Haut-Rhin : les silhouettes féminines de la discorde face au Conseil d'État ce mercredi

Les féministes crient au scandale, mais de nombreux habitants de Dannemarie n'ont rien contre : les silhouettes de femmes, retirées des rues à la demande de la justice, trônent désormais dans les jardins et la polémique est remontée jusqu'au Conseil d'Etat où leur sort doit être décidé mercredi.

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Depuis que le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné au maire de Dannemarie (68), le 9 août, de retirer de l'espace public ces silhouettes, "la commune est en deuil", confie à l'AFP une habitante, Rita Walter, qui en a "adopté" deux, désormais plantées dans son jardin. Ces silhouettes élancées, représentées en tailleurs et talons aiguilles, "nous les avons récupérées chez nous pour soutenir la mairie et dénoncer une atteinte à notre liberté", affirme Mme Walter.

Avant que la justice ne s'en mêle, à la demande d'une association féministe, les 65 silhouettes et 60 accessoires (sacs à main, lunettes, chapeaux, chaussures et bottes) avaient orné pendant deux mois les rues et ronds-points de la cité de 2.300 habitants. Femmes enceintes, en maillots de bain, munies d'un sac de courses ou encore accompagnées d'une petite fille: à l'origine, ces effigies étaient censées "célébrer l'année de la femme". "Nous voulions montrer la diversité de l'action de la femme dans notre société", explique le maire (SE) de la commune, Paul Mumbach. "On a cherché des visuels sur internet en tapant dessin, silhouette et femme.

On voulait des choses variées, pratiques à découper et à peindre", raconte la première adjointe Dominique Stroh, ancienne fleuriste et auteur des pancartes controversées, qui se dit "abasourdie" par l'ampleur de la controverse. "Il n'y avait rien de scandaleux. Elles étaient magnifiques et égayaient le village", défend Simone Muller, retraitée. À l'entrée de sa propriété elle a placé la silhouette d'une femme en soutien-gorge avec une robe à pois.

Malgré l'accueil "positif" réservé aux silhouettes de la part des habitants, selon le maire, la polémique enfle sur les réseaux sociaux après la publication de photos. Plusieurs commentateurs les accusent de véhiculer des préjugés sexistes, notamment celles qui adoptent des positions lascives.

Un combat politique 

Le collectif féministe "Les Effronté-e-s" s'insurge: il juge ces silhouettes "dénigrantes et humiliantes pour les femmes", et appelle à leur retrait. Mais le maire campe sur ses positions, et le collectif saisit la justice. Début août, le tribunal administratif de Strasbourg lui donne raison: les juges dénoncent "une conception de la femme inspirée par des stéréotypes", et "une atteinte grave au principe d'égalité entre les femmes et les hommes". Ils ordonnent leur retrait de l'espace public, sous peine d'amende.

"On était tous assommés, on n'a pas compris", se remémore Paul Mumbach pour qui "Les Effronté-e-s" sont des "extrémistes", qui n'ont "jamais mis les pieds dans le village". Criant à "l'intolérance et à la censure", la municipalité s'exécute, mais propose aux habitants d'"adopter" les silhouettes, désormais transférées de l'espace public au privé.

Dannemarie se transforme en village gaulois. Les silhouettes sont redistribuées et affichées sur les balcons, dans les jardins, accrochées aux fenêtres. "Je ne vois pas en quoi ça dérange (les Effronté-e-s) alors qu'elles n'habitent pas ici", argumente Philippe Brayé, gérant d'un magasin de meuble. "On a reçu le soutien d'habitants de Dannemarie.

Dans un espace public déjà saturé par le sexisme, les municipalités devraient lutter contre les stéréotypes, pas y contribuer", regrette Sarah Pouyaud, représentante des "Effront-é-es" à Strasbourg.

A ce jour, les deux camps n'ont eu aucun dialogue direct. Seul point sur lequel ils s'accordent: l'affaire dépasse désormais "la simple histoire de pancarte". Me Lorraine Questiaux, avocate de l'association féministe, espère même créer une "jurisprudence Dannemarie". "Si le Conseil d'État va dans notre sens, quand l'espace public sera investi d'images qui portent une atteinte manifeste au principe d'égalité femme/homme, on aura un outil pour demander à ce que ces représentations soient retirées rapidement", avance l'avocate.

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