Abus sexuels, pétition, enquête du Vatican : pourquoi l'archevêché de Strasbourg est dans la tourmente

Alors que la colère de certains paroissiens à l'égard de l'archevêque de Strasbourg, Mgr Ravel, s'exprime désormais via une pétition, la révélation de nouvelles affaires d'abus sexuels et gestes déplacés secoue le diocèse. La théologienne Marie-Jo Thiel nous offre son regard sur cette période tourmentée.

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Que se passe-t-il au diocèse de Strasbourg ? Ce 19 avril est révélée par nos confrères des DNA une nouvelle affaire qui concerne cette fois le chancelier de l'archevêché de Strasbourg, Bernard Xibaut. Cette figure de l'archevêché est accusé par un ancien séminariste de comportement déplacé à son égard. Les faits remonteraient à 2006 et seraient connus de l'archevêque Luc Ravel, qui, pour le moment, semble ne pas vouloir agir.

Alors même qu'il a écarté la veille du conseil épiscopal le vicaire général Hubert Schmitt, mis en cause pour des gestes déplacés à l'égard d'un jeune paroissien de 13 ans, il y a une trentaine d'années. Et démis d'une partie de ses fonctions, par l'exclusion du conseil épiscopal, au début du mois d'avril un autre pilier du diocèse, Mgr Christian Kratz, évêque auxiliaire, accusé d'avoir mal géré les agissements de l'ex-aumônier du collège épiscopal Saint-Etienne, qui s'est suicidé en janvier.

Monseigneur Ravel, qui porte depuis son arrivée la lutte contre les abus sexuels au sein de l'église, se retrouve au cœur de la tourmente. Tourmente alimentée par le courroux de "chrétiens en souffrance", exprimé dans une pétition appelant à la démission de l'archevêque (pétition qui a dépassé les 1.000 signatures ce 19 avril, NDLR), visé par une enquête pontificale depuis juillet 2022 autour de ses méthodes managériales.

La théologienne Marie-Jo Thiel, professeur émérite à l'université de Strasbourg, fondatrice du centre européen d'enseignement et de recherche en éthique, a accepté de nous apporter son éclairage sur cette situation complexe. Elle est notamment l'autrice de l'ouvrage "L'Eglise catholique face aux abus sexuels sur mineurs."

Comment jugez-vous les dernières révélations et mises à l'écart ?

"On a le sentiment d'un vrai branle-bas de combat de chefs, qui déstabilise toute la communauté catholique, et surtout la base, "le peuple de Dieu". Les prêtres, les laïcs qui donnent leur vie à l'Église, sont totalement démunis, désespérés même. Ils ne savent plus qui est aux manettes !

Je suis bien sûr pour une transparence sur les affaires d'abus sexuels, mais une transparence responsable, c'est-à-dire qui prenne avant toute chose en compte les victimes. Pas qui serve de règlement de compte entre chefs."

Quelle vous paraît être la solution pour sortir de cet imbroglio ?

"Luc Ravel lui-même a la réponse. Il ne fait pas de doute que l'enquête apostolique a conclu à son nécessaire retrait. Il a eu connaissance des conclusions, mais il n'a pas clairement présenté sa démission. Il gagne du temps, il ne veut a priori pas démissionner. Mais pour retrouver la sérénité, la communauté catholique a besoin de ce changement.

J'en ai appelé au nonce apostolique et au président de la Conférence des évêques de France, pour que la situation soit éclaircie, que Rome communique les conclusions de l'enquête sur Luc Ravel.

Il y a eu un changement à la tête du dicastère pour les évêques (qui gère tout ce qui concerne les évêques et leurs diocèses, NDLR). Mgr Francis Prevost, qui vient de prendre cette charge, va sans doute reprendre le dossier plus fermement en main. Mais le temps de Rome n'est pas toujours celui de l'urgence, il y a probablement encore un peu de temps qui peut se passer avant ce changement nécessaire à l'apaisement."

Comprenez-vous que des paroissiens, par le biais d'une pétition, entendent mettre la pression sur Mgr Ravel ?

"L'Eglise, ce ne sont pas les évêques, ce n'est pas le diocèse. L'Eglise, c'est 'le peuple de Dieu', et il est dans son droit d'exprimer ses attentes et ses doutes. 

Luc Ravel, qui pourtant, dans son parcours de religieux puis d'évêque aux armées, sait ce qu'est l'obéissance, n'obéit pas à l'injonction de sa hiérarchie. Ces paroissiens sont démunis face à cette situation, ils ont trouvé le biais de cette pétition pour s'exprimer en tant qu'hommes, femmes, baptisés, cela ne me choque pas."

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