Insolite : ce restaurant interdit les téléphones portables à table… et augmente son chiffre d'affaires

Des clients vissés à leur téléphone. C'est le genre de scène qu'Olivier et Sandra Holtzmann, patrons du Mamama bistrot à Rothau, ne veulent plus voir. Alors, en Septembre 2023, ils ont pris une décision drastique. Interdire l'utilisation des portables à table. Un an plus tard, le bilan est plus que positif.

Dans ce restaurant de Rothau (Bas-Rhin), le téléphone doit être laissé en mode silencieux, au fond du sac ou d'une poche. Pas question de le poser à côté de l'assiette, et encore moins de l'utiliser. Décision radicale prise par Olivier Holtzmann et son épouse Sandra il y a un an. "Cela fait 35 ans que je suis dans le métier, raconte-t-il, j'ai toujours travaillé à l'ancienne, avec des petits plats mijotés, mais en salle ça devenait pénible. Il y avait un climat pas très sympa. Certains clients nous engueulaient quand on venait servir, car ils étaient au téléphone".

Cette addiction au téléphone est de plus en plus répandue, à tel point que des linguistes allemands ont inventé un nouveau mot pour la qualifier : les smombies, contraction de "smartphone" et de "zombie". Un phénomène qu'Olivier Holtzmann a pu observer, notamment au cours d'un dîner de la Saint-Valentin. "Nous avions sept couples ce soir-là, se rappelle-t-il, et 100% d'entre eux au téléphone. À un moment, je me suis mis au milieu de la salle et je leur ai dit à tous que c'était la dernière fois que j'ouvrais mon restaurant pour la Saint-Valentin". C'était il y a six ans, et il a tenu parole.

Mais sur le fond, au quotidien, rien n'était réglé. "On a essayé la gentillesse, le chantage, la rigueur. Ça ne fonctionnait pas. Du coup, on a décidé d'interdire." La crainte était de voir la clientèle bouder le restaurant, ou écourter le repas. Mais ce ne fut pas le cas, bien au contraire. "Les gens ont recommencé à se parler entre eux. Il a eu un dimanche où un client a joué de l'accordéon. Une autre fois, des personnes qui étaient à deux tables différentes ont commencé à engager la conversation, et sont ensuite revenues ensemble". 

Sans portable, les clients sont toujours là, et ils consomment même un peu plus

Le restaurant a une capacité de 25 à 30 couverts par service, et il est souvent complet. Le patron remarque même une augmentation de la vente des desserts, de l'ordre de 20 à 30%. Sans portable, on prend le temps, on passe un bon moment. Certes, il y eut cette maman solo venue avec des enfants, dont l'un, privé de portable, a piqué une véritable crise de nerfs. "La maman, dépassée, voulait qu'on fasse une exception, mais je suis resté ferme. Et finalement, le gamin s'est calmé. Il a commencé à parler, rigoler. Et toute la famille a passé un excellent moment. Les enfants ont même promis de ne plus jamais utiliser de portable chez eux, à table". Un petit miracle.

Finalement, les clients les plus réticents ne sont pas ceux qu'on croit.... Pire que les jeunes, les seniors. "Les personnes les plus difficiles étaient âgées de plus de 65 ans. À cet âge-là, ils vous rétorquent qu'ils n'ont plus de leçon à recevoir de vous, explique Olivier Holtzmann. Du coup, deux sont partis, très poliment quand ils ont compris que je ne céderai pas. Et les deux autres, eh bien je les ai mis dehors!"

Il n'y a donc pas de passe-droit, cependant le restaurateur affirme qu'il n'est pas anti-portable. "J'ai moi-même un smartphone et je sais que c'est utile. Je ne fais pas cela pour que les gens ne soient plus joignables. Je comprends les contraintes. Seulement, je ne veux pas d'un appareil sur la table, mais rangé, en mode vibreur. Et en cas d'appel, la personne peut sortir au lieu de polluer le restaurant."

Le système fonctionne à merveille, mais n'est pas forcément transposable partout, reconnaît-il. Chacun doit trouver la solution qui correspond au type d'établissement, et de clientèle. En Italie, un restaurateur offre une bouteille de vin à ceux qui acceptent de laisser leur portable dans une boîte fermée à clé. D'autres proposent une remise sur l'addition, ou suppriment le Wifi. L'offensive contre l'invasion technologique ne fait que commencer.