La pauvreté s'aggrave en France : "au Secours populaire d'Alsace, nous avons accueilli 30% de personnes supplémentaires"

Ce jeudi 12 septembre, le Secours populaire français lance sa campagne annuelle "Pauvreté - Précarité" 2024. Selon le sondage réalisé par l'institut Ipsos, la précarité augmenterait encore en France cette année. 62% des Français disent ainsi connaître ou avoir connu une situation de pauvreté, soit 4 points de plus que l'an dernier.

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Les chiffres sont alarmants. Dans son dernier rapport sur la pauvreté en France, publié ce jeudi 12 septembre, en partenariat avec l'Institut Ipsos, le Secours populaire français dresse un constat pour le moins accablant. Cette année encore, la précarité augmente, notre société se paupérise. L'Alsace n'échappe pas à la règle. "Le rapport confirme toutes nos observations de terrain" explique Camille Vega, secrétaire général du Secours populaire du Bas-Rhin. 

Pour réaliser cette enquête, Ipsos a interrogé par téléphone 996 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française, âgées de 16 ans et plus. Un focus a été mis, pour la France, sur la précarité rurale et périurbaine. Extraits.

Le seuil de pauvreté subjectif à 2 euros du SMIC

Ainsi les grandes lignes qui se dégagent de ce rapport sont d'abord le sentiment de pauvreté qui n’est plus qu’à quelques euros du SMIC. La grande fragilité de nombreux ménages se reflète dans la hausse, pour la troisième année consécutive, du "seuil de pauvreté objectif" : une personne seule doit désormais disposer de 1396 euros par mois pour ne pas être considérée comme pauvre, selon les Français. Or, à ce niveau, elle n’est qu’à deux euros du SMIC 2024  (1398 euros nets pour un mois travaillé à temps plein).

62% des Français ont connu ou sont sur le point de connaître une situation de pauvreté (+ 4% depuis 2023) et les privations de besoins essentiels au quotidien sont toujours plus nombreuses, notamment pour les ruraux. 

"Il n'y a pas de focus régionaux dans cette étude, mais nos chiffres d'activité sont parlants. En règle générale, le baromètre Ipsos vient confirmer nos observations de terrain. 62% des Français qui déclarent avoir connu ou presque connu une situation de pauvreté, on le voit avec le nombre de personnes qui viennent frapper à nos portes. Depuis quelques années, le public change : travailleurs précaires, étudiants, retraités. Sur l'ensemble de l'Alsace, entre 2022 et 2023, nous avons accueilli 39.000 personnes, 30% de plus qu'entre 2021 et 2022" précise Camille Vega.

Une nouvelle dégradation des conditions de vie est constatée en 2024 sur de nombreux postes budgétaires essentiels tels que l’énergie, le logement ou l’accès à une mutuelle santé :" jamais les difficultés enregistrées sur ces postes n’ont été aussi élevées". Près d’une personne sur deux a du mal à payer ses factures d’énergie : 47%, un nouveau record (+ de 2 points)." Les factures sont si lourdes que 43% des personnes interrogées ne chauffent pas leur logement quand il fait froid, parfois ou régulièrement". De même, le coût du logement "fragilise les familles à un niveau jamais mesuré auparavant : 38% ont des difficultés à payer leur loyer ou leur emprunt immobilier (+ 4 points). Et concernant la santé, 29% des répondants éprouvent de fortes contraintes pour disposer d’une mutuelle (+ 3 points)".

Focus sur les zones rurales

La précarité s’aggrave donc en France, et ce, malgré une légère accalmie sur le front de l’inflation. Cette année, le focus France du sondage porte sur les zones rurales et périurbaines, où "la précarité et la pauvreté sont exacerbées par des inégalités territoriales, des difficultés d’accès aux droits, aux soins ou encore à l’emploi". 

Ipsos Pour Le Secours Popul... by France3 Alsace

Deux Français sur cinq disent désormais avoir traversé une période de "grande fragilité financière" au moins à un moment de leur vie. Le Secours populaire précise que "jamais ce niveau n’a été aussi élevé depuis le pic enregistré en 2013".  Cette fragilité financière touche d’abord les catégories populaires. "Parmi les personnes vivant dans les communes rurales, zones où la population est constituée d’une part importante d’ouvriers et d’employés, le niveau monte à 69%".

De même, "57% des ruraux peinent à partir en vacances au moins une fois par an". C’est 9 points au-dessus de l’ensemble de la population. Et, hors des métropoles, "40% des répondants ont de grandes difficultés à disposer d’équipements numériques en état de fonctionnement". C’est 7 points de plus que l’ensemble des Français. "Une privation qui marginalise dans une société où l’accès aux services, et même aux services publics, a massivement migré sur internet".

"Cela aussi est confirmé pas nos observations. Nous aussi constatons que le problème de la précarité est de plus en plus important dans le monde rural. Le mythe du jardinet et du potager a fait long feu. Dans nos antennes de Mutzig, Bischwiller ou Munster, les gens que nous recevons se sentent de plus en plus isolés. Absence de services publics, difficultés d'accès aux outils numériques créent un sentiment de marginalisation qui renforce cette précarité. Nous, on multiplie nos actions vers ces zones rurales avec notre Solidaribus. Le besoin est bien réel" précise Camille Vega. 

Des craintes pour l'avenir


La crainte d’une transmission de la pauvreté entre générations est massivement partagée : "79% des Français estiment que les risques sont plus élevés pour les jeunes". "C’est chez les parents d’enfants de moins de 18 ans que l’inquiétude est la plus grande (86%). Cette préoccupation s’est stabilisée à ces niveaux très élevés depuis 2018". Le manque de confiance dans le futur au vu de la "calcification continue des processus de reproduction des inégalités" est préoccupant. 

En Europe, la situation est similaire, notamment pour l’accès aux soins, indique le Secours populaire : "Près de trois Européens sur dix (29%) se déclarent aujourd’hui en situation de précarité face à l’ensemble de leurs dépenses. Près d’un Européen sur trois (27%) déclare avoir faim, mais sauter un repas. Plus d’un Européen sur trois (34%) a déjà renoncé à se faire soigner en raison de sa situation financière."

Il est donc grand temps que les gens en responsabilité fassent en sorte que la situation s'améliore, qu'ils assument ces responsabilités

Camille Vega, secrétaire général Secours populaire 67

"Cela fait des années que nous alertons sur cette précarisation, des années que le mouvement se poursuit. Il est donc grand temps que les gens en responsabilité fassent en sorte que la situation s'améliore et qu'ils assument ces responsabilités. Le point optimiste de cette étude, c'est que 66% des gens souhaitent s'engager dans la solidarité. On le voit chez nous aussi. Nos donateurs sont toujours là et généreux. Il y a cette possibilité d'avoir un monde plus juste et solidaire. Chacun doit faire sa part. La société civile ne doit pas pallier les carences politiques, mais il en va de notre responsabilité, à titre individuel, de tendre la main à ceux qui en ont besoin" conclut Camille Vega.

4,1 millions de personnes ont été soutenues en 2023 en France, en Europe et dans le monde par le Secours populaire.

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