À l’issue du premier tour des élections législatives anticipées de 2024, le Rassemblement national est en tête dans onze circonscriptions alsaciennes sur quinze. Un tiers pourrait basculer au second tour, estiment des spécialistes. L'Alsace n'a encore jamais élu de député Rassemblement national.
Au lendemain du premier tour des élections législatives anticipées, le Rassemblement national ressort avec un score historique en Alsace. Sur les quinze circonscriptions composant le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, onze sont dominés par un candidat RN.
"Ce n'est pas la première fois que le Rassemblement national est au second tour, la différence c'est que les scores n'étaient pas aussi élevés", explique Sébastien Michon, politologue et directeur de recherche au CNRS. Huit candidats font plus de 38% des voix, dont cinq au-delà de 40%. "Quand on a un candidat en deuxième position qui fait 24% et l'autre aux alentours de 40%, c'est presque impossible à rattraper", estime-t-il.
Cette percée exceptionnelle de l'extrême droite est également inédite dans les villes. Alors que trois circonscriptions de Strasbourg placent le Nouveau Front populaire en tête, "on voit que dans deux d'entre elles il y a une triangulaire avec le RN, ce n'est pas rien." Dans la quatrième circonscription de Strasbourg, la candidate du parti d'extrême droite est même en tête alors qu'elle avait échoué à se qualifier au second tour en 2022.
Des reports de voix moins efficaces
L'enjeu se trouve maintenant sur la qualité des reports de voix pour le second tour. Alors que les scores affichaient cinq triangulaires, les candidats du Nouveau Front Populaire arrivés en troisième position ont décidé de se retirer conformément à la stratégie du mouvement politique. "Mais le front républicain risque d'être moins efficace à droite qu’à gauche : le bloc présidentiel ne donne pas de consignes claires, et les électeurs de gauche ressentent une certaine lassitude à tout le temps devoir faire barrage", analyse le chercheur.
Un avis que partage le politologue Philippe Breton. "Je crains qu’il n’y ait pas de dynamique de report comme il y a pu y avoir à d’autres élections, et ça pour plusieurs raisons." En cause notamment : la perception des électeurs qui ne voient plus le RN comme une menace. "Cette notion de menace, on la retrouve chez les électeurs citadins, mais en Alsace du nord par exemple, on ne voit pas de danger".
Après une campagne éclair "très agressive", les électeurs se sentent également un peu perdus dans les consignes de vote. "Demander aujourd'hui de voter pour un candidat dont ils pensaient la semaine précédente que c’était surtout celui pour qui il ne fallait pas voter, c’est un exercice quand même compliqué", juge-t-il.
Cinq députés RN élus au second tour ?
Conséquence de ce manque d'efficacité des reports de voix, certaines circonscriptions seraient en passe de basculer entre les mains du Rassemblement national estime Philippe Breton. "Le RN fait lors de ce 1er tour le pourcentage qu’il faisait au 2e tour des législatives de 2022, et ils ont peut-être encore un tout petit réservoir de voix. Au moins dans 5 circonscriptions, le parti est tout à fait au bord d’accéder à la députation."
On retrouve notamment la huitième circonscription du Bas-Rhin, où Théo Bernhard, candidat RN, culmine à 44% face à la députée sortante Horizons, Stéphanie Kochert, et ses 23,51%. "Le chemin est déjà largement fait pour lui, c'est une circonscription très à droite", estime Sébastien Michon. De même pour la quatrième circonscription du Haut-Rhin où le RN remporte près de 42% des suffrages contre 29% pour le député sortant LR. "Une remontée là, cela relève de l'ordre du miracle, là aussi c'est très tendu."
Pour rappel, le second tour de ces élections législatives anticipées se déroulera dimanche 7 juillet 2024. L'élection d'un député du Rassemblement national serait une première en Alsace.