Législatives 2024. "Je ne peux pas rester les bras croisés" : par peur du RN, ces femmes et ces hommes militent pour la première fois

Officiellement lancée ce lundi 17 juin, la campagne pour les élections législatives anticipées (30 juin - 7 juillet) voit un certain nombre de nouveaux militants s'engager. Jusqu'ici simple électeurs, ils et elles ont choisi de "passer à l'action" face au "danger de l'extrême-droite au pouvoir".

Il y a d'abord eu la sidération, lorsqu'Emmanuel Macron a annoncé dissoudre l'Assemblée nationale au soir des élections européennes le 9 juin dernier. Puis, très vite, une peur nouvelle qui s'est insinuée : celle de voir, pour la première fois, le Rassemblement national (RN) au pouvoir à l'issue des élections législatives anticipées (30 juin - 7 juillet). C'est en tout cas ce que nous racontent l'ensemble de ces néo-militants, engagés auprès du Nouveau Front Populaire (NFP) ou de la majorité présidentielle, alors qu'ils s'apprêtent ou qu'ils se sont déjà rendus, pour la première fois donc, sur le terrain pour convaincre les indécis. 

"Je me suis tout de suite dit que je ne pouvais pas ne rien faire, confie Jean-Michel Doppler, qui s'est engagé dans la campagne du candidat Modem de la majorité présidentielle dans la 1ʳᵉ circonscription du Haut-Rhin, Hubert Ott. Je n'ai aucune expérience de militantisme, je me suis toujours tenu à l'écart de la politique. Pour moi, l'engagement pour les autres est d'abord associatif. Mais là, le RN, ce n'est pas possible, ça va à l'encontre de mes valeurs profondes."

Alors Jean-Michel Doppler a décidé d'aller au-delà du simple vote, lui qui jusqu'ici considérait que cela suffisait à son devoir citoyen. "Je ne veux surtout pas avoir de remords après coup. Au moins je saurai que j'ai fait ma part, même si c'est une petite goutte d'eau." Tractage, porte-à-porte, distribution de flyers dans les boîtes aux lettres : les moyens d'agir sont nombreux pour Jean-Michel Doppler et les autres néo-militants, comme Xavier, 23 ans, ou Rebecca, 27 ans, tous deux engagés auprès du Nouveau Front Populaire (NPF). Encore faut-il savoir comment faire concrètement.  

Un savoir-faire à maîtriser en peu de temps

Le premier obstacle, c'est de trouver comment s'engager et auprès de qui s'informer. "Dès l'annonce de la dissolution, j'ai essayé de me renseigner, il n'y avait pas trop d'infos, explique Xavier. Finalement, je suis tombé sur une story de La France Insoumise (LFI) qui conviait les volontaires à une réunion pour agir." Conscients qu'un nouveau public de militants pourrait être en demande d'informations et d'occasions de s'investir, les responsables de campagne ont fait en sorte d'être présents, comme nous le raconte Théo Verneuil, coresponsable des Jeunes Socialistes à Strasbourg. "On a eu énormément de messages dans les jours qui ont suivi la création du Nouveau Front populaire, de personnes qui nous demandaient : comment est-ce que je peux aider ? On a créé un groupe Whatsapp et on a eu 200 membres en l'espace de quelques heures. Je n'ai jamais vu ça. Ce sont des gens qui n'ont jamais milité pour nous et qui ne le referont peut-être plus après, on le sait."

La réunion de Xavier a eu lieu dès le lendemain, en ligne. Il y rencontre "une vingtaine de personnes qui n'avaient jamais milité non plus". "On a tous demandé à être accompagnés de militants plus expérimentés pour nos premières opérations", raconte-t-il. La culture militante n'est en effet pas innée. Il existe des formations, des documents résumant les réflexes à adopter en porte-à-porte, les principales lignes du programme, ou encore la manière dont il est possible d’aborder la discussion avec une personne qui semble indécise sur son vote. "Mais on a très peu de temps avec les élections, donc il est difficile de s'organiser spécifiquement pour les accueillir et les former, comme on le ferait dans une campagne plus traditionnelle", explique cependant Théo Verneuil, faisant référence aux deux semaines dont disposent les équipes avant le 1ᵉʳ tour du 30 juin. 

