Le jeudi 20 avril 2023, l'archevêque de Strasbourg Luc Ravel a présenté sa démission après une visite apostolique demandée par le pape. Particularité alsacienne et mosellane, l'État français aura son mot à dire sur le nom de son successeur, qui sera connu dans quelques mois.
Archevêque de Strasbourg depuis 2017, Luc Ravel, 65 ans, a présenté sa démission au pape François le 20 avril 2023. Dans plusieurs mois, un autre homme d'Église lui succèdera. Mais l'aval du président de la République sera nécessaire. Directeur de recherche émérite au CNRS, Francis Messner explique à France 3 Alsace cette curiosité.
Pour tout comprendre, il faut remonter en 1801. Cette année-là est signé le concordat entre le premier consul Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII. Ce document de 17 articles régit les relations entre la France et l'Église catholique.
Deux articles en particulier sont essentiels, les numéros 4 et 5. Dans le premier, il est écrit que c'est au premier consul de nommer les évêques et dans le deuxième que ces derniers nommeront les curés avec l'accord du gouvernement.
Le Concordat abrogé, mais pas partout
Plus d'un siècle plus tard, en 1905, l'Église et l'État sont séparés et le Concordat est alors abrogé. Sauf que cette année-là, les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle appartenaient à l'Empire allemand, eux qui ont été annexés en 1871. Même s'ils sont redevenus français après la Première Guerre mondiale, le Concordat est maintenu dans ces départements.
"Pour nommer l'archevêque de Strasbourg, mais aussi l'évêque de Metz, il faut à la fois une nomination par décret du président de la République et un agrément donné par Rome. Sans l'un des deux, le nouvel archevêque ne pourra pas exercer", explique Francis Messner.
À la fin, la nomination est annoncée simultanément par les deux pays.
Francis MessnerDirecteur de recherche émérite au CNRS
Dans le détail, des va-et-vient ont lieu entre Paris et le Vatican, selon une procédure très précise. "À la fin, la nomination est annoncée simultanément par les deux pays. Elle est inscrite dans l'Osservatore Romano (le service officiel d'information du Vatican, ndlr.) et dans le Journal officiel", continue celui qui est également professeur conventionné à l’Université de Strasbourg.
Francis Messner ajoute que contrairement à d'autres époques, l'Élysée n'intervient dans les faits que très peu dans la nomination de l'archevêque de Strasbourg. "Un président comme Charles de Gaulle avait des idées bien particulières sur la nomination. Aujourd'hui, l'État se contente de vérifier que tout est en ordre, notamment au niveau du casier judiciaire."
Jusqu'à ce que le Saint-Siège accepte la démission de Mgr Ravel, il continue d'être évêque.
Francis MessnerDirecteur de recherche émérite au CNRS
D'ici à la nomination d'un successeur, de nouvelles étapes attendent Luc Ravel et l'archevêché de Strasbourg : "Mgr Ravel a présenté sa démission, mais jusqu'à ce que le Saint-Siège l'accepte, il continue d'être évêque. Ce n'est qu'à partir du moment où deux textes auront été publiés en même temps dans l'Osservatore Romano et dans le Journal officiel que le siège sera considéré comme vacant."
Au moins un an avant un nouvel archevêque
S'il existe une procédure officielle lors de la vacance du siège, Francis Messner fait savoir qu'elle n'est plus appliquée à la lettre. "En réalité, le Saint-Siège devrait nommer un administrateur apostolique pour assurer l'intérim. Cela peut être quelqu'un du diocèse, mais il est plus probable qu'il s'agisse de quelqu'un d'extérieur pour le cas de la suite de Mgr Ravel."
Après cette première procédure, viendront les longs allers-retours entre le Vatican et Paris. En août 2021, l'évêque de Metz Jean-Christophe Lagleize avait démissionné de son poste, pour des raisons de santé. Il aura fallu attendre presque un an pour que son successeur, Philippe Ballot, soit désigné. "Après tout ce qu'il s'est passé dans l'archevêché de Strasbourg, on peut imaginer que cela prenne plus de temps", prédit Francis Messner.