Alors que le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé, ce vendredi 13 octobre, son plan de lutte contre les déserts médicaux, zoom sur la situation alsacienne. La région possède elle aussi des zones où l'accès aux soins est compliqué.
C'était annoncé depuis quelques semaines, Edouard Philippe, le Premier ministre accompagné d'Agnès Buzyn, ministre de la santé, ont fait part le 13 octobre de leur plan de lutte contre les déserts médicaux: maisons de santé, incitations financières, regroupement des praticiens...
Maisons & centres de santé regroupent les pros de santé et améliorent le suivi du patient.1000 de + seront ouvertes sur 5 ans.#SoinsPourTous pic.twitter.com/DFs8Gl1QEW
— Agnès Buzyn (@agnesbuzyn) 13 octobre 2017
L'Alsace n'échappe pas à ces problématiques et compte elle aussi sur son territoire nombre de déserts médicaux notamment dans les zones éloignées des grands centres urbains comme l'Alsace Bossue ou le Sundgau. Des zones contre lesquelles les professionnels, les élus, l'Agence régionale de santé luttent depuis plusieurs années déjà.
A Oberbruck, au sud du territoire, à la frontière lorraine, le médecin généraliste a fermé son cabinet en 2013 et aucun remplaçant n'a été trouvé malgré les efforts de la municipalité. Alors en 2016, la commune se jette à l'eau et propose à ses administrés de la télémedecine. C'est une première en France et "peut-être dans le monde", d'après Jacques Behra, le maire du village.
Le principe fonctionne bien, seulement Jacques Behra aimerait qu'il séduise davantage de patients. C'est un système novateur, qui fait peut-être un peu peur à la population. Et cette maman, interrogée à la sortie des classes confirme : "Mon médecin traitant est à Masevaux, c'est le médecin de famille depuis trente-cinq ans, il nous connaît, je ne veux pas en changer". Et cette autre de surenchérir : "De toutes façons, il faut aller à Masevaux pour trouver une pharmacie, donc..."
Nous avons quand même trouver une habituée du cabinet, qui avoue préférer l'homéopathie mais qui reconnaît que "c'est pratique, c'est juste en bas de chez moi, c'est bien pour les visites médicales des enfants". Toujours est-il que le principe séduit de plus en plus de communes qui désespèrent par ailleurs de trouver un médecin. Quatre autres cabinets de ce type devraient voir le jour dans le Haut-Rhin.
Incitations financières
Le problème en effet c'est que les médecins fraîchement diplômés disposent de la liberté de s'installer où bon leur semble et il n'est pas question de remettre ce principe en cause. Du coup, l'idée est d'inciter par des mesures, les jeunes à choisir ce que l'on appelle des "zones sous-dotées", qui ne sont pas forcément d'ailleurs des zones d'une extrême ruralité.
En 2009, est mis en place le contrat d'engagement de service public (CESP). L'idée est de financer une partie des études des futurs médecins, qui, en échange s'engage, pour deux, trois, quatre ou cinq ans à s'installer dans l'une de ces zones.
A la faculté de médecine de Strasbourg, 50 contrats de ce type ont été signés depuis leur mise en place. C'est peu. Nous avons rencontré l'un des signataires, Christophe Stenger, qui termine son internat à l'hôpital Pasteur de Colmar. Pour lui, c'est tout simplement "un problème de communication".
Christophe Stenger a signé un CESP en 2012 pour bénéficier d'une bourse bien sûr, mais aussi pour "être suivi par un référent dans ses démarches d'installation". Il souhaite ouvrir son cabinet de médecine générale dans le Haut-Rhin dans l'une de ces fameuses zones sous-dotées. Il est par ailleurs médecin pompier volontaire. Il est logique pour lui, de pouvoir proposer à ses patients tout un panel de soins, une manière aussi de désengorger les urgences.
"Ce type de contrat c'est clairement l'avenir de la médecine dans les zones désertées, il faut simplement en faire la communication, pourquoi pas y consacrer un module dans la formation." Pour l'Agence régionale de santé, les déserts médicaux sont bien sûr une priorité. C'est elle qui met en place les CESP et assure le suivi des étudiants. D'ailleurs depuis septembre, un laboratoire territorial d'aide à l'installation a été crée au coeur de la faculté de médecine de Nancy. Une personne, chargée de mission, accompagne les étudiants dans leur future installation. L'objectif est de déployer ce dispositif dans le Grand Est.
Sans compter, la création des maisons de santé, véritables pôles médicaux, elles permettent le regroupement de praticiens, limitant ainsi les coûts et rationalisant les soins. Le Grand Est en compte 90, 43 sont en projets. Peut mieux faire en Alsace qui n'en compte que neuf pour l'heure.
L'idée est de s'adapter au mieux aux besoins de chacun : "Nous essayons d'avoir une approche territoriale de l'offre de soins, de travailler avec les professionnels pour trouver les mesures les plus adaptées", assène Frédéric Charles, directeur adjoint des soins de proximité à l'ARS.
Sentheim: recherche médecin désespérément
Il n'empêche, malgré les efforts de chacun, certaines zones sont abandonnées. A Sentheim, village de 1600 habitants situé à cinq kiomètres de Masevaux, le médecin, qui officiait depuis 35 ans, est parti à la retraite sans trouver de remplaçant. Alors la municipalité a mis les moyens en investissant dans un cabinet qu'elle remet clé en main à celui qui voudra bien reprendre la patientèle. Après deux essais infructueux, le cabinet est fermé depuis février 2017.
Mais la municipalité ne se laisse pas abattre et crée un site internet à destination des médecins et qui détaille les 5 bonnes raisons de venir s'installer à Sentheim.
Sans compter de multiples appels sur les réseaux sociaux. Les élus sont même allés à une rencontre avec des étudiants en fin de cursus pour une opération séduction en direct sur le campus de la faculté de médecine de Strasbourg.
"Une journée intéressante mais pas tellement fructueuse: la plupart des étudiants ne sont pas encore thésés, il faut donc attendre. En plus, ils viennent de régions diverses et ne comptent donc pas forcément rester en Alsace, ils sont parfois déjà chargés de famille. Bref pas facile, mais nous avons semé des petits cailloux, c'était important d'être présents", raconte Bernard Hirth.
A sentheim, comme dans tous les déserts médicaux, il y a urgence. Parce que les praticiens continuent de vieillir et que le renouvellement ne se fait pas. 10% de médecins généralistes en moins en 10 ans. Les déserts risquent donc de grignoter du territoire. Petit aperçu de l'état actuel de la situation:
On voit clairement sur cette carte que certaines zones disposent parfois de 10 à 15 fois plus de médecins que d'autres, des zones concentrées autour des grandes villes.