Rebecca, une orthophoniste de 27 ans, s'est, elle aussi, pour la première fois engagée dans une campagne. "J'ai déjà fait une opération de tractage et ça a été. La difficulté, c'est quand les gens se braquent sur une personnalité, plutôt que sur les idées, là, je ne sais pas trop que répondre", explique la jeune femme, qui défend une candidature du NFP à Strasbourg. Jusqu'ici, elle avait systématiquement voté aux différentes élections, mais ne s'était jamais engagée sur le terrain. "Le maximum que j'avais fait jusqu'à maintenant,c'était de participer aux manifs. En fait, j'avais toujours l'impression de ne pas adhérer totalement au programme de tel ou tel parti, alors je ne me voyais pas militer. Ou alors, je manquais juste de temps. Mais là, cette situation fait qu'on prend forcément du recul. Tant pis pour les petits désaccords, ça passe au second plan. Il faut se bouger." 

La peur que l'histoire se répète

Rebecca a ressenti un grand moment de solitude au soir des résultats des européennes et de l'annonce de la dissolution. "Quand j'ai compris que Le Pen pouvait vraiment, cette fois-ci, arriver au pouvoir, je me suis sentie envahie par la peur. J'avais besoin de parler à d'autres personnes qui ressentaient la même chose que moi, la colère, le choc, l'envie de passer à l'action. Il y avait une sorte d'immobilisme chez mes proches." C'est aussi cette envie de dépasser son cercle habituel, compte tenu du contexte qu'il juge "exceptionnel", qui a poussé Xavier à aller au-delà du simple bulletin de vote à glisser dans l'urne. "Mais parents ne militent pas, mais ils comprennent pourquoi je fais ce choix, maintenant. Et ça ne les étonne pas tant que ça... Après, dans ma famille, il y a des gens qui peuvent voter RN, je le sais, mais je sens que j'ai très peu de marge vis-à-vis d'eux. Alors que j'ai l'impression que je peux arriver à convaincre des inconnus dans la rue ou en porte-à-porte.

Cela me fait peur de voir qu'on peut retourner dans une spirale du repli sur soi comme à l'époque

Jean-Michel Doppler, nouveau militant pour la majorité présidentielle

Xavier dit craindre pour les droits des personnes LGBT et des personnes racisées. Jean-Michel Doppler, lui, a "peur de revivre des moments sombres de l'histoire". Ce cadre de santé à l'hôpital raconte avoir été "confronté de plein fouet à la crise du Covid" et en avoir retenu "à quel point l'Europe était indispensable". "Nous avons pu transférer des patients dans d'autres d'Europe et ça a sauvé des vies. C'est une hérésie de penser qu'on peut s'en sortir sans l'Europe. C'est vrai qu'ils disent qu'ils ne veulent plus sortir de l'Europe, mais je ne suis pas dupe. Moi, ça me fait peur de voir qu'on peut retourner dans une spirale du repli sur soi comme avant." Comme Xavier, il craignait "l'exposition" liée au militantisme. "On ne sait jamais aujourd'hui quand on voit la haine qu'il peut y avoir sur les réseaux sociaux, ça peut être dangereux d'afficher ses opinions". Mais cela ne l'a pas dissuadé de "passer à l'action". 

Selon Théo Verneuil, coresponsable des Jeunes socialistes à Strasbourg, le point commun de tous ces néo-militants était la "détermination à s'engager, malgré toutes les appréhensions". "On assiste à un véritable éveil des consciences, à mon avis, au-delà des partis politiques", estime-t-il. 

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