Début décembre 2023, plusieurs députés LFI dont le Bas-rhinois Emmanuel Fernandes ont déposé une proposition de loi visant à élargir la loi de séparation des Églises et de l'État à tout le territoire français. Avec dans le viseur le régime local des cultes en Alsace-Moselle.
Faut-il revenir sur les dispositions spécifiques du Concordat en Alsace-Moselle et en particulier sur le régime local des cultes ? C'est en tout cas ce que veulent plusieurs députés de la France Insoumise dans une proposition de loi "visant à l'application du principe de laïcité" déposée le 6 décembre 2023.
Les députés LFI veulent généraliser la loi de 1905 qui a séparé il y a plus d'un siècle les cultes et l'État français. À cette époque, les territoires alsaciens et mosellans se trouvaient en territoire allemand et ne sont donc pas concernés par cette loi. En 2023, le régime local alsacien mosellan est donc toujours en vigueur, bien que l'Alsace-Moselle soit redevenue française en 1945.
Ainsi, dans ce territoire, l'État français finance la rémunération des prêtres, des pasteurs et des rabbins, soit 1 500 fonctionnaires. Aussi, les élèves de primaire et de collège suivent des cours d'enseignement religieux obligatoires et les lieux de cultes sont financés par l'État.
56 millions d'euros par an
Autre particularité, c'est au président de la République de désigner les évêques d'Alsace-Moselle. Ainsi, Emmanuel Macron est intervenu lorsque l'archevêque de Strasbourg Luc Ravel a présenté sa démission le 20 avril 2023. On estime le coût de ce droit local des cultes à 56 millions d'euros par an, financés par les impôts des Français et des Françaises de tout le territoire.
Toutes ces dispositions s'inscrivent dans un cadre plus global, celui du Concordat. Il comprend également le régime local de santé, des associations ou de la chasse. Alsaciens et Mosellans bénéficient également de deux jours fériés supplémentaires par rapport au reste du territoire. Des dispositions que la France insoumise veut conserver.
Nous pensons qu'il faut mettre fin à cette singularité
Emmanuel FernandesDéputé LFI du Bas-Rhin
Les députés insoumis, au nom de la laïcité, demandent la fin du volet religieux de ce régime spécifique, qui n'est selon eux plus en phase avec l'époque. "Des millions d'impôts sont récoltés sur l'ensemble des Français pour financer des cultes en Alsace-Moselle. Nous pensons qu'il faut mettre fin à cette singularité", dénonce le député LFI Emmanuel Fernandes en marge d'une réunion publique dédiée le 14 décembre à Strasbourg.
Le Concordat est un traité entre la France et le Saint-Siège. Ce n'est pas une loi qui peut supprimer un traité
Éric SanderSecrétaire général à l'Institut du droit local alsacien-mosellan
"Ce qu'il faut, c'est bien réfléchir à la thématique", réagit Éric Sander, secrétaire général à l'Institut du droit local alsacien-mosellan. "Le Concordat est un traité entre la France et le Saint-Siège. Ce n'est pas une loi qui peut supprimer un traité. Dans un deuxième temps, on est tous d'accord que le droit local doit évoluer, mais il permet aussi à des cultes d'avoir des financements publics, pour les mosquées en particulier."
"Je pense qu'il faut réfléchir à deux fois. Nous avons les cultes traditionnels, issus de l'héritage historique, notamment pour les synagogues, les églises et les temples. Les nouveaux cultes apparus il y a une trentaine d'années n'ont pas d'endroit pour les pratiquer. Et le droit local est justement un avantage supplémentaire pour nos compatriotes de confession musulmane", continue Éric Sander.
Certains territoires d'outre-mer ne sont pas concernés non plus
Pour ce dernier, le Concordat Alsace-Moselle a encore toute sa légitimité en 2023. "L'Alsace-Moselle est toute aussi laïque que les autres départements français. D'ailleurs, la loi de 1905 s'applique pour l'essentiel en métropole. N'oublions pas nos compatriotes d'outre-mer où elle ne s'applique pas."
En 2013, le Conseil constitutionnel avait décidé que la rémunération des ministres des cultes était conforme à la Constitution de 1958.