L'agroforesterie est une pratique agricole. Elle donne de bons résultats et se développe en Alsace où les expérimentations se multiplient. Utiliser les arbres pour limiter les effets du réchauffement climatique est une solution d'avenir. Certains agriculteurs n'ont pas hésité à se lancer dans l'aventure.
Des arbres en plein milieu d'un champ de maïs, l'image est encore rare. Pour beaucoup, cela signifie encore une perte de rendement mais c'est peut-être le début d'une révolution. En Alsace, l'agroforesterie progresse lentement mais sûrement. À Pfettisheim, dans le Bas-Rhin, Dominique Daul a fait un pari sur l'avenir. Et c'est d'abord pour préserver les sols que cet agriculteur s'est lancé dans l'aventure.
"Ici, nous sommes sur une parcelle relativement érosive, explique Dominique Daul. Cela signifie que lorsqu'il y a des orages, un gros capital terre s'en va. Les bandes de culture en agroforesterie vont justement nous aider à préserver la terre. J'en suis convaincu. Et après, à terme, il y aura aussi un capital bois pour nos générations futures" précise l'agriculteur.
L'agroforesterie, c'est l'intégration des arbres en agriculture. Elle recouvre l'ensemble des pratiques agricoles qui associent, sur une même parcelle, des arbres (haies, alignement, bosquets...) à une culture agricole ou à de l'élevage. Elle permet d'augmenter la production tout en assurant la préservation et le renouvellement des ressources naturelles.
Du chêne, du noyer, de l’orme... Sur les parcelles de Dominique Daul, en tout, cinq rangées d’arbres sont plantées dans un vaste champ de maïs. Une expérimentation sur dix ans. Tout sera répertorié : la fertilité du sol, les rendements, les données microclimatiques. De manière à servir de référence pour le monde agricole local, "Bien sûr qu'il existe déjà des références scientifiques sur l'agroforesterie, indique Mathilde Aresi, responsable de la branche agroforesterie à la chambre d'agriculture, notamment sur l'interaction entre les arbres et les cultures. Mais elles viennent souvent du Sud-Ouest. Ici, à Pfettisheim, on a voulu créer un cahier de référence qui parle aux agriculteurs alsaciens... avec des références alsaciennes !"
Favoriser la biodiversité
À Duppigheim, dans le Bas-Rhin, Paul Heckmann a lui choisi d'emprunter cette voie. Il a planté des arbres à proximité de ses parcelles d'asperges. Le résultat ne s'est pas fait attendre, "On constate le retour de la petite faune, des oiseaux, qui nous sont très utiles dans la culture des asperges, notamment pour attraper les criocères. Ces insectes pondent des larves sur les tiges et les grignotent."
Des expérimentations concluantes
Au lycée agricole d’Obernai, cela fait aussi quelques années que l'agroforesterie est rentrée dans les mœurs. Des expériences sont menées sur la culture du houblon : des arbres, il y en a derrière, sur les côtés... et même dans la houblonnière. Et là où il n’y en a pas, un goutte-à-goutte et des filets paragrêles pour faire de l’ombre sont installés. Un modèle clé en main d’adaptation au changement climatique, "Il y a deux systèmes : le système à court terme et le système à long terme", développe Véronique Stangret, du service expérimentation et développement au lycée agricole d'Obernai. "La partie artificialisée avec l'irrigation et les paragrêles, c'est pour trouver des réponses à court terme au dérèglement climatique. En revanche, quand il s'agit de réguler le microclimat avec des arbres, là, nous sommes sur des réponses à long terme. Ces dernières vont prendre du temps à se mettre en place. Elles nécessitent de l'anticipation."
"J'utilise les arbres pour générer un peu d'ombre, ce qui va limiter l'évaporation, et pour créer de la matière organique."
Sébastien Schwach, vigneron à Ribeauvillé
Il y a encore beaucoup de chemin à faire. L’agroforesterie a besoin d’être documentée pour casser les idées reçues, notamment celle-là : les arbres feraient perdre du rendement. Chez Sébastien Schwach, vigneron à Ribeauvillé, dans le Haut-Rhin, qui a planté des arbres sur ses terres, le maximum de production viticole autorisée est quasi atteint,"J'utilise les arbres pour générer un peu d'ombre, ce qui va limiter l'évaporation, et pour créer de la matière organique. La fertilité vient des arbres".
Moins de maladies dans les cultures, moins de recours aux pesticides, moins d’érosion des sols, plus de fraîcheur, l’agroforesterie concentre beaucoup d’atouts, mais elle nécessite de l’anticipation. Il faut laisser aux arbres le temps de pousser, c’est-à-dire entre dix et quinze ans.