidité des mobilités" en Alsace assure-t-il. "Aujourd'hui, nous n'avons pas d'autre choix" que de poursuivre avec le vote de la taxe, insiste le président.

Mais selon le collectif à l'origine de cette mobilisation, taxer les camions serait non seulement inutile pour réguler le trafic, mais pourrait s'avérer dangereux pour les entreprises locales. "Cette écotaxe ne va pas régler le problème du trafic au quotidien, car le tarif sera de 15 centimes/km, alors que de l'autre côté du Rhin, en Allemagne, c'est 34 centimes/km. Aucun report ne se fera avec un tarif moitié moins cher !" a déploré Brigitte Kempf, la vice-présidente de la fédération des transporteurs, sur Ici matin. Cette dernière prédit "des conséquences dramatiques sur les emplois" du fait de la réduction des marges qui en découlera. "Cela nous touche, puisque nous sommes les collecteurs de cette taxe. Cela va nous demander de faire des avances sur la trésorerie, dans un contexte de forte concurrence européenne... Si nous ne sommes plus compétitifs, ça sera la faillite de nos entreprises", poursuit-elle. 

Une taxe à mettre en place "d'urgence"

Ce matin, Frédéric Bierry rappelait que ce projet de taxe visait aussi à compenser financièrement la croissance du trafic, qui dégrade plus rapidement l'état de ces 200 km de route, ce qui nécessite un entretien coûteux. Une étude commanditée par l'institution a estimé que la taxe R-Pass pourrait rapporter 64 millions d'euros par an. "Ne pas faire le R-pass aujourd'hui, c'est subventionner le grand transit qui abîme nos routes, estime le président de la CeA. Notre autoroute est un vrai aspirateur à camion. Et un camion de 13 tonnes à l'essieu, c'est l'équivalent du passage de 800 000 voitures. On a un budget 130 à 145 millions d'euros par an, et ces véhicules étrangers ne contribuent pas à l'entretien de ces routes." Les deux parties sont tout de même d'accord sur un point : les réglementations européennes ne permettent pas, malheureusement, de taxer seulement ces transporteurs étrangers.

 

Avec cette mesure, on sera taxé plusieurs fois pour le même produit, c'est inadmissible, sachant que les entreprises sont déjà exsangues.

De leur côté, les transporteurs ont annoncé la publication ce lundi d'un rapport confirmant l'impact qu'aurait une telle mesure sur leurs finances, qu'ils estiment "bien plus important" qu'annoncé. Sur place, un représentant de la filière viticole alsacienne résume ainsi le problème à notre micro : "En réalité, vous faites venir des bouteilles, vous faites venir des bouchons, tout est taxé, puis vous faites repartir le vin, c'est re-taxé. On sera taxé plusieurs fois pour le même produit, c'est inadmissible sachant que les entreprises sont déjà exsangues".

Un dialogue encore possible 

Face à ces fortes inquiétudes du monde économique, Frédéric Bierry s'est dit ouvert au dialogue, et rappelle que les modalités de mise en place pratiques pourraient prendre une année, une fois le vote acté. Pour minimiser l'impact sur les entreprises alsaciennes et rééquilibrer les coûts, des dérogations par branches, des aides ciblées, et des investissements dans le secteur grâce aux bénéfices de cet impôt, sont envisagés. 

De leur côté, Alsace Nature, la Fédération nationale des associations d’usagers de transports (Fnaut), et la Chambre de consommation d’Alsace se sont prononcées pour le principe de cette écotaxe, et souhaitent même que l'ensemble du réseau routier soit taxé. Mais pour qu'elle ait un véritable impact, ces associations préconisent un montant similaire à celui pratiqué en Allemagne. "On a bien vu qu'en Allemagne, quand on rajoute 15 centimes, cela a un impact chez nous, donc si on arrivait à réduire même de 20, 30, 40%, cela changerait déjà la vie des Alsaciens", assurent néanmoins Frédéric Bierry et son équipe devant nos caméras. 

Mais rien à faire, après le refus du report du vote, lundi midi, la déception a gagné la foule de manifestants. Les transporteurs ont déjà prévenu qu'il y aurait une nouvelle journée d'action. 

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