Alors qu'elle coule à flot les soirs de match, ou sur les terrasses ensoleillées, la bière serait menacée par un manque de CO2, utilisé pour gazéifier les boissons et les servir à la pression. Ce sont les Anglais qui les premiers se sont alarmés. En Alsace, les brasseurs se veulent rassurants.
Manquer de bière en pleine coupe du monde de football? Et alors qu'en été, la petite mousse du début de soirée en terrasse est presque une question de survie (à consommer avec modération, cela va de soi)? C'est le très sérieux Financial Times (abonnés) qui relayait l'alerte il y a quelques jours. De nombreux médias s'en sont saisis, créant le buzz surtout chez les supporters de foot, qui se voient mal finir la compétition privés de houblon. Qu'ils se rassurent : la menace d'une pénurie de CO2, et donc de bulles, pèse aujourd'hui surtout sur les sodas, car la bière produit naturellement une grande partie du gaz dont elle a besoin lors du processus de fermentation. Alors en Alsace, première région productrice de France, pas de panique.
Qu'est-ce que le CO2 a à voir avec la bière?
Pour faire simple, il sert à faire pétiller les boissons de type soda. Et, à toute petite dose, dans certaines bières, produites en très grande quantité par les groupes industriels, qui peuvent en ajouter, à la marge, au moment de la mise en bouteille. Si la bière est gazeuse, c'est avant tout naturel, le CO2 étant produit par la levure au moment de la fermentation. Et les Anglais, à la source de ce vent de panique, devraient être encore moins inquiets puisque "leur bière n'est pas carbonatée, explique Eric Trossat, président des Brasseurs d'Alsace. Elle est plate, comme toutes les bières anglo-saxonnes. Donc eux n'injectent certainement pas de CO2 dedans!"Plus problématique, le CO2 est injecté dans les fûts pour tirer les bières à la pression. Les brasseurs anglais s'en sont donc inquiétés, alors que cinq sites de production d'ammoniac sont fermés simultanément, pour maintenance, au Royaume-Uni. C'est de l'ammoniac que découle le CO2, qui est ensuite purifié pour une utilisation alimentaire. Air Liquide, l'une des entreprises qui traite le gaz, et qui possède un site à Strasbourg, s'est donc dit "au fait de cette pénurie de CO2, mais pas spécialement inquiet, car c'est une pénurie temporaire", dont elle n'est de toute façon pas responsable.
Comment réagissent les brasseurs alsaciens?
Avec un flegme... très britannique. Alors que la région produit 60% de la bière française (produite en France), soit environ 12 millions d'hectolitres par an, le président des Brasseurs d'Alsace, qui représentent pas loin d'une trentaine de professionnels en y incluant les membres de la corporation des artisans brasseurs, avoue suivre le problème de très loin. "Les brasseurs de bière artisanale, qui sont de plus en plus nombreux, n'utilisent de toute façon pas de CO2, et même chez les grands producteurs, ça reste marginal. La bière, même celle des groupes internationaux comme Heineken ou Kronenbourg, est produite en Alsace, à Schiltigheim ou Obernai. On a tous plus ou moins le même processus de fabrication."Quant à la question de la gestion de la pression, chez Meteor, on affirme que "les prix du CO2 sont négociés sur l'année". Il n'y aurait donc pas de risque de voir le prix de la mousse flamber dans les bistrots. Les températures peuvent grimper, comme annoncé par Météo France pour la fin de semaine, il restera possible de se désaltérer, devant un match ou non, avec une bonne bière (à consommer avec modération, je suis tenue de le rappeler à nouveau!)