On les croyait disparues, mais non, elles existent toujours. En Alsace, à La Petite-Pierre (Bas-Rhin), Pauline Fouillard se revendique comme sorcière. Elle aurait "200 ans" selon ses dires.
Son salon de thé à La Petite-Pierre (Bas-Rhin) semble magique : une décoration fantasque et fantastique composée d’anges, d’images pieuses, de couronnes dorées et de vieilles vaisselles. Le visiteur a forcément la sensation de se retrouver dans le décor d'Harry Potter.
"Dès que quelqu’un entre ici, il me reconnaît comme sorcière. Il sait. Elle nous accueille : Bienvenue à vous. Vous n'êtes pas là par hasard. Je suis Pauline, sorcière. J'ai 200 ans".
Cette "réminiscence" de sorcière, elle l’a depuis "qu’elle est toute petite". Pauline Fouillard explique qu’elle a toujours été "en connexion avec la nature et avec les éléments qui nous entourent". Elle affirme préparer "presque chaque jour ses potions dans une marmite" et "qu'elle aime se promener pieds nus dans la rosée du matin".
Après tout, qu’est-ce qu’une sorcière aujourd'hui dans la société occidentale ? C’est la réminiscence de la femme savante dans nos clans, l’égale des chamans chez les indiens d’Amérique ou dans les peules primitifs d'Asie, des sangomas en Afrique.
Pauline Fouillard
Mais alors comment reconnaitre une vraie sorcière ? Pour Pauline, "une vraie sorcière ne fait et ne veut que du bien, elle ne pratique jamais aucune magie noire. Elle n’invoque aucun esprit malveillant ou destructeur. Elle avertit : ne confondez pas sorcière et magicienne. L’une et l’autre existent, mais l’une défend le bien, l’autre le mal. Une sorcière ne jette aucun sortilège. Elle peut en revanche les briser".
Pauline explique qu’une sorcière des temps modernes est incluse dans la société, elle n’est pas en marge. Elle travaille. Elle ne vit pas de son don. "Ici, dans le village, près de chez moi, à Phalsbourg (Moselle), dans les alentours, les gens savent que je suis une sorcière. Ils viennent me voir pour que je les aide. Ils ont perdu un bijou et ils veulent que je le retrouve ; ils rencontrent des difficultés au travail ou en amour, la mémoire de leurs anciennes vies leur joue des tours… Je peux être là pour tout cela, pour les aider, si j’en ai envie. Je ne suis pas à la disposition des gens. Je dois savoir garder mon indépendance. Je ne fais pas cela pour de l’argent".
Pour sa pratique, Pauline se sert de tous les objets pour lire dans le passé et l’avenir : boule de cristal, pendule, jeu de tarot… Elle indique qu’elle ressent également "des choses quand les gens lui parlent, des images, des visions".
Elle poursuit : "Après tout, qu’est-ce qu’une sorcière aujourd'hui dans la société occidentale ? C’est la réminiscence de la femme savante dans nos clans et nos tribus, l’égale des chamans chez les indiens d’Amérique ou dans les peules primitifs d'Asie, des sangomas en Afrique. La science est pragmatique, elle repose sur des faits tangibles. Et il ne faut pas la remettre en cause. Mais notre monde et notre vie ne reposent pas que sur des faits. Il y a une part de magie et d’inexplicable, c’est cette part qu’aborde la sorcière. Cela a toujours été ainsi depuis que le monde est monde".
Incident de tournage
Au moment où nous filmons la séquence avec Pauline, des voix étranges se font entendre. (Ce n’est pas une blague !). Notre preneur de son nous demande d’arrêter l’interview. "Vous entendez ces voix, mais qu’est-ce que c’est ?". Toute l’équipe est un peu pétrifiée. La sorcière bien-aimée de l’Alsace Bossue se montre rassurante : "Ça arrive de temps en temps. Ne vous inquiétez pas, ils vont partir".
Et effectivement le brouhaha tout à fait perceptible sur nos enregistrements s’envolent après quelques instants. "Sans doute une radio allumée quelque part qui fait caisse de résonance dans la cour ?". Pauline nous répond : "Vous pouvez le croire, bien sûr…". L’Alsace insolite n’aura jamais été aussi insolite pour nous en tout cas.
Histoire de sorcières
Si Pauline Fouillard se montre à visage découvert, elle affirme "qu’elle n’est pas la seule en France, ni la dernière sorcière [...] C’est la peur, qui fait qu’elles se cachent" dit-elle, notamment dans les régions de l’est de la France où la répression a été terrible entre 1500 et 1700.
Rien qu’en Alsace, on dénombre environ 6 000 sorcières brûlées vives entre le XVIe et le XVIIe siècle, près de 2500 en Lorraine. Avant chaque exécution, elles étaient sauvagement torturées, puis complètement rasées. Les prêtres inquisiteurs imaginaient que le diable se cachait dans leurs poils.
Ces accusations de "sorcière !" étaient sans fondement. Souvent, il s’agissait d’éliminer des femmes gênantes pour des héritages, le remariage d'un homme, ou parce qu'elles étaient trop indépendantes. N’importe quel prétexte était bon pour accuser une femme de sorcellerie, y compris celui "d’être trop belle" ou "trop attirante". Les procès étaient expéditifs.
Malgré les protestations de son époux, Péronne Goguillon enlevée par quatre soldats qui réclamaient de l'argent, sa fille Marie-Anne Dufosset 18 ans, dénoncée par sa mère après d'horribles tortures et sa cousine Jeanne Goguillon, "une marque aurait été trouvée son corps", sont brûlées vives en 1679 à Marchiennes (Nord). Elles sont considérées comme les trois dernières femmes françaises à avoir été exécutées pour sorcellerie en France. D'autres femmes ont été accusées de sorcellerie jusqu'en 1768. Elles ont été condamnées à des amendes ou à d'autres exécutions.
Musée de la sorcière à Bergheim (Bas-Rhin), Chapelle des sorcières du Bollengerg à Orschwihr (68), Tour des sorcières et Œil de la sorcière à Thann (Haut-Rhin), Tour des sorcières à Châtenois (qui fut représentée par Hansi, et Bernard Buffet), Sabbat du Batsberg (Bas-Rhin) … Les lieux de mémoires sont nombreux en Alsace. Ils rappellent les tragédies exercées sur les femmes au Moyen Âge et à la Renaissance. À Rouffach (Haut-Rhin), il est même possible de déguster le haxasurkrut (la choucroute de la sorcière) au haxakessel (le chaudron de la sorcière), l’ancien siège local de l’Inquisition. Dans ces caves voutées furent torturées environ 50 femmes avant de périr sur le bûcher.
Vous pouvez rencontrer Pauline Fouillard pour parler « sorcière » dans son salon de thé, Les Jardins d’Utopie. Il se trouve au centre de la jolie ville de La-Petite-Pierre (Bas-Rhin). Elle propose également des plats salés.
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