PORTRAIT. À 70 ans, il va courir 175 kilomètres sans dormir (ou presque)

Du 19 au 21 mai 2023, les sommets alsaciens vibreront au rythme des foulées de centaines de coureurs venus s'affronter pour la nouvelle épreuve de l'Ultra-Trail du Mont Blanc : le trail Alsace Grand Est by UTMB. Parmi eux, Edgar Ging. À 70 ans, il est le doyen alsacien de l'épreuve.

Edgar Ging est né en 1953. Depuis des années, ce Bas-Rhinois passe sa retraite à enchaîner les courses à pied et les trails. À 70 ans, il prendra le départ de l'épreuve reine du trail Alsace Grand Est by UTMB, du 19 au 21 mai. 175 kilomètres de courses à pied pendant un jour et demi ? Même pas peur.

Car il faut dire que cet habitant de Dossenheim-sur-Zinsel (Bas-Rhin) en a vu d'autres. Dans son armoire, des dizaines de maillots. Des trophées qu'Edgar Ging a ramenés des trails auxquels il a participé. Il garde encore en mémoire la Diagonale des Fous, la traversée de l'île de La Réunion qu'il a accomplie en 2012 et 2015. "De toute ma collection, ce sont les maillots que je préfère. L'île est quand même magnifique, il y a un très beau panorama", glisse-t-il.

Le contexte, les paysages, la nature... Voilà les premiers mots qui viennent à la bouche de cet ancien policier quand on lui demande pourquoi il aime autant courir. Certes la performance l'importe, c'est un compétiteur. Mais elle passe au second plan. "Retrouver la faune, la forêt... Être dans un cadre naturel, c'est magnifique !"

Edgar Ging a commencé par des courses courtes après avoir longtemps joué au football. "C'étaient d'abord des 5 kilomètres, des 10 kilomètres... Et progressivement, je me suis tourné vers le trail. Faire des distances aussi longues (des dizaines de bornes, voire au-delà de 100, ndlr.), c'est aussi un petit défi que je me lance ! Pour l'instant, je suis en forme alors j'espère continuer encore longtemps."

Rien n'arrête la motivation du retraité. Il prend pour exemple sa mère, encore de ce monde à 96 ans. Mais Edgar Ging voit encore plus loin et espère courir un marathon à 100 ans, "si la santé le permet". Pour y parvenir, il s'aide de ce qu'il appelle "[sa] thérapie sportive". N'allez pas lui proposer de médicament, il n'en prend pratiquement pas. Il préfère les produits naturels et surtout avaler les kilomètres.

On est pris par le truc. Au bout de deux jours sans courir, ça y est, il faut déjà que je reparte !

Edgar Ging

Depuis trois mois, il suit une préparation intensive et use ses baskets au rythme de 100 bornes par semaine, voire plus. On peut presque parler d'une addiction. "On est pris par le truc. Au bout de deux jours sans courir, ça y est, il faut déjà que je reparte !" Pourtant, dans la semaine qui a précédé l'épreuve alsacienne de l'UTMB, son programme précis lui imposait beaucoup de repos. Il a dû faire avec les fourmis dans les jambes.

175 kilomètres à plus de 6.200 mètres de dénivelé positif

Car pendant plus de 30 heures de course, c'est un programme dantesque qui attend Edgar Ging. Des quatre épreuves organisées pendant le week-end, il s'est évidemment inscrit sur la plus longue : l'ultra-trail des Chevaliers. 175 kilomètres entre Colmar (Haut-Rhin) et Obernai (Bas-Rhin) à travers le sommets des Vosges et une vingtaine de châteaux forts à plus de 6.200 mètres de dénivelé positif.

"Quand j'ai vu sur Facebook que l'UTMB organisait une course en Alsace, j'ai dit : 'Ça, il ne faut pas que je le loupe'. C'est quand même mes racines ici ! C'était dans mes rêves de courir à la maison, alors c'est juste parfait", se réjouit le retraité. Le départ sera donné depuis Colmar à 20h le vendredi 19 mai et Edgar Ging compte arriver dans la matinée du dimanche. Deux nuits attendent donc celui pour qui la gestion d'une poignée d'heures de sommeil est "la chose la plus dure à gérer".

Dans les grandes courses, il n'y a pas de rivalité.

Edgar Ging

Sa préparation ne se fait pas seul. Le sportif est le président des Mordus du Daubenschlag, une association de coureurs qui a vu le jour à Dossenheim-sur-Zinsel. Avec d'autres mordus, il s'entraîne autour de chez lui, en pleine nature évidemment. "Dans le village, il a un bon noyau de camarades sportifs. Courir, c'est aussi le moment pour lui de discuter avec des amis, de se raconter sa semaine... C'est un vrai lien social", sourit Emmanuel Allenbach, un autre spécialiste local du trail.

"L'ambiance est super, c'est très convivial. Dans les grandes courses, il n'y a pas de rivalité. L'entraide fait partie de l'esprit, que ce soit pendant les entraînements ou en course", abonde Edgar Ging. Celui qui sera le doyen alsacien de l'ultra-trail des Chevaliers se donne un objectif : terminer l'épreuve. Pour l'aider dans sa mission, il a son petit secret. Pour changer de l'eau, qui peut devenir indigeste après des heures d'effort, les mordus du Daubenschlag ont inventé leur potion magique.

Du thé vert, du miel, du bicarbonate de soude et du sirop d'agave. Voilà peut-être une des explications de la longévité d'Edgar Ging. "Il y a à la fois du sucre et du sel. Ça se mélange bien et surtout, ça passe bien ! Quand c'est trop sucré, vous êtes dégouté et vous n'avez plus envie de boire. Au bout de deux heures, il faut du sel." Gérer la fatigue et la nutrition, la mission principale du sportif pendant les 30 heures d'épreuve.

Le septuagénaire voit déjà plus loin. Il espère que l'édition alsacienne de l'UTMB se rapproche un petit peu plus de chez lui, dans les Vosges du nord. "Même si l'arrivée est dans le Bas-Rhin, il y a une grosse partie dans le Haut-Rhin. J'aimerais bien voir la course du côté de Fleckenstein ou de Niederbronn..." Les organisateurs exauceront-ils les souhaits du doyen alsacien de la compétition ?