Il fait du métal un art et ose les créations les plus délirantes. Denis Spiehlmann est métallier d'art à Niedermodern et travaille l'acier dans son atelier depuis plus de trente ans. Sa spécialité : l'aspect rouillé et le style art déco revisité.
La rouille. Beaucoup la craignent, Denis Spiehlmann en a fait son alliée, sa marque de fabrique. Et son meilleur argument de vente. "Une fois l'acier passé à l'acide pour le faire rouiller, il tient très bien dans le temps. Et continue à vivre". Il poursuit : "Avec l'acier, on peut pratiquement tout faire. Un métallier travaille le plat, tandis qu'un chaudronnier travaille plutôt ce qui est rond".
Plat, son travail ne l'est, en revanche, pas vraiment. Il n'y a qu'à déambuler dans le restaurant La Couronne, de Scherwiller (Bas-Rhin), pour s'en rendre compte. Pour le métallier d'art, il s'agit presque d'un musée personnel ; de l'entrée à la terrasse, ses créations sont partout. Y compris... aux toilettes. Il y a quelques années, en collaboration avec le maître des lieux, il a créé des toilettes sur la thématique d'un sous-marin, surnommées "le Chiotilus". Des guides gastronomiques l'ont même gratifié d'une mention dans leurs pages. Pour le restaurateur Dider Roeckel, une telle décoration "fait parler, et du coup, amène du monde". Ainsi, Denis Spiehlmann compte plus de 80 cafetiers-restaurateurs parmi ses clients.
A Niedermodern (Bas-Rhin), dans l'atelier du métallier, quatre employés manient scie et chalumeau sur les diverses pièces commandées. À côté de l'acier rouillé, on trouve aussi des escaliers en métal brossé, des bancs grillagés d'extérieur à l'aspect très simple, des garde-corps, et même, des cages destinées aux lynx recueillis par le GORNA (Groupement Ornithologique du Refuge Nord Alsace) à Neuwiller-lès-Saverne. Le carnet de commandes est rempli. "Nous essayons de pratiquer des prix modérés", explique l'artisan.
Un escargot comme signature
L'histoire de son entreprise, qui porte aujourd'hui le nom "No Limites - Made in Elsass" a démarré il y a plus de trente ans. À l'époque, Denis Spiehlmann était serrurier-métallier, et cherchait à diversifier son travail pour augmenter son chiffre d'affaires. Il a alors commencé à exposer des pièces artistiques et colorées, aux allures de trône, à la Foire européenne de Strasbourg. Succès immédiat, malgré la circonspection de ses collègues.
Depuis, son style s'est affiné, affirmé. Il revisite l'art nouveau, l'école de Nancy. Surtout, il a trouvé une signature à nulle autre pareille : un escargot. C'est une cliente qui lui en a donné l'idée, après lui avoir demandé de souder ce petit animal en métal sur un garde-corps qu'elle lui avait commandé. "Lorsque vous apercevez un escargot en métal, cela signifie que vous êtes certainement tombé sur l'une de mes réalisations", esquisse-t-il dans un sourire.
Aujourd'hui, au début de la soixantaine, Denis Spiehlmann se prend à rêver d'un repreneur. Son beau-fils, également son associé, a lui aussi dépassé la cinquantaine. Alors pour l'instant, pas de piste sérieuse. Mais d'ici quelques années, le métallier d'art espère bien, comme l'escargot, pouvoir aller plus doucement.