Germain Muller, célèbre auteur de théâtre et de cabaret alsacien, a vécu la Seconde Guerre mondiale, la Libération et l'épuration qui a suivi. Durant quelques années, il en a fait le thème principal de la revue annuelle de son cabaret, le Barabli, ainsi que de son œuvre la plus connue : "Enfin, redde m'r nimm devun". Lionel Heinerich, spécialiste de Germain, nous raconte.
Impossible de ne pas l'évoquer lorsque l'on s'intéresse aux 80 ans de la Libération. C'est une oeuvre maîtresse de la culture alsacienne : "Enfin, redde m'r nimm devun" (Enfin, n'en parlons plus), la pièce de théâtre de Germain Muller. Elle raconte l'histoire d'une famille durant la Seconde Guerre mondiale, l'exil en Dordogne, le retour en Alsace occupée...
"Germain s'est inspiré de sa propre vie pour l'écrire", nous explique Lionel Heinerich, passionné par son oeuvre et collectionneur d'objets en rapport avec le Barabli. Il nous raconte cette anecdote, sortie d'une biographie de l'artiste, selon laquelle Germain, déserteur de l'armée allemande, s'est caché durant quelques jours à Mulhouse avant de rejoindre un camp en Suisse. "Il était dans le cabinet de son oncle, à l'insu de celui-ci", poursuit Lionel. "Il a failli se faire repérer à cause de l'odeur de fumée qui se dégageait de la chambre...C'était un grand fumeur."
Germain Muller, rassembleur des Alsaciens
Dans "Enfin, redde m'r nimm devun", la mère de famille, Célestine, cache elle aussi des prisonniers au grenier. Et c'est son mari, Gustave, au départ réticent à cette participation active à un réseau de résistance, qui en retirera les lauriers après la guerre.. Comme l'oncle de Germain, insistant auprès de son neveu pour parader dans les rues de Mulhouse avec lui après la Libération. Mais si Germain Muller, de son propre aveu, est passé entre les mailles du filet, évitant soigneusement de se battre, il a longtemps fait de la guerre la thématique centrale de ses revues, après la création du Barabli, en 1946.
De cette vision critique de la Seconde Guerre mondiale, et de l'épuration qui a suivi, deux textes principaux se dégagent, selon Lionel Heinerich : "Die wo" (Ceux qui), évoquant notamment les anciens collabos, et "La chambre civique", courte pièce de théâtre écrite par Germain pour pointer du doigt les tribunaux chargés de juger les Alsaciens ayant travaillé pour les Allemands durant la guerre. "Cela ne plaisait pas à Germain", selon notre collectionneur. "Il était d'accord pour qu'on punisse les gros, mais il n'aimait pas qu'on embête les petites gens qui n'avaient fait que leur travail". Et puis, "le Barabli avait pour mission de réunir les Alsaciens". Rassembleur, Germain Muller. Drôle, engagé et persuadé de faire du cabaret de moeurs dans un pays libre, après la guerre.