Pénurie d'essence : les infirmiers libéraux craignent pour leurs tournées à domicile

Les infirmiers libéraux à domicile du Grand Est tirent la sonnette d'alarme. Face aux tensions sur l'essence qui perdurent depuis plusieurs jours, beaucoup expliquent que leurs réservoirs sont sur la réserve, bientôt à sec, ce qui rendrait impossible les visites à domicile. Ils réclament un accès facilité aux stations-service.

Le week-end écoulé fut un véritable cauchemar pour les infirmiers libéraux à domicile. Car personne ne s'attendait à une situation aussi tendue. "Lorsque j'ai contacté l'ARS, l'agence régionale de santé, en milieu de semaine dernière, les retours n'étaient pas aussi pessimistes. Pourtant, on constate qu'il y a des zones de fortes tensions sur tout le Grand Est. Principalement dans la Marne, mais aussi en Alsace" explique Julien Boehringer, président de l'URPS Grand Est. 

Dans les faits, une station d'essence sur trois est en manque d'au moins un carburant. Pour les infirmiers libéraux, cela signifie trouver un site d'approvisionnement encore opérationnel, puis attendre parmi les autres usagers, parfois une heure avant de pouvoir se servir à la pompe. Conséquence : c'est du temps en moins pour les patients, et des retards dans les tournées.

"Nous réclamons un accès prioritaire sur présentation de la carte professionnelle" explique Julien Boehringer qui s'est mis en relation avec la préfecture lundi matin. "Si on avait anticipé, on n'en serait pas là, mais maintenant il y a urgence" dit-il. Car le niveau des réservoirs flirte dangereusement avec la ligne rouge. Et afin de mieux étayer ses arguments auprès des représentants de l'Etat, l'URPS a soumis lundi après-midi un questionnaire en ligne auprès de 8000 infirmiers libéraux du Grand Est - 2000 en Alsace. Bilan : 600 réponses en 40 minutes. Preuve que le sujet préoccupe.

Plus une goutte d'essence

Après un week-end compliqué, les difficultés d'approvisionnement augmentent d'un cran en ce début de semaine dans le nord de l'Alsace. A Mothern, Aline Stoltz fait partie d'un cabinet qui compte cinq infirmiers libéraux. " Ce matin, on a eu un gros problème raconte-t-elle. L'une de nos collègues était quasi en panne sèche. Mais elle n'a pas pu trouver de l'essence, ni à Wissembourg, ni à Seltz, n à Soultz. Elle a dû aller jusqu'à Haguenau pour en avoir". Soit à plus de 35 km du cabinet, des kilomètres en plus, et du carburant consommé inutilement. 

Le cabinet de soins infirmiers assure deux tournées le matin, et autant le soir. Tous les jours, week-end compris, avec en moyenne, 80 kilomètres parcourus quotidiennement. Cela peut aller jusqu'à 200 km par jour pour certains professionnels en milieu rural.

"On essaye de se débrouiller, on a une voiture électrique et ça nous aide, mais ça ne suffit pas. La grève, la guerre en Ukraine, on évoque toutes ces raisons, mais on aurait pu mieux organiser les choses pour que les soignants n'en pâtissent pas" dit-elle.

Les raisons d'une pénurie

La grève dans les raffineries explique en partie la pénurie. Mais en partie seulement. Selon Yves Fuchs, le Président des gérants de stations-service en Alsace, cette tension est surtout liée à une demande en forte hausse, suite aux remises à la pompe octroyées  par le gouvernement, ainsi que celles qui ont été décidées par Total. "On assiste à une forte augmentation des demandes, alors que les livraisons sont restées au même niveau. Les transporteurs n'ont pas augmenté leur cadence" explique-t-il

Des transporteurs qui sont pourtant désormais autorisés à rouler le week-end pour tenter d'améliorer la situation. "Mais ça ne s'est pas vu le week-end dernier. Ce genre de mesure ne se décrète pas, dit-il. Les transporteurs n'ont pas pu rappeler les salariés en repos. Ça ne se fait pas comme cela"

En Alsace, zone frontalière, ces ristournes génèrent un effet pervers supplémentaire. Les clients venus de l'autre côté du Rhin, pour profiter de l'essence moins chère. Chez Yves Fuchs à Muntzenheim, ils représentent 40% de la clientèle. Et ce phénomène s'observe aussi, évidemment, dans le Nord de l'Alsace.

Vers une amélioration?

Une augmentation des cadences de livraison dans les stations-service devrait contribuer à un retour à la normale, d'ici le milieu de la semaine, estime Yves Fuchs. Mais pour les infirmiers libéraux, trouver de l'essence relève maintenant de l'urgence. "Si cela continue, et qu'on ne peut plus assurer les visites à domicile, il faudra orienter les patients vers les hôpitaux" déclare Julien Boehringer. Pour les infirmiers à domicile, chaque jour qui passe est une journée de galère.