INSOLITE. À 84 ans, il est l'un des plus vieux pizzaïolos de France : "le jour où je m’arrête, je meurs"

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À 84 ans, Meziane Yaïci est à la tête de la pizzeria Le spontino à Brumath (Bas-Rhin).
À 84 ans, Meziane Yaïci est à la tête d'une pizzeria à Brumath (Bas-Rhin). ©Éric Vial, Maxime Clady, France Télévisions

Meziane Yaïci dit "Bob" a 84 ans. Officiellement à la retraite depuis ses 54 ans après avoir été exposé à des facteurs de pénibilité dans ses précédents emplois, il a ouvert une pizzéria à Brumath, dans le Bas-Rhin, il y a 17 ans. Il refuse de s’arrêter de travailler malgré son âge, car pour lui, "le travail, c'est la santé".

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A Brumath (Bas-Rhin), il propose à ses clients des pizzas à emporter du mercredi au dimanche. Son patron, Meziane Yaïci, dit Bob, a 84 ans. Il y travaille seul : "je fais tout à part le fromage. Je prépare les pâtons, je fais les courses, je prends les commandes, je cuisine les sauces tomate et les sauces blanches, ensuite, j'enfourne les pizzas. Je ne veux surtout pas être aidé, car ma boutique est petite".

Bob est officiellement à la retraite depuis 1996. Il la juge "très convenable". Il pourrait en profiter. Mais pour lui : "le travail, c'est la santé. Il poursuit. Je pense que je ne m’arrêterai jamais de travailler, ou alors, il faudrait que je ne puisse plus marcher. Je ne pourrais pas rester à rien faire, je deviendrais fou."

"Mes quatre enfants ont quitté le domicile familial, mon épouse actuelle travaille. Il faudrait que je les attende à la maison ? Non ! Le jour où je m’arrête, je meurs. Ma vie a toujours été organisée de la même manière : je me lève, je travaille, et je ne m'assois pas de toute la journée jusqu'à ce que je me couche".

Meziane Yaïci est né en janvier 1941 à Aït Bouada Haut-Sébaou (Algérie). Le village est considéré comme l’un des plus beaux de Kabylie. "Je suis arrivé en France en 1948 et j’ai commencé officiellement à travailler à 17 ans sans jamais m’arrêter, mais je faisais des petits boulots avant".

Des débuts à Paris

Le futur chef d’entreprise habite d'abord à Paris. Il est scolarisé rue de Tanger, dans le 19ᵉ arrondissement. "J'ai immédiatement aimé la France, je me suis senti chez moi. Puis vient l’heure des choix professionnels. Au départ, je voulais devenir maçon. On m’a envoyé à Liévin (Pas-de-Calais) comme briqueteur. J'ai détesté", s’amuse-t-il.

Sa période la plus difficile, il l’a vécu au moment de la guerre d’Algérie. "Jusque-là, je n’avais jamais eu aucun problème d’intégration. Mais c’était dur avec les couvre-feux. Les Algériens ne pouvaient pas sortir de chez eux après 20 heures. Je me suis fait tabasser dans la rue parce que je n’avais pas respecté les consignes. Je garde une cicatrice à la tête de cette époque. Ce sont des Parisiens qui sont venus me défendre. Les Parisiens sont les êtres les plus gentils et les plus courageux du monde".

Son énergie positive, l’envie de croquer la vie à pleines dents, il le doit à un homme : Jean Marais, le comédien, qui immortalisa le film La Belle et la Bête (1936) de Jean Cocteau. "C'est lui qui m'a aidé à me lancer dans la vie professionnelle. C'était mon ami". Bob décroche une photo, la tend, et pointe du doigt : "c'est le jour de mon mariage. Il est là, à côté de moi. C'est lui qui a tout organisé. Il m'a appris les valeurs du travail".

Trois professions en même temps

Meziane arrive en Alsace en 1964. Il travaille en 3 × 8 dans une usine de pâte à papier. "J’ai fait ça pendant 17 ans, c’était formidable ! En même temps, pour arrondir mes fins de mois, je faisais les marchés. Je travaillais la nuit dans la cellulose et le matin, je vendais des habits. Ensuite, j’ai ouvert une boutique de confection, avenue Jean Jaurès à Strasbourg-Neudorf."

Hyperactif, Bob n’en a toujours pas assez. Il se lance dans un nouveau chalenge : ouvrir une pizzéria de nuit dans la capitale alsacienne : le Stromboli, rue de l’Épine. "À l’époque, j’étais le seul à faire ça ! C’était un super caveau de 150 m² avec un bar en haut".

À l’évocation de ses souvenirs, Meziane se met à verser des larmes : "avec ma première défunte épouse, (je pense souvent à elle), nous n’avions pas besoin de travailler davantage. Elle avait une bonne situation, moi aussi. L’argent n’a jamais été un moteur pour moi. Ma motivation a toujours été la même : faire plaisir aux gens, les rendre heureux".

Un nouveau projet à 66 ans

Bob s’installe à Brumath (Bas-Rhin) en 2007. "J’avais 66 ans. Sortir les matins d’hiver pour faire les marchés, cela devenait dur. Je n’arrivais plus à faire les soldes d’hiver. Alors, je me suis dit : arrête la confection et mets-toi au chaud dans une pizzéria puisque tu connais le métier".

Personne ne faisait des pizzas à emporter dans ces années-là. Alors, je me suis lancé ici en faisant des pizzas volontairement grandes et généreuses : elles me ressemblent

Meziane Yaïci

Bon commercial, Meziane Yaïci réalise une étude de marché. "Brumath est une ville de 10.000 habitants. Personne ne faisait des pizzas à emporter dans ces années-là. Alors, je me suis lancé ici en faisant des pizzas volontairement grandes et généreuses : elles me ressemblent. Très rapidement, j'ai eu une clientèle fidèle".

Les commandes affluent. Avec une dextérité peu commune, Bob répond au téléphone, prépare les pizzas, et s’occupe de la caisse. "Je crois que personne ne sait que j’ai 84 ans. Mon épouse me demande juste de ne pas oublier de porter mes appareils auditifs, car j’entends mal. Mais sinon, je suis frais comme un gardon. Le seul regret que je peux avoir, c'est que parfois, j’ai trop de commandes alors, j'arrête de répondre aux demandes par téléphone. Au-dessus de 60 commandes par soir, c'est difficile".

Bien sûr, continuer à travailler permet de rentrer de l'argent dans le foyer. "Mais je ne fais pas cela pour devenir riche. Je ne le suis pas d'ailleurs. Cela me permet d'aider mes enfants et mes petits-enfants pour leurs études. L'école, c'est très important."

Alors, quel est le secret de cette longévité au travail ? "Il faut avoir une conduite exemplaire. Être fidèle à ceux qui vous ont aidés. Être solidaire avec eux lorsqu’ils ont besoin de vous. Mais surtout, pour garder la santé : rester positif, ne pas fumer, ne pas boire et marcher le plus souvent possible".

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