Le marathon des sables est un défi hors normes : 250 kilomètres à parcourir en sept jours dans le désert marocain. Chaleur extrême, terrain hostile, autosuffisance alimentaire : pourquoi se lancer dans une telle aventure? Quatre Alsaciens nous confient leurs attentes et leurs craintes.
Ils ne se connaissaient pas jusque-là, mais dans le café strasbourgeois où nous les avons réunis, la conversation s'anime aussitôt. "Vous en êtes où de la préparation de votre sac?" "Je viens de recevoir mes plats lyophilisés, j'ai un peu testé." "Moi, je vise le meilleur rapport poids/calories."
Pour qui n'est pas spécialiste des courses longue distance, les propos paraissent étranges, échangés autour d'un café. Mais pour ces quatre futurs compagnons d'aventure, ils sont précieux, à dix jours de se lancer dans un défi fou : Audrey, Nicolas, Raphaël, la trentaine, et Agnès, 20 ans de plus, vont participer à leur premier marathon des sables. Tous les conseils sont les bienvenus.
Cette épreuve mythique, organisée depuis 37 ans dans le désert marocain, propose à 1 200 coureurs de parcourir 250 kilomètres en plein désert. Six étapes en sept jours, dont l'une invite les participants à courir et marcher de nuit. Les températures peuvent y frôler les 50 degrés. Le sable et la pierraille martyrisent les pieds.
Et il faut gérer son alimentation en autonomie, seule l'eau est fournie par l'organisation.
Autour de huit kilos sur le dos
Le poids du sac est donc une préoccupation majeure pour les coureurs - six kilos et demi minimum pour chacun, et sans doute autour de huit kilos pour la majorité d'entre eux. Il ajoutera de la difficulté. Mais ce que nos Alsaciens de l'extrême craignent encore plus, ce sont les ampoules.
Tous les quatre tannent leurs pieds depuis plusieurs semaines, pour les endurcir, en les enduisant de crèmes...et de citron! "Rajouter une couche n'est pas forcément la solution, d'après ce que j'ai pu lire, avance Nicolas. "J'ai essayé lors de mon trek dans le désert, répond Agnès, j'ai eu des ampoules, mais moins profondes, et plus tardivement. Cela vaut le coup de tenter!" "Oui, parce que ça peut gâcher l'aventure. C'est ma pire crainte, avec la grosse blessure", renchérit Audrey.
Les deux femmes sont les seules à avoir une certaine expérience du désert, un trek pour Agnès, un semi-marathon pour Audrey. Toutes les deux ne demandent qu'à y retourner. "Etre seule, comme ça, dans un environnement hostile, en pleine nature, c'est très excitant", s'enthousiasme Audrey, qui travaille dans la logistique et les transports. Comme Agnès, enseignante, elle aime sortir ainsi de son quotidien.
Le désert, c'est sublimant. On en revient à l'essentiel de la vie : se nourrir, dormir, avancer.
Agnès Barrère, participante au marathon des sables 2023
Un contexte très propice à l'introspection, affirment-ils tous les quatre. "Je compare ça à un effet "machine à laver" : je pars avec mes questions, mes doutes, et je repars de là-bas au clair." Raphaël Mathieu a deux enfants en bas-âge. Pendant de longs mois, il lui a fallu jongler entre sa vie de famille, son travail dans l'ingénierie énergétique et ses six séances d'entraînement hebdomadaires.
Jusqu'à 300 kilomètres en un mois pour se préparer
La préparation fait partie de l'aventure. "Ah oui, le marathon des sables fait complètement partie de ma vie ! Avec moi, il y a mon mari et le marathon", sourit Audrey qui a enchaîné les sorties tôt le matin, avant d'aller travailler et les courses de deux ou trois heures les week-ends tout au long de l'hiver. "En février, j'ai couru 300 kilomètres. Je ne me rends pas du tout compte, c'est fou!"
Tous, par ce défi immense, veulent interroger leurs limites. "Le corps humain est une machine incroyable", estime Nicolas, kinésithérapeute et ostéopathe à Colmar. "Je suis curieux de voir comment il va réagir par exemple à la chaleur, aux risques de déshydratation, auxquels je n'ai jamais été confronté".
Repousser les limites, lutter face à soi-même et se prouver qu'on est capable de relever un défi physique et humain hors norme. Partager aussi une aventure humaine : avant même de la commencer, Agnès, Audrey, Nicolas et Raphaël ont commencé à la vivre ensemble. Avec l'objectif commun de franchir la ligne d'arrivée, le 1er mai, aux portes du Sahara.